Le film propose un parcours intrigant sur le thème de l'eau, à la manière de Gaston Bachelard (L'Eau et les Rêves, 1942), ou encore à la façon de Chris Marker, mais c'est pour mieux évoquer deux épisodes fondateurs du Chili actuel, la disparition, occultée et oubliée, des peuples autochtones, et celle plus bruyante des années de plomb de 1973-1990.
C'est sans doute pour ce scénario non conventionnel, ne correspondant pas aux conventions cinématographiques narratives, que le film a reçu le prix du scénario à Berlin.
La liste suivante tente de relever les différents sous-thèmes abordés :
Bloc de quartz, avec gouttes d'eau,
L'eau, source de toute vie, en Patagonie, comme dans le cosmos, et en provenant.
Cosmogonies autochtones : renaître dans les étoiles...
Quelques-uns des vingt survivants : mémoire des langues et des cultures, lexique (en yagan, pas de mot pour dieu ou police, selon Cristina Calderon)...
Réappropriation par le Chili de ses origines indigènes, sous la présidence de Salvador Allende (1970-1973) : philosophe Gabriel Salazar...
Premier enregistrement de l'explosion d'une supernova, depuis Atacama...
Histoire du corps de Marta Ugarte, dont le corps est parvenu à la côte (Elle a les yeux ouverts. Elle nous regarde.), reconstitution de cette réapparition...
Depuis 1990, recherche des disparus.
Mémoire des hommes, témoignages.
Remonter les rails du fond de l'océan, exposés à la Villa Grimaldi, ancien centre de détention et de torture de Santiago.
Le poète Raul Zurita : Laisser mourir les morts pour permettre aux vivants de vivre...
Pour concevoir ce film, Patricio Guzman s'est basé sur une méthode qu'il avait déjà utilisée précédemment, notamment sur Nostalgie de la lumière. Il écrit tout d'abord un petit texte en lien avec des images puis il se concentre sur une zone géographique avant de partir l'explorer avec son équipe réduite. Le film se construit alors directement sur place. Tout ce qu'il sait, comme il le précise, c'est "qu'il y sera question du passé du Chili, de son futur, de la relation avec le ciel, la terre, l'eau et la dictature"[1].
Joachim Lepastier, « Cosmogonie liquide », suivi de « Le scénario imaginaire », entretien avec le Patricio Guzmán et Renate Sachse réalisé par Thierry Méranger, Cahiers du cinéma, no 716, , p. 30-32