Jean-Pierre Martin a été élève au lycée Jules-Verne à Nantes. Après une classe préparatoire en Lettres au lycée Louis-le-Grand, il s’inscrit en philosophie à la Sorbonne, où il termine sa licence en . Militant de la Gauche prolétarienne, il travaille en usine pendant cinq ans : d’abord à Saint-Nazaire puis à Saint-Étienne (en particulier deux ans à Creusot-Loire comme aide-lamineur). Il vit ensuite à la campagne : d’abord trois ans dans le nord-Finistère puis une dizaine d'années en Auvergne, où il exerce divers métiers : chantiers, artisanat, fabrication et vente de ceintures de cuir et de sabots suédois. Il effectue alors de nombreux voyages (en particulier en Amérique et en Asie) et travaille le piano jazz.
Après avoir passé une agrégation de lettres en 1987, il commence une thèse sur Henri Michaux, enseigne en lycée puis aux États-Unis, à l’Université d’Oregon. Il est nommé Maître de Conférences à l'Université Lyon 2 en 1993, puis Professeur de littérature contemporaine en 2000, est élu membre de l’Institut Universitaire de France en 2006 (chaire de littérature du XXe siècle). De 2011 à 2019, il a été membre du comité de rédaction des Temps modernes.
Il publie dans la NRF ses premiers textes qui seront réunis chez José Corti sous le titre Le piano d’Épictète (1995). Ses deux premiers romans sont nourris de ses expériences de l'usine et de la vie artisanale : Le Laminoir[1] (Champ Vallon, 1995), Sabots suédois[2] (Fayard, 2004).
Il consacre cinq ans à enquêter, voyager, interroger des témoins, déchiffrer des archives, afin d'écrire une monumentale biographie d’Henri Michaux[3] (Gallimard, 2003).
Les essais qu'il publie par la suite sont à la croisée de l'anthropologie et de la littérature. Ils proposent une lecture des grands textes de la littérature et de la pensée critique - ainsi deux volumes parus en 2006 et 2010 au Seuil dans la collection « Fiction & Cie » : Le Livre des hontes[4] et Éloge de l'apostat[5], et en 2011 un livre qui ausculte les clichés et lieux communs de l’enseignement et de la critique et propose une thérapie par la littérature (Les Écrivains face à la doxa, Corti).
Dans cette même période, il publie deux récits dans la collection « L'un et l'autre » chez Gallimard dirigée par JB Pontalis avec lequel une amitié se noue[6] : en 2011 un portrait de Queneau qui est aussi un autoportrait,Queneau losophe[7], et en 2013 L'Autre Vie d'Orwell[8] où il raconte comment, pendant les trois dernières années de sa vie, Orwell s'est retiré dans une île des Hébrides intérieures, menant une vie de pionnier et écrivant 1984.
Dans le roman qu'il publie en 2011 Les Liaisons ferroviaires[9] (Champ Vallon, 2011) les personnages se trouvent par hasard dans le même train, au même moment : ce sont des passagers ou des employés de la SNCF, dans voiture 16 d’un TGV entre Marseille et Bruxelles : une psychanalyste, un ethnologue, un footballeur, une universitaire, un contrôleur, un commercial de bord… Ce roman-conversation a figuré dans la sélection 2011 du prix France Culture-Télérama).
La nouvelle surprise de l'amour[10], roman publié en 2016 chez Gallimard, raconte une sorte d'éducation sentimentale à rebours : la rencontre avec une jeune femme bouleverse l'existence du narrateur - sujet, déjà exploré en particulier chez Philip Roth et Romain Gary, mais ici, le héros devient père tardif.
En 2019, paraît Real Book, Autopianographie[11] (Seuil, coll. « Fiction & Cie »). Ce récit de soi écrit comme on improvise un chorus raconte une existence à partir du rapport entre quatre-vingt-huit touches d’ivoire et les dix doigts qui les ont approchées avec ferveur. Autant qu’un hymne à la musique de jazz comme forme de vie, ce livre est une méditation sur nos vocations secrètes, étouffées ou renaissantes. A l'occasion de cette parution, le journal Le Monde lui consacre une page « Rencontre »[12].
La même année, Jean-Pierre Martin est lauréat de la bourse Cioran pour La Curiosité, Une raison de vivre[13] (Autrement, coll. « Les grands mots »). Dans cet essai entre littérature et philosophie, l'auteur présente la curiosité comme une vertu, un élan salutaire, un antidote à l'indifférence.
Le 12 mai 2020, pendant la crise sanitaire, il publie une Lettre sur l'amitié (Gallimard, coll. « Le chemin »).
