Lemme de SpernerEn mathématiques, le lemme de Sperner, dû à Emanuel Sperner[1], est un analogue combinatoire du théorème du point fixe de Brouwer. Le lemme de Sperner affirme que chaque coloriage de Sperner d'une triangulation d'un simplexe de dimension n contient une cellule colorée de toutes les n + 1 couleurs. Le premier résultat de ce type fut démontré par Emanuel Sperner en 1928, en relation avec des preuves du théorème de l'invariance du domaine. Les coloriages de Sperner ont été utilisés pour des déterminations effectives de points fixes, dans des algorithmes de résolution d'équations, et sont employés dans des procédures de partage équitable. En dimension 1En dimension 1, le lemme de Sperner peut être vu comme une version discrète du théorème des valeurs intermédiaires. Il affirme essentiellement qu'une fonction définie en un nombre fini de points, ne prenant que les valeurs 0 et 1, commençant à la valeur 0 et terminant en 1, doit changer de valeur un nombre impair de fois. Sur la figure de droite, ceci est représenté par les deux couleurs, avec 5 changements de couleurs de haut en bas. En dimension 2Le cas de la dimension 2 est celui auquel on se réfère le plus souvent. Il s'énonce ainsi : On se donne un triangle ABC, et une triangulation T de ce triangle. L'ensemble S des sommets de T est coloré avec 3 couleurs, de telle sorte que
Il existe alors un triangle de T, dont les sommets sont colorés avec les trois couleurs. Plus précisément, il y a un nombre impair de tels triangles. Cas généralDans le cas général, le lemme concerne un simplexe de dimension n Soit T une triangulation, c'est-à-dire une partition de en simplexes de dimension n, plus petits et disjoints. Soit une fonction de coloriage f : S → {1, 2, 3, … , n, n + 1}, où S est l'ensemble des sommets de T, respectant les règles de coloriage suivantes :
Il existe alors un nombre impair de simplexes de T, dont les sommets sont colorés avec les n+1 couleurs ; en particulier, il en existe au moins un. DémonstrationConsidérons d'abord le cas de la dimension 2. Soit G le graphe (non orienté) construit à partir de la triangulation T de la manière suivante :
Sur l'intervalle AB, il y a un nombre impair de segments colorés 1-2 (puisque A est coloré 1 et B est coloré 2, en allant de A à B, on doit rencontrer un nombre impair de changements de couleur). Ainsi, le sommet de G correspondant à l'extérieur du triangle est de degré impair. Dans un graphe fini, le nombre des sommets de degré impair est pair (lemme des poignées de main), aussi il y a un nombre impair de sommets correspondant aux triangles de T, et ayant un degré impair. Or on voit facilement que les seuls degrés possibles de ces triangles sont 0, 1 ou 2, et que le degré 1 correspond aux triangles colorés avec les 3 couleurs 1, 2 et 3. Le cas général (de dimension n) se démontre alors par récurrence sur n, en appliquant le même argument : deux sommets du graphe G sont reliés si les régions correspondantes ont une face commune (de dimension n – 1), dont les sommets sont tous de couleurs différentes. GénéralisationsLe lemme de Sperner a été généralisé au coloriage d'un polytope triangulé ayant n sommets. Dans ce cas, il y a au moins n-k simplexes complètement coloriés, où k est la dimension du polytope et "complètement colorié" signifie que chacun des sommets du simplexe a une couleur différente. Par exemple, si un polygone à n sommets est triangulé et colorié en respectant la règle de Sperner, il y aura au moins n – 2 triangles dont les trois sommets auront une coloration différente. Le résultat général fut conjecturé par Krassimir Atanassov (en) en 1996, qui le démontra[2] pour le cas k = 2. Une démonstration du cas général fut obtenue par de Loera, Peterson et Su en 2002[3]. ApplicationsLes coloriages de Sperner sont utilisés pour la détermination effective de points fixes : on associe à une fonction donnée f un coloriage de Sperner, et en choisissant des triangulations de plus en plus fines, on montre que les simplexes complètement colorés convergent vers un point fixe de f (c'est en particulier ainsi qu'on démontre le théorème du point fixe de Brouwer). Comme la détermination d'un simplexe complètement coloré est non seulement effective, mais qu'on dispose d'algorithmes rapides pour le faire, cette technique donne un procédé pratique pour obtenir des valeurs approchées des points fixes. Pour la même raison, ces coloriages s'appliquent à la résolution d'équations, et on a pu également les utiliser pour la construction de procédures de partage équitable[4]. Le lemme de Sperner est enfin essentiel dans l'étude des problèmes d'équidissection, en particulier dans la démonstration du théorème de Monsky. Notes et références(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sperner's lemma » (voir la liste des auteurs).
Voir aussiArticle connexeLiens externes
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