Koheilan
Koheilan (en arabe : كحيلان, kuḥaylān ) est l'une des cinq lignées majeures du cheval pur-sang arabe reconnues par les Bédouins, les Al Khamsa. De haute taille et forte constitution, elle doit son nom à la beauté de ses yeux, sur une peau noire qui semble naturellement rehaussée de khôl. L'existence de la lignée Koheilan est relatée par le voyageur ottoman Evliya Çelebi au XVIIe siècle, puis par le comte polonais Wenceslas Séverin Rzewuski au XVIIIe siècle, qui en fournit une description détaillée. Tenant les chevaux du Nejd d'Arabie en très haute estime, il en fait l'acquisition pour ses haras. La lignée Koheilan est largement exportée en Europe centrale et de l'Est, ainsi qu'en Russie, où elle influence de nombreuses races telles que le Shagya et le Tersk. Elle a donné la majorité des chevaux arabes polonais vainqueurs en course d'endurance. De nos jours, cette lignée est essentiellement élevée en Arabie saoudite et en Iran. TerminologieIl existe des variantes dans la transcription de l'arabe كحيلان : Keheilan[1] Kehilan et Kuhailan[2], Kocheilan et Nejdi Kocheilan[3], cette dernière transcription étant issue de l'origine de ces chevaux, chez les Bédouins établis sur les hauteurs du Nejd au centre de l'Arabie saoudite[4]. D'après Éphrem Houël, les noms que la lignée reçoit le plus communément en langue française sont « kahel, kahejle, kailhan, koheilan, et enfin kochlani »[5]. HistoireD'après les traditions bédouines décrites par Wenceslas Séverin Rzewuski, « Koheyléh » fut l'une des cinq juments qui revinrent malgré leur soif quand le prophète Mahomet prononça leur nom[6]. Il leur aurait enduit les yeux de khôl, d'où leur nom et celui de leur progéniture, « Koheilan »[6]. Les chevaux Koheilan sont considérés comme descendants directs des Al Khamsa (الخمسة), les cinq lignées de juments favorites de Mahomet[4], que les nomades Bédouins voient à l'origine de la race Arabe, la qualité d'appartenance ou non à la lignée se transmettant par la jument poulinière mère[7],[8]. Dans les faits, les noms de ces lignées proviennent souvent de la famille bédouine qui les élève[9]. L'orientaliste Alexander Chodźko note que les Koheilan sont considérés comme les meilleurs chevaux arabes[10]. La croyance bédouine attribue à ces chevaux la faculté de choisir le meilleur chemin pour leur cavalier, grâce à une forme de prescience[3]. Roger D. Upton (1873) estime que le cheval Darley Arabian, originaire de la région d'Alep, était un Koheilan-Ras-El-Fedawi[11] (une théorie controversée, d'autres estimant qu'il appartenait à la lignée Muniqi[12]). Au XIXe siècle, le nom de « Koheilan » est donné aux chevaux du désert de Syrie[13]. Notes de voyage d'Evliya ÇelebiLe voyageur ottoman Evliya Çelebi (1611-1682) rapporte qu'en 1648-1650, l'Empire ottoman élevait des Koheilan (parmi d'autres lignées) dans des harems impériaux, et qu'il leur était fourni l'herbe, le trèfle et le grain le plus fin[14]. Il cite, parmi 20 000 mousquetaires, des cavaliers montés sur des chevaux « Kuheilan »[15]. Notes de voyage du comte Wenceslas Séverin RzewuskiL'une des descriptions les plus connues est celle du comte Wenceslas Séverin Rzewuski. Ce voyageur polyglotte d'origine polonaise rédige un traité en français durant son expédition chez les Bédouins du Nejd d'Arabie, de 1817 à 1819. Il y propose une « table de gradation du sang de chevaux »[16]. D'après lui, la race « tout de sang et de feu », la plus chaude, est celle du « Nejdi Kocheilan bédouin des déserts du Schamalieh et Hediazet », avec une température de sang de 80 degrés[17]. Il classe ensuite, à 70°, le Kocheilan et le Pur-sang[16]. Rzewuski montre une grande admiration et une forte attirance pour la race Koheilan du Nejd[18], qu'il décrit comme « sans contredit le plus noble cheval du monde et souvent même le plus beau. Sa race est la plus pure, la mieux constatée. Elle n'a jamais pu être mélangée »[19]. Son carnet compte aussi de nombreuses notes linguistiques sur la langue arabe[20], et dix pages de listes généalogiques de ces chevaux[21]. Entre autres, il écrit que « ces chevaux sont Nejdi parce qu'ils sont nés dans les déserts du Nejd, et Kocheilan parce qu'ils ont les qualités requises en noir aux yeux »[22]. Il décrit également les traditions de capture et d'échange de chevaux chez les Bédouins, les chevaux capturés sur des caravanes (nakisat) étant revendus à d'autres tribus en les