Cet article concerne les jeux militaires simulant des conflits. Pour la compétition sportive des forces armées, voir Jeux mondiaux militaires.
Le jeu de guerre (en anglais wargame), aussi appelé jeu d'histoire, simulation de conflit ou jeu de stratégie, est un loisir dans lequel un ou plusieurs joueurs (nommés wargamers ou belliludistes) simulent des batailles ou des guerres.
Ils ont d'abord servi à planifier des opérations militaires dans les états-majorsmilitaires à partir de la fin du XIXe siècle sous le nom allemand de Kriegspiel. Après les deux guerres mondiales, les amateurs de stratégie inventèrent alors des jeux qui évoquaient cette activité sur un plateau.
Un jeu de guerre combine généralement une carte, des pièces de jeu représentant des personnages ou des unités militaires et une série de règles qui explique ce que les joueurs peuvent faire ou ne pas faire avec ces dernières. Son objet, qu’il soit historique ou non, est de permettre au joueur de recréer un évènement spécifique et d’en modifier le cours.
Pour être un jeu de guerre, un jeu doit être réaliste. Dans certains cas, ils sont même tellement réalistes qu’ils sont utilisés dans un contexte professionnel, notamment dans l’armée mais aussi en économie ou dans l’éducation[1].
Le code Dewey pour la classification en bibliothèques est 793.92.
Une définition parfois floue
La définition d'un jeu de guerre ne pose en général pas de problème lorsqu'il s'agit de jeux à thème historique (simuler des batailles et des guerres qui ont réellement eu lieu). Mais de nombreux jeux de société, dits « jeux de plateau », mettent en œuvre des combats, notamment des jeux ayant une ambiance fantastique ou de science-fiction, et en général des jeux à l'échelle tactique ou sub-tactique (cf. infra). Il devient alors délicat de classer les jeux dans telle ou telle catégorie.
En général, on considère qu'un jeu est un jeu de guerre s'il porte exclusivement sur la simulation du combat. Par exemple, les jeux suivants ne sont pas considérés comme des wargames : Blood Bowl, Dungeon Twister, La Guerre de l'Anneau ou Risk.
Dans un cadre différent, certains jeux et simulations utilisés comme aide à la formation, à la décision ou à la communication sont aussi quelquefois qualifiées de jeux de guerre. Même si certains cas de jeu sérieux ou de business-wargame (selon leur échelle et leur analogie au véritable jeu de guerre issu du Kriegsspiel) ont bien un lien de parenté avec les jeux de guerre, en règle générale ce n'est pas le cas.
Types
Habituellement, les jeux d'histoire sont classés selon l'époque, l'aire et l'échelle du conflit simulé.
Cadre historique
On peut citer des périodes particulièrement représentées :
L'échelle est un autre paramètre de classification de ces simulations. On se base soit sur la taille de la plus petite unité de jeu, soit sur l'étendue de la zone géographique couverte pour déterminer son échelle. L'échelle se base sur un niveau stratégique, opérationnel ou tactique.
Stratégique
Les unités sont typiquement de la taille d'une division, d'un corps d'armée ou d'une armée et sont basées sur leur force brute en effectifs et matériels. La production économique et la diplomatie entrent en jeu. Typiquement, toutes les branches sont représentées (air, terre, mer) et parfois toutes les forces d'une nation. Elles couvrent des guerres complètes ou de longues campagnes.
Les unités sont d'une taille variant d'un bataillon à une brigade et les facteurs opératifs (opérationnels) sont pris en compte (résistance à l'usure, graduation des efforts, capacité de manœuvre, etc). La manœuvre d'ensemble (ou plan), la vision générale de la situation et l'usage des réserves sont les facteurs les plus importants. Ces simulations sont souvent basées sur une seule branche des forces armées, les autres étant représentées sous forme abstraite. Elles couvrent une seule campagne ou une seule bataille de dimensions stratégiques (ou « hors de la vue »).
Les unités vont d'un simple véhicule à une escouade (squad en anglais) ou une compagnie et sont basées sur le type et la portée de leurs armes. Pratiquement toujours basées sur une seule branche de l'armée (souvent de terre), les autres étant totalement abstraites. Elles couvrent une seule bataille ou une partie d'une grande bataille.
Les unités représentent chacune un soldat. On prend en compte l'état de santé et les munitions de chaque unité. Elles couvrent de petites « escarmouches ».
Exemples : Firepower (individuel moderne), Open Fire (combats de chars de la Seconde Guerre mondiale), Ambush!(en) et ses modules (solitaire individuel Seconde Guerre mondiale), les jeux de la série de base Cry Havoc pour le Moyen Âge[2], etc.
Jeux d'histoire
Les jeux d'histoire sont consacrés à la simulation d’événements militaires historiques et de leurs paramètres connexes.
Il en existe plusieurs catégories[3] ; les termes suivants ne sont pas systématiquement utilisés par la communauté des joueurs, il s'agit de néologismes ou de propositions de francisation de termes anglophones :
Jeu d’histoire sur carte : jeu d’histoire utilisant comme support une carte et des pions.
