Maître de Calci

Maître de Calci
Biographie
Activité
Œuvres principales
Tête de Christ, Calci, église San Giovanni ed Ermolao.

Le Maître de Calci (en italien, Maestro di Calci ou Maestro della croce di Calci) est un peintre anonyme, actif à Pise entre 1240 et 1260 environ, de facture essentiellement lucquoise (Berlinghieri) mais influencée par la peinture pisane (Giunta Pisano)[1]

Ragghianti est à l’origine de sa définition en 1955[2], le dénommant d'après un fragment de crucifix conservé en l'église paroissiale de Calci, près de Pise.

L'Œuvre

D'abord considéré comme un maître de stricte facture lucquoise[3], « personnalité anonyme de l'entourage des Berlinghieri »[4], une partie de la critique récente insiste désormais sur le fait que son style tient compte des leçons du pisan Giunta Pisano[5],[6]. Ainsi, pour Burresi-Caleca[1], l’œuvre réunie sous son nom se définit à partir d’une interprétation des formes et des modulations lumineuses de Giunta : l'accentuation par des traits lumineux du clair-obscur renforce ses effets plastiques et expressifs, amenant d'ailleurs des résultats assez similaires aux dernières œuvres de Berlinghiero Berlinghieri (par exemple dans le Crucifix de Fucecchio, lui-même vraisemblablement influencé par Giunta[7]).

Son traitement du thème traditionnel du Christus triumphans, en particulier celui du visage du Christ, s'appuie sur des procédés caractéristiques, qui ont servi de critères au regroupement effectué par Ragghianti[8] : forts contrastes de lumière sur le visage, l'oreille gauche en forme de demi-lune, la barbe finement ondulée en traits fins mais fortement différenciés, les ondulations ligneuses des cheveux, la raie et les petites mèches à la racine de celle-ci...

Crucifix (fragment) - Tête de Christ, Calci

Garrison[9] publie pour la première fois cette œuvre en 1949, l'attribuant à un artiste de facture lucquoise du milieu du XIIIe siècle. En 1955 elle devient l’œuvre éponyme du maître de Calci, autour de laquelle Ragghianti regroupe des œuvres berlinghiesques similaires.

Carli en 1958[10] et, plus près de nous, Ferretti en 1987[11] confirment l'attribution, ainsi que Burresi et Caleca en 1993[6], ces derniers rapprochant plus précisément l’œuvre de celles de Bonaventura Berlinghieri, le fils de Berlinghiero Berlinghieri.

Tartuferi[5] souligne le caractère « indéniablement pisan » de l’œuvre[12], qui s'inspire selon lui directement de Giunta Pisano.

Tête de Christ, Avignon, Musée du Petit Palais

Crucifix (fragments d'Avignon et Rio)

Pour E. Garrison[13], la Tête de Christ d'Avignon est une œuvre lucquoise, ou pisane sous influence lucquoise, de l’école des Berlinghieri, exécutée vers 1245-1255, œuvre que selon une suggestion de Federico Zeri[4], il rapproche d'un autre fragment un bras gauche du Christ avec saint Jean, autrefois dans la collection Sterbini à Rome, et aujourd'hui au Museu Nacional de Belas Artes de Rio de Janeiro. Les deux fragments proviennent effectivement d'un même crucifix, très proche de celui signé par Berlinghieri (Pinacothèque de Lucques). Cette attribution sera entérinée par les catalogues successifs du Musée du Petit Palais (1977, 1987, 2005[4]) qui attribuent l’œuvre à l'École des Berlinghieri.

Alors qu'en 1955, Ragghianti[8] l'ajoute au corpus du Maître de Calci, E. Carli (1958), quant à lui, y reconnaît la main d'un autre brillant élève de Berlinghiero, maître anonyme dénommé le Maître (du crucifix) de Castelfiorentino d'après le Crucifix de Santa Chiara à Castelfiorentino (aujourd'hui au Musée d'Art sacré de Volterra).