informant du nom et de la race des animaux, ce que Rzewuski décrit comme « un usage de courtoisie et de respect pour la pureté du sang Nejdi Kocheilan »[23]. Définissant la race par le contrôle de la généalogie et par le climat, il place naturellement les chevaux qu'il importe et élève lui-même dans ses haras au sommet du classement sanguin qu'il a établi[16]. DescriptionD'après l'étude de l'université d'Oklahoma, les éleveurs modernes de chevaux arabes considèrent plus généralement la lignée Koheilan comme l'un des trois grands types de la race arabe, avec Saklawi et Muniqi[24]. Cette lignée arabe est essentiellement réputée pour la beauté de ses yeux, qui sont surmontés de paupières donnant l'impression qu'ils ont été peints en noir[25]. La tête est courte, large entre les deux yeux et au niveau des joues[2]. Wenceslas Séverin Rzewuski accorde une grande importance à la couleur de la peau, qui doit être noire, y voyant un signe de supériorité de la race[26]. La constitution est plus solide et trapue que chez les autres lignées[24] : d'après l'étude de caractérisation publiée en URSS en 1989, le type Koheilan se distingue par « une masse corporelle proéminente, une grande taille, une construction solide et la capacité de prospérer indépendamment des conditions de gestion ». Elle ajoute que les Koheilan montrent une bonne action et une endurance satisfaisante[27]. C'est une lignée de « type masculin », à poitrine profonde, grande taille et grande puissance, pouvant atteindre une taille de 1,52 m[2]. Le Koheilan symbolise la puissance et l'endurance[28]. Les robes les plus courantes sont le gris et l'alezan[2]. Une étude a été publiée en 2011 concernant la consanguinité des chevaux de lignée Koheilan élevés en Iran. Le coefficient de consanguinité des 615 chevaux analysés est de 2,4, soit davantage que chez la lignée Abeya (1,8) mais moins que chez la lignée Hamdani (3)[29]. UtilisationsUne étude sur les chevaux d'endurance de Pologne relève qu'un nombre important d'entre eux sont des Arabes de lignée Koheilan[30]. La lignée « Koheilan Adjuze » compte peu de gagnants. La lignée « Kuhailan Afas » comptabilise le plus grand nombre de départs en course, et le plus haut taux de victoires sur 80 km et plus[30]. Influence sur les races de chevaux européennes et russesLa lignée a eu une influence particulièrement importante sur les races de chevaux d'Europe centrale et de l'Est, ainsi que de Russie. Au XIXe siècle, ces chevaux sont importés en grand nombre. Les Bédouins n'utilisent cependant pas de stud-book comme les Européens. D'après Bernadette Lizet, Wenceslas Séverin Rzewuski précise qu'un hudget (un attestat écrit) s’attache aux chevaux Koheilan issus d'autres régions que le Nedj, et un certificat de noblesse aux Nedji Koheilan[31], la présence d'attestations écrites étant une exigence des importateurs russes, allemands et polonais[32]. Koheilan I, un étalon gris né au haras national de Bábolna en Hongrie en 1922, a été exporté au haras de Janów Podlaski en Pologne, où il est devenu chef de lignée de chevaux arabes de course. Certains de ses descendants ont été exportés aux États-Unis[33]. Le haras national de Bábolna a privilégié le courant Koheilan parmi ses demi-sangs arabes[34]. La race hongroise du Shagya est ainsi en partie issue de l'étalon Koheilan IV[35]. La lignée a également été exportée en Russie[36], où elle a influencé la race Tersk[37] : les chevaux Koheilan forment l'une des trois lignées arabes majoritairement exportées dans ce pays[38]. La lignée a également été importée dans la région de Chouchi, dont les traditions locales des années 1920 conservaient le souvenir[39], et plus largement dans le Haut-Karabagh, d'où elle a influencé la race locale[40]. Diffusion de l'élevage« Keheilan » est considéré comme une lignée originelle du cheval arabe élevée en Arabie saoudite[1]. Ces chevaux ont été amenés en Égypte, où ils sont à l'origine d'une lignée dite « Koheilan-Harkan »[41]. En Iran, le Koheilan est reconnu comme l'une des cinq lignées majeures de la race Arabe[42], plus particulièrement de l'Arabe persan[43]. Dans le Khouzistan, le prestige des chevaux s'évalue en fonction de la famille qui a élevé leur lignée : les chevaux Koheilan des Mojadami sont considérés comme particulièrement prestigieux[44]. Notes et références
AnnexesBibliographie
Études
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