Le roman Mes Fous[14](L'Olivier), paru à la rentrée littéraire de 2020, a été finaliste du prix Médicis, deuxième sélection du prix Goncourt et sélection du prix Goncourt des lycéens. Selon Pierre Assouline, « ce roman est un enchantement. Une drôlerie irrésistible tempérée par la douceur du ton et la mélancolie du propos. Un régal de lecture plus profond que sa légèreté le laisse à croire. »[15] Camille Laurens, dans Le Monde des Livres, écrit ceci : « Bien qu’il n’en porte pas mention, Mes fous est un roman, et des plus nécessaires, dans la mesure où son monde imaginaire, riche de personnages à la fois étranges et familiers, dévoile la réalité du nôtre. En vérité, sa cohorte de branques nous étreint le cœur en nous montrant ce que nous ne voulons pas voir : que nous sommes tous en équilibre instable, tous funambules.»[16] Pour Alexis Buffet, dans Libération, c’est « un roman pour notre temps, d'une grande actualité existentielle. »[17]
En 2022, Jean-Pierre Martin publie Le Monde des Martin aux éditions de L’Olivier, un grand récit patronymique qui rassemble « des vies de saints, de soldats, de missionnaires, de colons, de héros, de salauds, d’escrocs, d’artistes, d’explorateurs, du IVe siècle à nos jours, pour la plupart, des oubliés ou des anonymes, ayant un seul point commun, leur nom de famille : Martin » (quatrième de couverture). Dans Télérama, Nathalie Crom présente ce livre comme « la fabuleuse odyssée d'un patronyme ordinaire » : « À travers une inoubliable galerie de portraits, l’écrivain philosophe Jean-Pierre Martin nous conte l’histoire picaresque de son nom de famille, particulièrement répandu, du Moyen Âge à nos jours. »[18] Selon Camille Laurens, dans Le Monde, « Jean-Pierre Martin signe une hilarante parodie de généalogie [...] Le Monde des Martin, perecquienne "tentative d’épuisement d’un nom ", truffé de clins d’œil aux grandes œuvres, est un merveilleux hommage à la littérature. »[19] Pour Sylvie Tanette, dans Les Inrockuptibles, « l'essayiste et romancier crée une fresque monumentale et réussie rassemblant celles et ceux qui portent son nom. »[20]
L'autre vie d'Orwell, Gallimard, « L'un et l'autre », 2013.
Les Liaisons ferroviaires, roman, Champ Vallon, 2011 (rééd. « J'ai lu », 2013).
Queneau losophe, Gallimard, « L'un et l'autre », 2011.
Sabots suédois, roman, Fayard, 2004.
Corner-line, Paroles d'Aube, 1998 (épuisé).
Le Piano d'Épictète, récits, Éditions José Corti, 1995.
Le Laminoir, roman, Champ Vallon, 1995.
Essais
Lettre sur l'amitié, Gallimard, coll. « Le chemin », 2020.
La curiosité, Une raison de vivre, Autrement, coll. « Les Grands mots », 2019.
Les Écrivains face à la doxa, José Corti, 2011.
Éloge de l'apostat, essai sur la vita nova, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2010 (rééd. Le livre de Poche, « Biblio essais », 2013).
Le Livre des hontes, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2006 (Grand Prix de la critique, sélection du prix Renaudot essais) (traduit en russe et en roumain)(rééd. Gallimard, « Folio essais », 2017, sous le titre "La honte").
Henri Michaux, biographie, Gallimard, 2003 (Prix Louis Barthou de littérature générale de l’Académie française).
Henri Michaux, ADPF-Publications, Éditions des Affaires Étrangères, 1999.
Ouvriers volontaires. Les années 68 - l'établissement en usine, Les Temps Modernes , N°684 , .
Critiques de la critique, Les Temps Modernes, no 672, janvier-.
Marguerite Duras, la voix et la passion, Le Monde, hors-série « Une vie, un écrivain », août-.
Collaborations à des ouvrages collectifs
Mystère Monk, dirigé par Franck Médioni, éditions Seghers, 2022.
Dictionnaire des mots parfaits, dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet,éditions Thierry Marchaisse, 2019.
Claude Lanzmann, Un voyant dans le siècle, Gallimard, 2017.
Dictionnaire des mots manquants, dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet,éditions Thierry Marchaisse,2016
Poésie de langue française 1945-1960, P.U.F., 1995, sous la direction de Marie-Claire Bancquart, (rédaction de deux chapitres : « Figures du temps », p. 113 à 133 ; « Critiques de la raison poétique », p. 247 à 275).
Dictionnaire de poésie moderne et contemporaine française et francophone, dirigé par Michel Jarrety, P.U.F., 2001.
Choix d'articles
« L'écriture de soi traversée par l'histoire : Épreuves, exorcismes d'Henri Michaux », Revue d'Histoire Littéraire de la France, no 4-5, juillet / .
« Le ravissement de l'écrivain », Critique, .
« Raymond Queneau : le roman à voix basse », Poétique, .
