Ayant bénéficié d'une formation d'ingénieur des ponts et chaussées, Cassas fut successivement le protégé d'Aignan-Thomas Desfriches et de Louis-Antoine de Chabot, époux d'Elisabeth-Louise de La Rochefoucauld, devenu en 1791 duc de Rohan-Chabot. Il se forma à l'académie parisienne de ce dernier entre 1775 et 1778, accomplissant en 1776 deux voyages en Hollande et en Bretagne. Il fut aussi l'élève de Jean-Jacques Lagrenée[1]. Parti avec le duc de Chabot en Italie en 1778, il y resta jusqu'en 1783. C'est à l'aller qu'il dessina les Alpes entre Genève et le Mont-Cenis. Au cours de ce premier séjour dans la péninsule, il se rendit à trois reprises dans le royaume de Naples puis en Istrie et en Dalmatie (1782), contrées encore peu fréquentées par les artistes et par les voyageurs de son époque. Il participa dans le sud de l'Italie à l'expédition voulue par l'abbé de Saint-Non pour réaliser le Voyage pittoresque ou description des Royaumes de Naples et de Sicile (1781-1786, 4 vol.). Il réalisa des dessins de monuments antiques à Pula (Pola) et au palais de Dioclétien à Split (Spalato), publiés vingt ans plus tard dans le Voyage pittoresque et historique de l'Istrie et de la Dalmatie rédigé d'après l'Itinéraire de L. F. Cassas par Joseph Lavallée (Paris, 1802, 69 planches) avec quelques vues du port de Trieste et de châteaux médiévaux des environs (Luegg), d'autres de la côte dalmate et enfin quelques-unes de cascades dans l'intérieur des terres (Ruecca, Kerka, Cettina) [2].
C'est un nouveau protecteur, le comte de Choiseul-Gouffier, ambassadeur du roi de France à Constantinople, qui l'emmena avec lui en 1784 en passant par la Grèce. Depuis Constantinople Cassas sillonna le Levant de la fin de 1784 jusqu'en , se rendant en Asie mineure ( Smyrne, Ephèse, Alexandrette), en Syrie (Alep, Palmyre, Baalbek), en Palestine et de là en Égypte (dont Le Caire), but initial de son voyage[3]. Il en rapporta "200 à 250 dessins" et des pièces d'archéologie acquises pour l'ambassadeur, témoignages exceptionnels du Moyen-Orient au XVIIIe siècle. De retour à Rome où il séjourna de la fin de 1786 à , Cassas mit au net ses croquis et restaura certaines pièces d'antiques pour le compte de Choiseul-Gouffier.
Rentré à Paris, Cassas participa avec La Porte du Theil, Legrand et Langlès à la publication du Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et la Basse-Aegypte, dont seuls deux des trois volumes prévus parurent en 1799, l'entreprise ayant été interrompue en 1802 au profit de la Description de l'Egypte.
Sur les monuments qu'il dessinait Cassas rassembla également une collection de maquettes en relief, en terre cuite ou en liège, achetée par Napoléon Ier, aujourd'hui conservée à l'École des beaux-arts de Paris.
Sous la protection du duc de Rohan, Cassas enseigna à l'école de la Manufacture royale des Gobelins où on le nomma inspecteur des travaux et professeur de dessin en 1816. Il fut l'un des initiateurs au néoclassicisme au début du XIXe siècle. De 1817 à sa mort, il dessina de grandes aquarelles destinées à la vente dont le format - proche ou dépassant parfois le mètre de long - rivalisait avec les tableaux de chevalet.
Œuvre
Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Égypte, 2 vol., 330 pl. gravées sur les dessins et sous la direction de Cassas, textes de F.-J.-G. La Porte du Theil, J.-G. Legrand et L. Langlès, 2 vol., Paris, Impr. de la République, 1799.
Voyage pittoresque et historique de l'Istrie et de la Dalmatie, rédigé d’après l’itinéraire de L.-F. Cassas par J. Lavallée, Paris, Libr. Née, 1802.
Grandes vues pittoresques des principaux sites et monumens de la Grèce et de la Sicile, et des sept collines de Rome, dessinées et gravées à l'eau-forte, au trait, par MM. Cassas et Bence, accompagnées d'une explication des monumens par M. Ch.-P. Landon, Paris, Treuttel et Wurtz, 1813.