Dans son index des œuvres du duecento, Marques répertorie l’œuvre sous la rubrique « Lucca/Atelier ou entourage local des Berlinghieri »[14] et y voit surtout le point de départ d'un deuxième moment « dans la production de cet ensemble d'ateliers lucquois au XIIIe siècle [...] qui s'affirmerait pleinement avec des œuvres du troisième quart du siècle, parmi lesquelles les diptyques de l’Académie de Florence[15], les tabernacles de Cleveland[16] et Frick[17], les crucifix du palais Barberini à Rome, et du musée Bandini de Fiesole (Garrison no 468)[18], la crucifixion du Getty Museum de Malibu[19], le triptyque de Bilthoven[20], etc. »[21].

Ferretti en 1987[22] réaffirme l'attribution de Ragghianti au Maître de Calci; avis repris depuis par A. Tartuferi[23], M. Boskovits[24] et Carletti[25].

Le Crucifix de San Paolo a Ripa d'Arno

Crucifix de San Paolo Ripa d'Arno

Du crucifix du XIIIe siècle n'a été préservée que la tête du Christ, le reste du corps ayant été repeint au XVIe siècle ou XVIIe siècle[26]. Signalée par Garrison[27] comme œuvre berlinghiesque, ajoutée par Ragghianti[8] au catalogue du Maître de Calci, la restauration de l’œuvre en 1975-77 a permis de reconnaître encore plus nettement l'auteur du Crucifix de Calci[26].

Le crucifix de San Michele degli Scalzi

L'emplacement d'origine de ce crucifix reste très débattu, les critiques se partagent entre l'église San Giovanni Decollato (ou l'église plus ancienne SS. Annunziata dite la Nunziatina) et l'église Santi Cosma e Damiano, toutes deux dans le quartier San Antonio et détruites durant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, le crucifix fut transporté au sein de l'archevêché de Pise où elle fut remisée en attente d'une restauration finalement effectuée en 1977-1979 par F. Giannitrapani, restauration qui a enlevé l'ensemble des repeints du XVIIIe siècle et mis au jour les brillantes couleurs médiévales, notamment l'or et le fond bleu éclatants. À noter que c'est le seul crucifix du maître de Calci qui nous soit parvenu entier - pour le corps du christ tout au moins, car tous les panneaux aux extrémités (tabelloni) de la croix sont perdus.

Étudiée seulement récemment par la critique[6],[28], l’œuvre dénote des traitements calligraphiques caractéristiques : corps élancé, muscles sombres et striés de rehauts blancs, les forts contrastes de lumière sur le visage - qui mettent particulièrement en valeur le regard légèrement dirigé vers le haut, l'oreille gauche en forme de demi-lune, la barbe finement ondulée, la raie des cheveux, ceux-ci tombant sur les épaules en boucles délicates, le ventre triparti au rayonnement solaire, les genoux symbolisés par des « idéogrammes » rectangulaires et enfin les jambes qui nous semblent grossières du fait de l'inversion de profondeur. Le thème et le fait que ces procédés soient proches de ceux du Crucifix pisan no 20 confirment non seulement l'origine pisane de l’œuvre mais aussi la connaissance de l’œuvre de Giunta Pisano.

Les fresques de Ghezzano

Les fresques, découvertes récemment (2000) au cours d'une campagne de restauration, sous des fresques du XVIIe siècle, sont divisées en quatre parties sur deux registres : sur le registre supérieur est représentée une Visitation et une autre scène difficilement identifiable, et sur le registre inférieur saint Jean Baptiste et une Crucifixion entre la Vierge et saint Jean l’Évangéliste. Burresi et Caleca[29] parmi les premiers à étudier l’œuvre, notamment le modelé (du visage de saint Jean par exemple) et les jeux d'ombres remarquables, ont proposé une datation autour du milieu du Duecento et l'ont attribué au Maître de Calci.