JaB – Jeu à Blocs : jeu d'histoire dont les pièces de jeu sont constituées de blocs de bois.
JaCA – Jeu à Cartes d’Activation : jeu d’histoire dont les règles s’articulent autour de cartes à jouer pour gérer activations, actions ou événements (Twilight Struggle par exemple).
Jeu d’histoire avec figurines : jeu d’histoire utilisant comme support un décor, comme plan de jeu, et des figurines.
DTP – « Découpe Tes Pions » (de l'anglais DTP = DeskTop Publishing) : jeu produit et édité directement par ses concepteurs, à partir de matériel bureautique et fourni avec des planches de pions à découper et à monter (par exemple le magazine Vae Victis).
Enfin, une « série » est un groupe de jeux d'histoire sur le même thème, plus ou moins large, partageant les mêmes règles de base.
Mécanismes
Bien que chaque jeu soit différent, on retrouve fréquemment un certain nombre de mécanismes. De façon récurrente, on trouve l'enchaînement de phases, alternées ou imbriquées, de mouvement ou de combat. Quelle que soit l'échelle, il existe une partie du tour servant à la préparation du combat et une autre à sa résolution.
Gestion du temps
Action d'opportunité
Les joueurs jouent normalement chacun leur tour. Cependant, certains jeux prévoient des actions dites d'opportunité. Par exemple, si une unité d'un joueur fait un mouvement et se retrouve dans la zone de tir d'une unité adverse, les règles peuvent prévoir un tir d'opportunité alors que ce n'est pas le tour du joueur contrôlant l'unité.
Événement extérieurs ou fortuits
Le scénario peut prévoir certains événements à certains tours, comme l'arrivée de renforts. Certains événements peuvent être tirés au hasard, comme la météorologie ou l'arrivée de ravitaillement ou de renforts.
Tour par tour
La gestion de la simultanéité des actions est difficile. Le jeu est découpé en tours représentant selon l'échelle quelques minutes (escarmouche), dizaines de minutes (tactique), jours (opérationnel) ou semaines (stratégique).
Par souci d'équité, les joueurs jouent l'un après l'autre au sein d'un tour. Soit chaque joueur fait toutes ses actions, soit les joueurs alternent, chacun jouant une unité à la fois.
Certaines actions priment parfois sur d'autres. Par exemple, on peut résoudre toutes les actions de tir avant de résoudre les autres actions (déplacements et combat au corps à corps).
Le nombre d'actions qu'un joueur peut effectuer peut varier selon le camp, reflétant ainsi la capacité d'initiative et de renseignement du camp.
Placement et déplacement des unités
Brouillard de guerre
Le général n'a pas tous les renseignements sur la situation réelle ; on appelle ceci le « brouillard de guerre » (fog of war). Ceci peut se simuler de deux manières :
les joueurs masquent leurs pions, l'adversaire ne peut donc pas connaître leurs capacités ; certains pions sont des leurres ;
il y a un arbitre et trois cartes ; toutes les unités sont placées sur la carte de l'arbitre ; pour chaque joueur, la carte ne contient que ses propres pions, ainsi que certains pions adverses placés par l'arbitre ; cette solution est très contraignante et n'est en général utilisée qu'en tournoi.
Capacité de déplacement
Souvent, la capacité de déplacement est exprimée par un nombre de points. Si la carte est découpée en cases (hexagonales en général), changer de case nécessite une dépense de points dépendant du type de terrain (route, plaine, colline...). Sur les cartes sans cases (jeu avec figurines), les déplacements se mesurent en centimètres (ou en pouces pour les jeux anglo-saxons).
Empilement
Dans les jeux avec pions en carton, les unités peuvent parfois fusionner (par exemple unité d'infanterie progressant avec une unité de chars d'assaut). Les pions sont alors empilés. Les règles d'empilement définissent les limites à l'empilement, ainsi que la manière dont les pions se comportent lors d'un combat (mise en commun du potentiel d'attaque, répartition des dégâts).
Placement initial
Le placement initial peut être libre, dans la limite d'une portion de territoire donnée. Il peut être aussi imposé par le scénario.
Socle
Dans les jeux avec figurine, la taille du socle indique en général la place occupée par l'unité. Ceci dépend du type d'unité (cavalerie, fantassin…) mais aussi de son organisation (en rang serré, chaotique…).
Combat
Ligne de tir
Lorsque des unités ont une capacité de tir (arc, arme à feu), on ne peut pas toucher une unité qui est masquée par un obstacle. Certains jeux gèrent l'altitude : une unité peut alors tirer si elle est plus haute que l'obstacle, ou si la cible est plus haute.
Officier
Les capacités d'une unité peuvent être augmentées par la présence à proximité — ou dans l'unité, le pion est alors empilé — d'un officier. L'officier est ainsi parfois considéré comme une unité à part (pouvant se déplacer indépendamment, pouvant être tué).
Retournement des pions
Les unités ayant subi une attaque sont affaiblies (par exemple capacité de déplacement ou d'attaque réduite, comportement de fuite systématique). Souvent, on retourne le pion pour indiquer que l'unité est affaiblie. Les règles peuvent prévoir les circonstances dans lesquelles un pion est remis « en état » (par exemple ralliement par un officier).