« Robert Pinget par ouï-écrire », Poétique, .
« Kaminski scandale », Postface à Kaminski, Céline en chemise brune, Éditions des Mille et une nuits, 1997.
« Des sourds et des scatteurs », Europe, « Jazz et littérature », août-.
« De quelques mots en sourdine », et « Michaux dans la Pléiade », Le Magazine littéraire no 364,
« Les né-fatigués me comprendront », Littérature, spécial Michaux, .
« Inconvenance de Sarraute », Le fait de l'analyse, .
« Le Munich des écrivains français. Entre fantasme et politique », Revue d’histoire littéraire de la France, .
« Perros, les livres et la vie immédiate », Europe, numéro spécial Georges Perros .
« Faut-il publier les pamphlets de Céline ? », Les Inrockuptibles, n ° 795, .
« Jean-Pierre Martin rend hommage à Queneau », Le magazine littéraire et la Mel, texte en ligne sur des documents INA projetés dans le cadre d’une conférence au Petit Palais, .
« Les petits chevaux de Tarquinia », Le magazine littéraire/Marianne, n° spécial « Les livres de l’été », .
« Vu de mars, une bagatelle », Télérama, hors série, n° spécial Céline, 2011, p. 88-90.
« Je pense donc j’en ris », Le Magazine littéraire, dossier Queneau, no 523, .
« Contre l’amitié », Le Magazine littéraire, « Ce que la littérature sait de l’autre », no 526, .
« Sartre et les garçons : entre l’amitié fédératrice et la brouille », Revue des sciences humaines, .
« P.S. pour J.-B. », hommage à J.-B. Pontalis, Le Magazine littéraire no 529, .
2004 : prix Louis-Barthou de littérature générale de l’Académie française
1994 : prix Rhône-Alpes du Livre
Notes et références
↑Raphaël Sorin, « De Mao à la littérature », L’Express, du 6 au 12 juillet 1995
↑Patrick Kéchichian, « Retour amont », Le Monde, 28 mai 2004 ; Isabelle Rüf, Le Temps, « Eloge des babas nostalgiques », 8 mai 2004
↑Dossier du Magazine littéraire n° 425, novembre 2003 : « La première biographie de Michaux » ; Patrick Kéchichian, « Henri Michaux, La vie dans les plis », Le Monde, 21 novembre 2003 ; Daniel Rondeau, « Michaux en télésiège », L’Express, 4 décembre 2003
↑Roger-Pol Droit, « Extension du domaine de la honte », Le Monde, vendredi 8 septembre 2006
↑Entretien avec Alexandre Lacroix dans Philosophie magazine, n°41, juillet-août 2010 ; Marielle Macé, « Se préférer autre », Critique n°762, novembre 2010 ; Jean-Louis Jeannelle, La revue d’histoire littéraire de la France, avril 2012 ; Interview dans Libération propos recueillis par Marc Semo : « La trahison est un moment nécessaire », 18 août 2015
↑Hommage à JB Pontalis, Magazine littéraire n° 529, mars 2013
↑Roger-Pol Droit, « Renaître avec Queneau dans le Nord-Finistère », Le Monde, 15 avril 2011 ; Adèle Van Reeth,« La losophie est une discipline hybride », Philosophie Magazine, mai 2011
↑Marielle Macé, « Orwell, vita nova », Le Monde, janvier 2013 ; Jérôme Dupuis, « Orwell, 1948 », L’Express, janvier 2013 ; Jacques Henric, « Le dernier combat », Artpress, mars 2013
↑Martine Laval, Télérama n° 3185, 29 janvier 2011 ; Jean-Baptiste Harang, « Attention au départ » , Le Magazine littéraire n°505, février 2011
↑Bertrand Leclair, « Un amour réprouvé », Le Monde, 28 mai 2016
↑Claire Devarrieux, « Jean-Pierre Martin, une vie par petites touches », Libération, 19 septembre 2019
↑Bertrand Leclair, « Jean-Pierre Martin : La vie artisanale », Le Monde (8/03/19)
↑Robert Maggiori, « Pour vivre libre, vivons curieux », Libération, 19 septembre 2019 ; Mark Hunyadi, « La curiosité comme mode de vivre », Le Temps, 12 octobre 2019
↑Camille Laurens, « Corps errants », Le Monde, 2 octobre 2020 ; Anna Cabana, « Dans "Mes Fous", le héros de Jean-Pierre Martin essaie de comprendre l'énigme de sa fille schizophrène», Journal du Dimanche, 1er octobre 2020 ; Corinne Renou-Nativel, « Pour approcher l'énigme Constance », La Croix, 15 octobre 2020
↑Pierre Assouline, La République des livres, 20 septembre 2020
↑Camille Laurens, Le Monde des livres, 1er octobre 2020