Le retable de Sainte Catherine (Pise, inv. 1583)

Ce Retable de sainte Catherine a été exécuté, probablement dans le deuxième quart du XIIIe siècle, d'après un modèle byzantin identifié comme étant l'icône de même sujet située au Monastère Sainte-Catherine du Mont Sinaï. Il s'agit d'une des plus anciennes représentations occidentales d'un saint entouré d'épisodes de sa vie. Ce retable témoigne surtout des échanges culturels entre le monde byzantin et le monde occidental, - plus précisément entre le Mont Sinaï, lieu de pèlerinage, et Pise, alors capitale économique de la Toscane - à l'origine de la peinture dite peinture italo-byzantine.

L'élégance graphique, son style essentiellement berlinghiesque[30], les contrastes lumineux ont récemment amené la critique à l'attribuer au Maître de Calci[31].

Liste des œuvres attribuées

Le noyau d’œuvres à l'origine du nom de convention

Œuvres dont l'attribution au Maître de Calci est récente et reste débattue

Sources

Les sources de cet article sont signalées par le symbole Document utilisé pour la rédaction de l’article dans la biographie ci-dessous.

Bibliographie

Par ordre chronologique de parution:

  • [SUPINO 1894] (it) I. B. Supino, Catalogo del Museo Civico di Pisa, Pise,
  • [BELLINI PIETRI 1906] (it) A. Bellini Pietri (A cura di), Catalogo del Museo Civico di Pisa, Pise,
  • [SIREN 1914] (it) O. Sirén, « Maestri Primitivi. Antichi dipinti nel Museo civico di Pisa, », Rassegna d'Arte, Pisa, vol. XIV,‎
  • [COLETTI 1941] (it) L. Coletti, I Primitivi. I. Dall'arte benedettina a Giotto,
  • [LONGHI 1948] (it) R. Longhi, « Giudizio sul Duecento », Proporzioni, vol. II,‎ , p. 5-54
  • [GARRISON 1949] (en) E. B. Garrison, Italian Romanesque Panel Painting. An Illustrated Index, Florence, Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [VIGNI 1950] (it) G. Vigni, Pintura del Due e Trecento nel Museo Civico di Pisa, Pise,
  • [RAGGHIANTI 1955] (it) C. L. Ragghianti, Pittura del Dugento a Firenze, Florence, Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CARLI 1958] (it) E. Carli, Pittura Medievale pisana, Milan,
  • [CALECA 1986] (it) « Pittura del duecento e del trecento a Pisa e a Lucca », dans La Pittura in Italia. I. Il duecento e il trecento, p. 233-264
  • [FERRETTI 1987] (it) P. Ferretti, « Problemei della Pittura pisana del Duecento: un Crocifisso inedito a Pisa e il Maestro della croce Di Calci », Arte Christiana, no LXXV,‎ , p. 307-316
  • [MARQUES 1987] L. C. Marques, La peinture du Duecento en Italie centrale, Picard, , 287 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [TARTUFERI 1990] (it) A. Tartuferi, La pittura a Firenze nel Duecento, Florence, (ISBN 978-88-85348-01-1) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [BURRESI-CALECA 1993] (it) M. Burresi et A. Caleca, Le Croci dipinte, Pise,
  • [BURRESI-CALECA 1999] (it) M. Burresi et A. Caleca, « Le antichità pisane dall'erudizione alla collezione », dans M. Burresi (a cura di), Alla ricerca di un'identita. Le pubbliche collezioni d'arte a Pisa fra Settecento e Novecento, Pontedera, , p. 21-120
  • [BOSKOVITS 2003] (it) M. Boskovits, A corpus of Florentine painting, Ornamental painting in Italy (1250-1310), Florence,
  • [BURRESI-CALECA 2003] (it) A. Burresi et M. Caleca, Affreschi medievali a Pisa, Cassa di Risparmio di Pisa,
  • [BAY 2005] (it) C. Bay, « Scheda cat.52 - Dipinto murale, Crocifissione e Santi », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 195
  • [BURRESI-CALECA 2005] (it) M. Burresi et A. Caleca, Cimabue a Pisa : la pittura pisana del duecento da Giunta a Giotto, Ospedaletto, Pacini Editore SpA, , 310 p. (ISBN 88-7781-665-1)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [BURRESI-CALECA 2005.1] (it) M. Burresi et A. Caleca, « Pittura a Pisa da Giunta a Giotto », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 65-89 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CARLETTI 2005.1] (it) L. Carletti, « Scheda cat.47 - Volto di Cristo [Calci] », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 188Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CARLETTI 2005.2] (it) L. Carletti, « Scheda cat.48 - Christus Triomphans [San Paolo a Ripa d'Arno] », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 189 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CARLETTI 2005.3] (it) L. Carletti, « Scheda cat.49 - Christus Triomphans [San Michele degli Sclazi] », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 190 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CARLETTI 2005.4] (it) L. Carletti, « Scheda cat.50 - Braccio del Cristo e San Giovanni [Rio] », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 191
  • [CARLETTI 2005.5] (it) L. Carletti, « Scheda cat.51 - Santa Caterina con storie della sua vita », dans Cimabue a Pisa (2005), p. 192-194 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [LACLOTTE-MOENCH 2005] (it) M. Laclotte et E. Moench, Peinture italienne Musée du Peti Palais Avignon, Paris, RMN, , 272 p. (ISBN 2-7118-4995-3)

