IntransigeantismeL’intransigeantisme, ou catholicisme intransigeant, est un courant de l'Église catholique apparu au XIXe siècle, hostile aux données culturelles extérieures au modèle catholique originel[1], et qui se veut fidèle aux enseignements de l'Église en se refusant à toute concession envers les idées provenant du modernisme et à la sécularisation issus des Lumières et de la Révolution française. La tendance zelante est la matrice du catholicisme intransigeant. ÉtymologieLa locution catholicisme intransigeant, apparue en français en 1870 avec une valeur purement heuristique, a pris son acception actuelle sous la plume de l'historien et sociologue Émile Poulat qui a bientôt parlé d'intransigeantisme - « en attendant mieux[2] » - traduit d'un terme usité par les historiens italiens vers la fin des années 1950. ConceptIl se distingue de l’intégralisme, aussi appelé intégrisme[3], qui englobe tout acte et toute pensée dans le champ religieux, tandis que l'intransigeantisme conserve un souci pastoral cherchant à sauver les individus sans toutefois céder sur les principes. Les intransigeants catholiques refusent de faire des concessions sur leur foi et leurs pratiques religieuses ainsi que sur la doctrine, sans pourtant appartenir à des courants dissidents comme le lefebvrisme[réf. nécessaire]. Apparu quand, dans la civilisation occidentale, l’émancipation du religieux fait perdre à l’Église romaine sa position dominante dans les registres culturel, social et politique, l'intransigeantisme obéit théoriquement à l'intégralité des enseignements et des prescriptions de l'Église catholique, à sa vérité, et s'oppose au modernisme et au catholicisme libéral qui accorde la foi avec la morale privée et le libre arbitre. Émile Poulat explique que toute l'histoire du catholicisme depuis la Révolution française se résume à l'opposition entre ces deux tendances de fond de l'Église, l'une défendant le droit de l'Église et l'autre réclamant le droit à la conciliation et à l'adaptation[4]. Pour le chercheur Philippe Portier, qui à la différence de Poulat ne le distingue pas de l'intégralisme, l'intransigeantisme est une « posture de combat développée par la hiérarchie catholique » qui se construit autour de trois principes, de « véridicité », d'« opposition » et de « restitution »[5]. Suivant le premier principe, contre le « relativisme » et l'« indifférentisme » de la pensée moderne selon laquelle il n'y a pas de vérité absolue à distinguer de la pensée ordinaire, l'Église romaine revendique sa centralité normative, affirmant qu'elle est en tout « maîtresse de vérité » ; suivant le second, l'Église s'oppose aux doctrines et systèmes d'organisation sociales — comme le libéralisme, le socialisme... — fondés sur la philosophie de la subjectivité, en dehors du domaine des choses sacrées ; enfin, avec le principe de restitution, le magistère romain entend opérer une restauration en influant sur les démocraties dans lesquelles la loi positive doit être soumise à la loi naturelle, « reflet de la sagesse divine »[5]. Enfin, l'historien Charles Mercier relève quatre caractéristiques de la mouvance intransigeante : d'abord le refus dans sa globalité de la sécularisation et la pensée libérale qui lui est associée ; ensuite le développement d’une stratégie de combat — refusant tout compromis ou accommodement —contre la modernité ; puis la constitution d’une manière de « bloc catholique » qui entend s'opposer à un « bloc révolutionnaire » ; enfin une certaine capacité d’adaptation tactique permettant l'usage d'éléments de la modernité, comme la technologie, afin de combattre celle-ci[6]. HistoireL'intransigeantisme apparait en réaction à la Révolution française qui coupe le lien entre pouvoir temporel et spirituel jusque-là étroitement liés. L'Église perd alors, en outre, sa domination intellectuelle et les bouleversements scientifiques au XIXe siècle finissent de mettre à bas l'ancien ordre. L'Église se divise alors en deux courants, l'un libéral - minoritaire - qui prend acte des évolutions et du monde moderne, désirant l'accompagner en christianisant ce mouvement inexorable, l'autre intransigeant qui refuse tout pragmatisme et toute concession à ce monde moderne[7]. On retrouve le catholicisme intransigeant chez les papes Pie IX (notamment dans le Syllabus en 1864, devenu le symbole de l'hostilité de l'Église au monde moderne) et Léon XIII[8] (notamment avec l'encyclique Rerum Novarum, caractéristique d'un intransigeantisme plus « conquérant »)[9] ainsi que dans la société civile, chez les premiers démocrates chrétiens et les catholiques sociaux corporatistes. L'intransigeantisme s’adapte ensuite à la démocratie tentant d'en faire une réalité chrétienne pour conquérir le peuple afin de réaliser son propre projet, s'opposant à ceux du libéralisme bourgeois et du socialisme, tout en luttant contre la montée du modernisme[10]. Toutefois cette troisième voie ne s'étant jamais dotée d'une véritable économie politique n’a pas réussi à inspirer de stratégie politique d’ensemble[11] et une théologie proprement politique ne sera ainsi que le fait des courants d’extrême droite inspirés de nostalgies « réactionnaires »[12]. La postérité de l'intransigeantisme se diversifie par la suite dans des courants qui deviennent parfois farouchement opposés à l'instar de l'Action catholique et des intégristes catholiques, en France[13]. Certains auteurs contestent l’emploi du terme pour caractériser le catholicisme contemporain[14], car, pour ceux-ci, ce dernier accepte désormais les données de la modernité politique, notamment la liberté religieuse et la « légitime autonomie des réalités terrestres »[15] tandis que d'autres, au contraire, pointent que l'Église — en tout cas dans sa hiérarchie — n'a renoncé ni à la présentation d'une vérité immuable, ni à ses dogmes incontestables, estimant que Vatican II n'était qu'un tournant tactique démenti par le pontificat de Jean-Paul II[16]. Notes et références
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