Suivant la volonté de ses parents et à l’encontre de son désir de s'orienter vers la peinture, Jeanne Socquet, aînée de quatre enfants est en 1945 placée en apprentissage conduisant à un C.A.P. de couture[5]. À l'âge de 21 ans elle quitte le domicile familial, loue une modeste chambre et dispense des cours dans une école de couture tout en étant élève des cours de dessin de la ville de Paris, de l'Académie de la Grande Chaumière, puis de l'École nationale supérieure des beaux-arts[6] de Paris.
Jeanne Socquet épouse en 1956 l'architecte Louis Seignon dont elle a fait la connaissance à l'École des beaux-arts, qu'elle accompagne dans son métier, avec qui elle voyage et visite les musées européens et dont elle a un fils né en 1957 et qu'elle élèvera seule après le décès, dans les années 1960, de Louis Seignon dans un accident de voiture[5].
À partir de 1960 sa peinture se tourne vers les « vieilles femmes », les marginales, les solitaires, les enfermées des hôpitaux psychiatriques, les exclues de la beauté. Il s'agit d'une importante suite de portraits néo-expressionnistes brossés de la sorte, nommés, classés, situés (comme Amandine, no 11, pavillon Charcot) dont les formats, carrés, identiques, sont susceptibles de renforcer le sentiment d'enfermement
Au-delà de ces thèmes qui sont énoncés dans les titres et annonces d'expositions (Jeanne Socquet, peindre la solitude[7], La folie peinte par Jeanne Socquet[8]), les visages de Jeanne Socquet, qui ne sont pas sans capacité de bouleverser, de susciter malaise et compassion, offrent à Jean-Marie Tasset de voir en ces toiles « l'œuvre néo-expressionniste qui exprime le mieux le malaise de notre société »[3].
Appartenant au groupe militant de femmes artistes La Spirale fondé en 1972 par Charlotte Calmis[9], Jeanne Socquet a coécrit avec Suzanne Horer et publié en 1973 un livre intitulé La création étouffée, non dénué d'audience[10] et doublement analysé comme un manifeste féministe et un hommage à la féminité dans la création et la sublimité tant mystique (Christine de Pisan) que littéraire (Madame de Lafayette), scientifique (Marie Curie) ou artistique (Simone Mary)[11].
Réception critique
« Jeanne Socquet est un peintre à qui l'histoire de l'art fera une place singulière, elle est un peintre pour qui la solitude est comme une condition existentielle, une manière de condition humaine - peintre figuratif dont l'œuvre est fortement expressive, et dans laquelle l'expression douloureuse prend forme et invite à une réflexion critique. » - Jacques Leenhardt[12]
« Cette peinture qu'elle fait, je vois que c'est une très grande peinture. » - Marguerite Duras[13]
« Ainsi Socquet frappe et jette sur la toile les catatoniques hébétées, les débiles mentaux, les noires schizophrènes et les bienheureux de la démence précoce. » - Armand Lanoux[14]
« Vision étrange, émouvante, de ces figures épaisses, incrustées dans la banalité, mais happées telles quelles avec leurs grosses mains dans les tourbillons lyriques d'une peinture implacable. » - Viviane Forrester[réf. nécessaire]
« Ses personnages sont des figures, des incarnations d'une certaine condition humaine avec ses mythologies et ses métamorphoses […] Ainsi, le peintre découvre en son for intérieur une réalité nouvelle : son isolement est celui de la foule solitaire, et paradoxalement l'introspection de Jeanne Socquet débouche sur un nouveau réalisme. » - Jean-Marie Tasset[3]
« Entre peintures, collages, boîtes en tous genres, c'est un univers à part, un espace d'expression où l'époque n'a plus d'importance et a laissé place à la vérité des visages, visages sans masques qui dégoulinent de couleurs et d'expressivité. » - Bertrand Scholler[réf. nécessaire]
Gérard Xuriguera, Regard sur la peinture contemporaine, Arted, 1983.
Philippe Guérin, Jacques Marthelot et Claude Polibarbe, ABC Kunstschule Paris, dans Lehrbuch der Techniken, Jeanne Socquet, Jean Feugereux, Claude Nadel, édition Hamburg Axel Andersson Akademie, 1990.
Alain Vircondelet, Duras, biographie, Éditions François Bourin, 1991.
Jean-Claude Cheval et Alain Blot, Entretien avec Jeanne Socquet, Pornichet, Éditions Librairie des Océanes, 1992.
Diane Quinby, « De l'art et du féminisme en France dans les années 1970 », Archives de féminisme, no 8, .
Marie-Jo Bonnet, Les femmes artistes dans les avant-gardes, Paris, Éditions Odile Jacob, 2006.
Cathy Fourez (Université de Lille), « Naufrages du corps ou le corpus de la nausée dans les “Paysages solitaires à Juârez” de Jeanne Socquet », in Norah Giraldi-Dei-Cas, Fatiha Idmhand et Cathy Fourez, « Lieux et figures de la barbarie », Comparatisme et Société, no 8, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang éditeur, 2012.
Fabienne Dumont, « Jeanne Socquet : peintures de femmes maîtresses d'elles-mêmes », in Des sorcières comme les autres, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 273.
Sous la direction de Christian Bard, avec la collaboration de Sylvie Chaperon, Dictionnaire des féministes - France, XVIIIe – XXIe siècle, Presses universitaires de France, 2017.