Notes et références

  1. a et b [Burresi-Caleca 2005.1], p. 82
  2. [Ragghianti 1955], p. 110-124
  3. depuis [Garrison 1949]
  4. a b et c [Laclotte-Moench 2005], p. 75
  5. a et b [Tartuferi 1990], p. 21-22
  6. a b et c [Burresi-Caleca 1993], p. 32
  7. [Burresi-Caleca 2005], p. 128
  8. a b et c [Ragghianti 1955], p. 12
  9. [Garrison 1949], no 598
  10. [Carli 1958], p. 44
  11. [Ferretti 1987], p. 307-316
  12. « opera inequivocabilmente pisana » ([Tartuferi 1990], p. 21)
  13. [Garrison 1949], no 596
  14. [Marques 1987], p. 293-294
  15. Diptyque avec Vierge à l'Enfant entre huit saints et la Crucifixion entre deux scènes de la christologie, 103 × 61 cm, Florence, Accademia no 8575/8576; Cf. [Marques 1987], p. 294
  16. Triptyque: Madone avec l'Enfant entre l'Annonciation, le Christ à la colonne et la Crucifixion, 33 × 20 cm, Cleveland Museum of Art. Cf. [Marques 1987], p. 294
  17. Triptyque: Madone avec l'Enfant entre la Capture du Christ, le Christ à la colonne, la déposition de Croix et la Mise au tombeau, 126 × 101 cm, New York, Frick Collection, Cf. [Marques 1987], p. 294
  18. Crucifix, 140 × 110 cm, Fiesole, Museo Bandini, vers 1250-60
  19. Crucifixion Malibu, Getty Museum, inv. 70 PB 46. Cf. [Marques 1987], p. 294
  20. Triptyque : Madone à l'enfant entre saint François et saint Antoine, 90 × 168 cm, Bilthoven, Collection C.J. Veder; Cf. [Marques 1987], p. 294
  21. [Marques 1987], p. 72-73
  22. [Ferretti 1987], p. 307-309
  23. [Tartuferi 1990], p. 13
  24. [Boskovits 2003], p. 91-92
  25. [Carletti 2005.4], p. 191
  26. a et b [Carletti 2005.2]
  27. [Garrison 1949], no 593
  28. [Carletti 2005.3]
  29. [Burresi-Caleca 2003], p. 58-59
  30. [Caleca 1986], p. 235-238
  31. [Carletti 2005.5], p. 192

Articles Liés

Liens externes