Non loin du Nil, dans la vallée de Biban-el-Molouk, un jeune aristocrate anglais, lord Evandale, et un égyptologue allemand, le docteur Rumphius, découvrent, grâce à l'aide d'un escroc grec dénommé Argyropoulos, une tombe inviolée. Depuis plus de 3 500 ans, nul n'a foulé le sol de la chambre funéraire dans laquelle repose le sarcophage d'un pharaon. Mais quand on ouvre le lourd couvercle de basalte noir, les deux hommes trouvent, à leur grande stupéfaction, la momie parfaitement conservée d'une jeune femme d'une magnifique beauté, appelée Tahoser. Après la découverte de cette momie, le roman raconte l'histoire de cette momie et de ses amours.
Lord Evandale et le docteur Rumphius. Composition de George Barbier, gravée sur bois par Gasperini, 1929.
Le jeune lord. Composition de George Barbier, 1929.
Tahoser, l'héroïne du roman, est la fille d'un grand prêtre d'Égypte, Pétamounoph. Lorsque le récit débute, c'est une adolescente de seize ans, d'une grande beauté. Elle est aimée d'Ahmosis, mais elle ne l'aime pas. En fait, Tahoser est amoureuse d'un homme légèrement plus âgé qu'elle, Poëri. Celui-ci est un Juif, qui est promis à Rachel, juive elle aussi. Elle fait la connaissance de Poëri sous le nom de Hora et se fait prendre pour une jeune fille pauvre, en quête d'un asile. Un jour, au crépuscule, elle suit Poëri afin de savoir qui est celle qu'il aime. C'est alors qu'elle fait la rencontre de Rachel.
Néanmoins, Tahoser ignore qu'elle a été remarquée par Pharaon qui a jeté son dévolu sur elle. Il la fait rechercher dans toute l'Égypte.
Tahoser est ensuite dénoncée par Thamar, la fidèle suivante de Rachel, qui voit d'un mauvais œil cette non-juive qui risquerait de détourner Poëri de Rachel. Pharaon se rend au domicile de Poëri et ordonne à Tahoser de le suivre. Celle-ci est stupéfaite d'apprendre qu'elle fait l'objet de l'attention de Pharaon, tandis que Thamar est largement rétribuée de sa dénonciation.
Par la suite, le lecteur apprend que le peuple hébreu est esclave en Égypte, et que sous la houlette de son guide charismatique, Moïse, il cherche à quitter le pays.
Pharaon s'oppose aux demandes successives de Moïse, qui en représailles envoie les dix plaies d'Égypte. Pharaon finit par capituler, et permet aux Hébreux de quitter le pays, à la grande joie de Tahoser.
Regrettant rapidement son geste, Pharaon poursuit les Hébreux et s'apprête à tous les massacrer, lorsque son armée et lui-même sont engloutis dans les eaux de la Mer Rouge. Les Hébreux peuvent donc quitter le pays et se rendre en Canaan.
« Tahoser attendit en vain Pharaon et régna sur l'Égypte, puis elle mourut au bout de peu de temps. »
Le manuscrit s'arrête ici.
Le roman se termine par un paragraphe indiquant que Lord Evandale ne s'est jamais marié, et que certains pensent même qu'il serait secrètement tombé amoureux de la belle Tahoser, morte depuis trente-cinq siècles.
Autour du roman
Le roman est mis en avant dans une scène du film Le Locataire (1976) où le personnage principal, repreneur d'un appartement sinistre qui a vu la précédente locataire se jeter par la fenêtre côté cour, récupère le livre de celle-ci en format poche et annonce être intéressé par sa lecture.
Le Roman de la momie reste, malgré certains anachronismes ou erreurs, globalement ancré dans le désir d'être fidèle au contexte historique. Par exemple, la description des objets quotidiens ou des vêtements est précise. Le passage sur la moisson, parmi beaucoup d'autres, décrit comment les Égyptiens moissonnaient le blé, c'est-à-dire en coupant l'épi, puis la paille séparément. De même, la description des fouilles est globalement fidèle à la façon dont elles se déroulaient au milieu du XIXe siècle.
L'auteur n'indique la judéité de Poëri qu'au milieu de l'ouvrage, et Moïse ne devient l'un des personnages principaux que dans le dernier quart du roman. L'auteur s'est manifestement inspiré des indications de la Bible qui figurent dans le Livre de l'Exode.
Publications
Le roman a été publié dans de très nombreuses éditions depuis sa parution.
Claude Aziza, Vivre l'Antiquité : recueil de préfaces et autres textes, Bordeaux, Ausonius Éditions, coll. « Scripta Receptoria » (no 8), , 373 p. (ISBN978-2-35613-159-1, lire en ligne), « Théophile Gautier. Le Roman de la momie », p. 55-61.
Natalie David-Weill, Rêve de pierre : la quête de la femme chez Théophile Gautier, Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire » (no 274), , 157 p.
(en) Roy Dineen, « « Nulle part le bonheur ne m'attend » : cruelty in the fantastique », Journal of the Australasian Universities Language and Literature Association, Routledge, vol. 84, no 1, , p. 1-19 (ISSN0001-2793, DOI10.1179/aulla.1995.001).
Marta Giné-Janer, « L'écriture d'lsis dans Le Roman de la momie de Gautier et Isis de Villiers de l'Isle-Adam », dans Pascale Auraix-Jonchière et Catherine Volpilhac-Auger (dir.), Isis, Narcisse, Psyché entre Lumières et romantisme : mythes et écritures, écritures du mythe : actes du colloque du Centre de recherches révolutionnaires et romantiques, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 17, 18, , Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Révolutions et romantismes » (no 1), , 403 p. (ISBN2-84516-146-8, lire en ligne), p. 141-153.
(en) Melanie C. Hawthorne, « Dis-Covering the Female : Gautier's Roman de la momie », The French Review, American Association of Teachers of French, vol. 66, no 5, , p. 718-729 (ISSN0016-111X, JSTOR396295).
Corinne Saminadayar-Perrin, « Pages de pierre : les apories du roman archéologique », dans Éric Perrin-Saminadayar (dir.), Rêver l'archéologie au XIXe siècle : de la science à l'imaginaire, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, , 323 p. (ISBN978-2-86272-222-1, lire en ligne), p. 123-146.
Corinne Saminadayar-Perrin, « Les fictions antiques de Gautier : une déconstruction spectaculaire de l'histoire », Bulletin de la Société de Théophile Gautier, Nîmes, Lucie Éditions, no 34 « Théophile Gautier : une écriture paradoxale de l'histoire », , p. 163-182 (ISBN978-2-35371-294-6, lire en ligne).
Jennifer Yee, « La Tahoser de Gautier et la Salammbô de Flaubert : l'Orientale et le voyage au-delà de l'histoire », Australian Journal of French Studies, vol. 36, no 2, , p. 188-199 (ISSN0004-9468).