Mégafeu

Front de flammes actif en Californie en 2007.
Mégafeu en Californie près de l'autoroute 99 en septembre 2020.

Un mégafeu est un incendie hors-normes déclenchant de très grands incendies, notamment des feux de forêt ravageant une très grande surface boisée, sans que cette appellation ne corresponde à une définition scientifique très précise. Leurs effets sont différents de ceux des feux classiques et leurs causes peuvent être différentes.

On parle habituellement de mégafeu lorsque la surface touchée est de l'ordre minimal de 1 000 à 10 000 hectares, mais le concept peut varier selon la taille des régions ou des pays. Alors qu'en Europe on les caractérise à partir de 1 000 hectares, aux États-Unis c'est à partir de 10 000 hectares[1].

Une étude récente de la NASA élargit la définition des mégafeux à toute une série de facteurs : « Entre les changements climatiques et près d'un siècle d'exclusion des incendies, les feux de forêts sont devenus plus extrêmes en termes de taille, de gravité, de complexité du comportement et de la résistance à l'extinction. Ces incendies sont communément qualifiés de mégafeux et se situent aux extrêmes des variations historiques »[2].

Origine du terme

Le terme de mégafeu est apparu dans la littérature américaine en 2013[3]. Le mot est composé de l'élément formant méga qui provient du grec ancien μέγας, mégas « grand » et du substantif feu issu du latin fŏcus « foyer, feu, âtre ».

Caractéristiques générales

Ce qui caractérise les mégafeux est leur intensité, leur conséquence, leur durée et leur dimension incontrôlable. Ils ont également la particularité de sévir sur tous les continents y compris près du cercle polaire[4]. Les mégafeux ont une violence, une intensité, une étendue et une rapidité de passage extrêmement supérieures à la normale et sont proprement inextinguibles[3]. Comme pour les tempêtes de feu, leur intensité est si forte qu’ils génèrent leur propre climat[4].

Fonctionnement d'un mégafeu

La fumée des feux monte très haut dans le ciel et forme des pyrocumulus et des pyrocumulonimbus, des nuages aussi surnommés les « dragons cracheurs de feu », qui se chargent en électricité puis provoquent des orages géants, peu chargés en pluie mais avec un fort potentiel de créations d’éclairs et qui en touchant le sol, créent de nouveaux incendies[4],[5].

La fusion de feux entre eux peut créer un mégafeu, comme lors des feux de brousse de 2019-2020 en Australie, où des cas de très nombreux feux se rejoignant en un gigantesque brasier ont été relevés[6].

Mégafeux historiques

Des mégafeux ont touché plusieurs régions du monde, dont l'Amazonie, la Californie, l'Australie, la Sibérie[4], le Groenland[7], le bassin méditerranéen[8] et le bassin du Congo[9].

Parmi les pays méditerranéens, c'est notamment l'Espagne, le Portugal, la Turquie et la Grèce qui ont été touchés[8].

À partir du , la Grèce est touchée par l'un des incendies les plus meurtriers du continent européen[10] et de l'histoire récente du pays[11], les feux de forêt de l'été 2018 en Attique faisant 102 morts. L'été 2018, la Lettonie et la Suède prennent feu jusqu'au cercle polaire[12].

En Californie, en , un mégafeu a tué 85 personnes et ravagé 60 000 hectares[13],[14]. En août 2020, deux autres mégafeux y ont aussi été enregistrés : ils ont calciné respectivement 127 000 et 116 000 hectares[15].

Fin 2019, le Brésil, le Congo, la Russie et les États-Unis ont été victimes de mégafeux à une échelle qualifiée de "sans précédent"[16].

En Australie, durant les feux de brousse de 2019-2020, plusieurs mégafeux se sont enclenchés, dont l'un mesurant 6 000 km2[17].

En 2023, des mégafeux se propagent au Canada sur une période de cinq mois, détruisant plus de 17 millions d'hectares de forêt. Les émissions de dioxyde de carbone représentent celle de l'Inde sur une année complète, soit 647 millions de tonnes[18].

Chiffres

Les mégafeux ne représenteraient que 3 % des incendies mais seraient responsables de plus de 50 % des surfaces brûlées de la planète[14]. Le nombre de mégafeux incontrôlables serait en augmentation[14].

La quasi-totalité (96 %) des 500 mégafeux les plus désastreux de la dernière décennie se sont produits pendant des périodes de chaleur et/ou de sécheresse inhabituelles[16].

Causes

Un mégafeu peut être dû à divers facteurs, tels que des températures élevées, la sécheresse, la pression humaine et l'état des forêts[16],[14]. Les mégafeux sont le plus souvent d’origine humaine : criminelle ou accidentelle[19]. Les feux de forêt de 2022 en Gironde seraient dus notamment à l'abandon d'un projet de débroussaillement en raison de l'opposition de militants écologistes[20].

Les exploitations forestières, avec notamment des plantations de pins, ou encore d'eucalyptus, particulièrement inflammables en raison de leur caractère pyrophyte, contribuent aussi fortement à la propagation de ce type d'incendies du fait de leur grande vulnérabilité. Ce phénomène a notamment été observé en Espagne et au Portugal, ou encore en Suède, où des incendies ont révélé le fait que la Suède possédait une forêt à 70 % industrielle[12].