Philippe Delord a rendu hommage au peintre dans deux volumes : Alexandrie : sur les pas de Louis-François Cassas (Paris, Gallimard, 2001) et Regards croisés sur Chypre : sur les pas de Louis-François Cassas (illustrations de Philippe Delord, textes de Christine Demillier ; Paris, Gallimard-Nouveaux loisirs, 2004).
Vue de l'Isle belle, graphite et pierre noire, H. 0,237 ; L. 0,380 m[4]. Paris, Beaux-Arts de Paris[5]. Cette feuille est centrée sur les bâtiments, détaillés avec une grande précision topographique grâce à la technique de la pierre noire. Les reliefs du sol, les nuages et les reflets du lac sont esquissés d'un trait peu appuyé, contrairement aux éléments architecturaux qui se détachent sur cet écrin naturel.
Le Temple de la Paix à Rome et le Colisée, graphite et pierre noire, H. 0,225 ; L. 0,363 m[6]. Paris, Beaux-Arts de Paris[7]. Cassas représente les voûtes massives de la basilique de Maxence et Constantin, appelé à tort "Temple de la Paix". Ces vestiges, alors partiellement dégagés, de même que ceux du Colisée en arrière-plan, sont évoqués par le contraste entre le rendu détaillé des monuments et l'imprécision des décombres, de la végétation et du ciel alentour, esquissés à grands traits.
Paysage avec autoportrait, vers 1792, plume et aquarelle sur papier vélin, 56,5 x 78,5 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts[8].
↑G. Bertrand, L'Istrie et la Dalmatie, terre de frontière pour l'invention de l'archéologie à l'époque du consulat, dans M. Royo, dir., Du voyage savant aux territoires de l'archéologie, 2011; J. Wilkes, Diocletian's Palace, Split, Sheffield, 1986, p. 81 note 131.
↑Annie Gilet, « Louis-François Cassas und der Orient », dans Europa und der Orient 800-1900, catalogue d’exposition, Berlin, 1989, p. 279-287 et 412-413.
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.72-75, Cat. 22
↑Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°143
Annexes
Bibliographie
(en) Elisabeth A. Fraser, « In the Shadow of les Grands: Cassas's Orientalist Self-Fashioning », in Mediterranean Encounters: Artists Between Europe and the Ottoman Empire, 1774-1839, Penn State University Press, 2017 (ISBN978-0-271-07320-0) (lire en ligne)
Annie Gilet, Sophie Join-Lambert, dir., Voyages en Italie de Louis-François Cassas, 1756-1827, catalogue de l’exposition du musée de Tours, commissariat scientifique Annie Gilet, Cinisello Balsamo (Milan), SilvanaEditoriale, 2015.
Gilles Bertrand, « Entre affichage de la fraternité et visions inégalitaires : peuples frères, sauvages et dégénérés dans le discours des voyageurs et polygraphes français sur l’Istrie et la Dalmatie, 1789-1815 », dans Pierre Serna (dir.), Dire et faire l’Europe à la fin du XVIIIe siècle, numéro thématique de La Révolution française/Cahiers de l’IHRF, n° 4, (lire en ligne).
Gilles Bertrand, « L’Istrie et la Dalmatie, terre de frontière pour l’invention de l’archéologie à l’époque du consulat ? », dans Manuel Royo, Martine Denoyelle, Emmanuelle Hindy-Champion, David Louyot (dir.), Du voyage savant aux territoires de l’archéologie. Voyageurs, amateurs et savants à l’origine de l’archéologie moderne, Paris, De Boccard, coll. « De l’archéologie à l’histoire », 2011, p. 217-244.
Louis-François Cassas, 1756-1827, Dessinateur voyageur-Im Banne der Sphinx. Ein französischer Zeichner reist nach Italien und in den Orient, catalogue franco-allemand rédigé par Annie Gilet et Uwe Westfehling, publié à l'occasion d'une exposition au Wallraf-Richartz-Museum de Cologne du au puis au musée des Beaux-Arts de Tours du au , Éditions Philipp von Zabern, Mayence (ISBN3-8053-1682-8).
Annie Gilet, « Louis-François Cassas und der Orient », dans Europa und der Orient 800-1900, catalogue d’exposition, Berlin, 1989, p. 279-287 et 412-413.
Dezobry et Bachelet, Dictionnaire de biographie, t.1, Ch.Delagrave, 1876, p. 480.