Le marquis de Suse (en français Suze) est un titre que la tradition utilise pour désigner les possesseurs des droits sur la vallée de Suse, qui n'est pas à proprement parler une marche.
Histoire du titre
Les Arduinides sont comtes, avant d'utiliser le titre de marquis, entre Turin et la vallée de Suse. Cette vallée, où s'écoule la Doire Ripaire, entre dans le domaine familial, à partir d'Arduin III le Glabre, au milieu du Xe siècle, selon le Chronicon novaliciense. Il porte le titre de marquis, qui se substitue à celui de comte. Ainsi dans un acte de donation, il s'intitule marquis en Italie (Adlabertus Dei gratia humilis marchio hic in Italia)[1].
Ses héritiers — Manfred, Ardouin et Oddon Ier — « divisèrent leur patrimoine privé en trois parts mais transmirent au seul Olderico Manfredi la charge de marquis qui, par la suite, alla toujours à un successeur unique »[2].
Les humbertiens de la maison de Savoie héritent une partie du patrimoine des Arduinides, et ils s'appliquent, notamment grâce dans l'historiographie dynastique, à apparaître comme les successeurs des marquis en utilisant dans leur titulature le titre de marquis en Italie[3], jusque vers le début du XIIIe siècle[4].
Samuel Guichenon (XVIIe siècle), dans sa proposition de filiation pour Adélaïde de Suse, donnaient pour premiers marquis de Suse les personnages suivants[6] :
AbbonPatrice Romain, recteur (gouverneur) de Maurienne et de Suse (726), que l'historien Francesco Agostino Della Chiesa (Historia del Piemonte, 1608)) considérait comme « le premier marquis de Suse ».
Honoria, fille du précédent, Dame de Suze et de Turin, ∞ Theobald/Theubald, héritier du titre de marquis, fils de Manfroy, comte du palais.
Guichenon associe dès lors aux comtes de Savoie le titre de marquis de Suze, bien que cet usage ne soit pas attesté, ces derniers utilisant celui de marquis en Italie.
Il possède un tiers de Suse et sa vallée, en partage avec son frère, Alric, et deux petits cousins, Boson et Guy II, héritiers du tiers de son frère Oddon Ier. En tant qu'aîné, il semble hériter du titre.
Adélaïde, fille du précédent. Héritière d'Auriate, de Turin, d'Ivrée, d'Aoste et de Suse, elle porte dans la documentation médiévale le titre de comitissa (comtesse), le titre de marchio (margrave) revenant à ses époux (attesté pour au moins deux d'entre-eux), puis à ses fils dont elle a la régence.
(1) Hermann IV de Souabe (1014-1038), duc de Souabe, qui reçoit la marche de son beau-père en Italie de l'empereur en 1034 (marcham soceri sui Maginfredi in Italia)[7].
(2) Oddon de Maurienne ou de Savoie, fils du comte, et qui ne détient pas encore ce titre lors du mariage. marchio (1051), Ottonis marchionis de Italia (1067).
1078-1091 Agnès de Savoie, fille de Pierre hérite à la mort de son père des biens et titre, passant à la suite de son mariage, en 1080, à Frédéric de Montbéliard[8],[9]. Toutefois, Agnès et son époux disparaissent de la documentation régionale, laissant la succession de Béatrice ouverte.
L'héritage de Béatrice — communément appelé « marche de Turin » — fait l'objet d'une tripartition de ses possessions par ses ayants droit, à savoir ses fils Pierre et Amédée et leurs héritiers, sa fille, Berthe, qui a épousé Henri IV du Saint-Empire, sa sœur Berthe, qui a épousé le marquis Ottone de Savone.
Humbert II de Savoie, fils d'Amédée II de Savoie et neveu de Pierre Ier de Savoie, s'empare de la vallée de Suse vers 1098 (notice du chartrier d'Oulx). Ses descendants vont chercher à s'accaparer cet héritage, notamment en utilisant dans sa titulature la mention des marquisat d'Italie et de Suse, voulant ainsi marquer une continuité entre les Arduinides et les Humbertiens. Il n'existe cependant aucun document dans lequel Humbert II porte un titre, bien qu'il possède les droits sur ces territoires.
Ses successeurs porteront les titres de comte de Maurienne et marquis en Italie, puis à partir du comte Amédée III de Savoie, comte de Savoie et marquis en Italie[10]. Le comte Humbert III de Savoie, son fils, utilise également l'expression comte de Maurienne et marquis d'Italie[10].
↑Pierre Duparc, « La pénétration du droit romain en Savoie (première moitié du XIIIe siècle) », Revue historique de droit français et étranger, 1965, fasc. 1er, pp. 22-86 .
↑M. Bruzen, Le Grand Dictionnaire Géographique, , page 728.
↑Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la Royale Maison de Savoie. Livre 3, G. Barbier, (lire en ligne), pp. 1147-1148.
↑Herimanni Augiensis Chronicon 1034, MHG SS V, p. 122.
↑ ab et cLaurent Ripart, Les fondements idéologiques du pouvoir des comtes de la maison de Savoie (de la fin du Xe au début du XIIIe siècle), vol. 3, Université de Nice, coll. « thèse sous la dir. de Henri Bresc », , 833 p. (lire en ligne), p. 308-310.
↑ ab et cMichel Bussière, Savoie et Poitou au XIe siècle : le mariage entre Pierre "de Savoie" et Agnès de Poitiers (Synthèse d'études historiques), publiée sur le site de l'Académie de Savoie - www.academiesavoie.org, , 18 p. (lire en ligne [PDF])
↑ a et bLéon Menabrea, De la marche des études historiques en Savoie et en Piémont, depuis le XIVe siècle jusqu'à nos jours, et des développements dont ces études sont encore susceptibles, Puthod, , 117 p. (lire en ligne), p. 93-94.