Théorie du complot

Certaines théories du complot qui circulent dans les milieux complotistes et/ou climato-scepticites émettent l'idée que ces feux ou une partie de ces feux sont des incendies criminels d'origine étatique, gouvernementale ou militaire, volontairement provoqués par les États ou gouvernements.

Impact

  • biosphère

En Australie, ils ont détruit près de 100.000 km2 de végétation[21].

  • qualité de l’air et la santé des populations

En émettant de grandes quantités de particules fines (PM2.5), ils ont un impact sur la santé des populations. Cette détérioration de la qualité d'air est associée à des maladies multiples, notamment respiratoires, telles l'obstruction pulmonaire chronique et l'asthme, et des maladies cardiovasculaires[21].

  • émissions de CO2

Pour les feux australiens de 2019/2020 ce sont environ 900 mégatonnes de CO2. Les feux sibériens de l’été 2020 ont émis 244 mégatonnes de CO2[22]. De plus, les fumées sont montées jusqu’à la stratosphère, la deuxième couche principale de l’atmosphère (entre ~12 et 50 km), et ont eu un impact plus important que les éruptions volcaniques modérées des trois dernières décennies[21].

Projections pour le futur

En raison de la survenance de plus en plus fréquente d’événements extrêmes, comme la sécheresse ou la canicule, le rapport du GIEC[23] (2019) prévoit une augmentation de la survenance des incendies de forêt, plus particulièrement pour l’Amérique du Nord et l’Europe du Sud.

En Europe du Sud, à la fin de ce siècle et pour le scénario RCP8.5, la surface brûlée chaque année pourrait ainsi être multipliée par un facteur compris entre 3 et 5 par rapport à la surface actuelle.

Notes et références

  1. « Australie : «Ces mégafeux sont un aperçu du futur qui nous attend» », sur Libération.fr, (consulté le )
  2. Joelle Zask, Quand la forêt brûle : Penser la nouvelle catastrophe écologique, Premier Parallèle, , 159 p. (ISBN 978-2-85061-005-9, lire en ligne)
  3. a et b Vincent Lucchese, « « Face aux mégafeux, il faut réapprendre à entretenir la nature » », Usbek & Rica,‎ (lire en ligne)
  4. a b c et d « Amazonie, Californie, Sibérie et Australie : que sont ces mégafeux qui dévastent les forêts du monde ? », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  5. « Le billet vert. Les pyrocumulus alimentent les feux de forêts australiens », sur Franceinfo, (consulté le )
  6. « Australie : plusieurs incendies fusionnent en un "mégafeu" au nord de Sydney », sur Franceinfo, (consulté le )
  7. Jade Lindgaard, « Les mégafeux, une catastrophe mondiale et totale », sur Mediapart (consulté le )
  8. a et b Science-et-vie.com, « Les mégafeux vont devenir de plus en plus courants - Science & Vie », sur www.science-et-vie.com, (consulté le )
  9. (en) U. N. Environment, « Les "mégafeux" sont-ils la nouvelle norme ? », sur UN Environment, (consulté le )
  10. « De la Grèce à la Scandinavie, le lourd bilan des incendies », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  11. « Incendies en Grèce : 91 morts et 25 disparus », sur LCI (consulté le ).
  12. a et b « Mégafeux : « Nous ne vivons pas seulement dans l’Anthropocène mais dans le Pyrocène » », sur Reporterre (consulté le )
  13. (en) « 'Megafire' That Torched Town Now Common in California », sur Voice of America (consulté le )
  14. a b c et d Science-et-vie.com, « Les mégafeux vont devenir de plus en plus courants - Science & Vie », sur science-et-vie.com, (consulté le )
  15. Pour respectivement le « LNU Lightning Complex », situé au nord de San Francisco, désormais le deuxième incendie le plus dévastateur de l’histoire de la Californie, et le « SCU Lightning Complex », non loin de San Jose, cf.« Les incendies se poursuivent en Californie, plus de 100 000 personnes évacuées de leur domicile », sur Le Monde (consulté le ).
  16. a b et c (en) U. N. Environment, « Les "mégafeux" sont-ils la nouvelle norme ? », sur UN Environment, (consulté le )
  17. (en) « Enormous 'Megafire' In Australia Engulfs 1.5 Million Acres », sur NPR.org (consulté le )
  18. « 17,347 millions d'hectares — La superficie de forêts détruites par les mégafeux au Canada en 2023 », Sciences et Avenir, no Octobre 2024,‎ , p. 14
  19. « Pourquoi il faut avoir peur des mégafeux », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  20. « Incendies en Gironde : entretien de la forêt, coordination des secours, disponibilité des Canadair... les raisons d'un désastre », sur ladepeche.fr (consulté le )
  21. a b et c « Doit-on s'attendre à plus de mégafeux à cause du changement climatique ? », sur Bon Pote, (consulté le )
  22. (en) Alexandra Witze, « The Arctic is burning like never before — and that’s bad news for climate change », Nature, vol. 585, no 7825,‎ , p. 336–337 (DOI 10.1038/d41586-020-02568-y, lire en ligne, consulté le )
  23. « Changement climatique et terres émergées, rapport du GIEC »

Voir aussi

Bibliographie

  • Joëlle Zask, Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique, Paris, éditions Premier Parallèle, 2019, (ISBN 9782850610042).

Articles connexes

Liens externes

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