Table de résolution
Les combats sont parfois résolus avec une table de résolution. Les capacités des unités sont reportées sur les lignes et colonnes, et la case de la table ainsi désignée indique les conditions de victoire (score à réaliser avec des dés). Ou encore, on fait la différence des capacités de combat que l'on reporte sur les colonnes, un jet de dés indique la ligne, et la case désignée indique le résultat du combat.
Conditions de victoire
Les conditions de victoire dépendent du scénario. Cela peut être conquérir un objectif, détruire le maximum d'unités ennemie, réussir à faire transiter une unité particulière (évacuer une personnalité, transporter un matériel sensible, un document), tenir un siège un certain nombre de tours (avant l'arrivée de renforts)…
Jeux d'histoire
Série De Bellis… (ou DBx)
De Bellis Antiquitatis (DBA) (la guerre de l'Antiquité à la période médiévale en figurines 15 mm), une armée complète fait 12 plaquettes, d'un éléphant de guerre à quelques fantassins ou cavaliers par plaquette.
We Are Napoléon, wargame empire à l'échelle de la brigade. Quatre scénarios gratuits et jouables par navigateur : Eylau, Austerlitz, Ligny, Waterloo (Pousse-pion éditions, 2011).
Section d'Assaut (tactique, 2de Guerre mondiale, avec figurines), utilisé fréquemment avec des figurines 1/72, de façon à inclure dans le jeu des maquettes plastiques de véhicules (Airfix…)
L'Art de la guerre (Onyx Éditions) règle en français permettant de jouer avec des figurines de toutes échelles de 3500 av. J.-C. à la fin du Moyen Âge.
Flames of War (tactique, 2de Guerre mondiale, avec figurines), à l'échelle 15 mm.
Série Jours de Gloire, (Frédéric Bey, 45 batailles napoléoniennes publiées depuis 1997 par Vae Victis et Canons en Carton)
Série Au fil de l’Épée, (Frédéric Bey, 36 batailles médiévales publiées depuis 1999 par Vae Victis et Canons en Carton)
Imperator, Semper Victor et Ultimus Romanorum (Frédéric Bey, jeux stratégiques sur l'Empire romain publiés en 2001, 2004 et 2007 par Vae Victis)
Morne Plaine, jeu en ligne en tour par tour (Pousse-pion éditions, 2005)
BannerWar, jeu antique et médiéval avec figurines de 6mm à 32mm (Sajouvit, 2018)
mémoire 44, tactique, seconde guerre mondiale, avec figurines (aussi en ligne)
Napoléon 1806, Napoléon 1807, Napoléon 1815, (Denis Sauvage, Shakos 2018,2020,2022, jeux stratégiques sur les campagnes napoléoniennes à l'échelle des corps d'armée, se voulant accessibles au grand public avec des parties courtes - 90min env)
Certains jeux récents sont créés par des militaires, à des fins de recrutement[5], d'entraînement...
Avantages et inconvénients
L'informatique offre de nombreux avantages aux simulations :
plus besoin de lancer le dé en permanence ;
pas de trace des mouvements à conserver ;
possibilité de sauvegarder facilement les positions ;
facilité à trouver des partenaires de jeu en passant par Internet ;
apparemment, plus la peine d'apprendre les règles, la machine s'en charge pour le joueur en se chargeant des déplacements et des résolutions de combats (mais pour optimiser la stratégie, la connaissance des règles est quand même requise).
Mais l'informatique apporte aussi des désavantages qui diminuent avec l'augmentation de la puissance (et la baisse corrélative des prix) des ordinateurs :
des règles peuvent être beaucoup plus compliquées et donc difficiles à comprendre, surtout lorsqu'elles ne sont pas totalement exposées au joueur (facteur aléatoire) ;
une certaine difficulté à voir l'ensemble du champ de bataille en détail sauf à pouvoir zoomer.
Ces jeux diffèrent des traditionnels jeux vidéo de stratégie en temps réel car ils sont le plus souvent basés sur un système de tour par tour avec néanmoins une limite de temps pour garder un rythme.
Un débat sépare anciens et nouveaux joueurs sur ordinateur (les anciens venant des wargames sur cartes ou des jeux de société). Les anciens aiment l'analyse et la profondeur de simulation offerts par l'informatique. Ils préféreront donc des jeux au tour par tour. Les nouveaux recherchent dans les jeux vidéo la dynamique de jeu et les effets graphiques proposés. Les jeux en temps réel retiendront plus leur attention.
(en) James F. Dunnigan, Wargames Handbook : How to Play and Design Commercial and Professional Wargames, iUniverse, , 417 p. (ISBN978-0-595-15546-0, lire en ligne)
Antoine Bourguilleau, Jouer la guerre: Histoire du wargame, Passés Composés, (ISBN978-2-3793-3090-2)
Antoine Bourguilleau, « Comment le wargame a presque gagné la guerre du pacifique », Guerres & Histoire N°57, , p. 64 à 68 (ISSN2115-967X)