In morte di un samouraï
In morte di un Samouraï (ou In morte di un Samurai[1]) est une œuvre de Maurice Delage pour voix de baryton et orchestre de chambre. Créée le , interprétée par Camille Maurane et l’Orchestre National sous la direction de Roger Désormière, il s’agit d’une des dernières œuvres du compositeur. À bien des égards, ces mélodies offrent un pendant aux Sept haï-kaïs de 1925. CompositionCirconstancesLa Seconde Guerre mondiale imposa le silence aux œuvres de Maurice Delage, qui refusait de s’inscrire au syndicat, imposant les conditions de l’occupant. Son nom disparaît alors de l’Annuaire général du spectacle. La seule fonction qu’il exerçait encore dans le milieu musical était celle de secrétaire général de « l’Orchestre des jeunes ». Les opinions politiques du compositeur étaient cependant fortement anticommunistes[2]. Aussitôt après la Libération, il fut appelé à comparaître, le , à l’audience de la Cour de Justice (chambre civique). L’enquête n’apporta aucun élément de culpabilité, et la cour prononça l’acquittement. Malgré ces conclusions, le compositeur se trouva, de fait, interdit d’antennes et aucune de ses œuvres ne fut programmée en concert entre et 1947. Selon le musicologue Jean Gallois, on reprochait au compositeur son indépendance, et son aisance financière : « On n’a pas besoin de se faire jouer quand on a une villa dans le 16e », disait-on alors. Un auteur « innommable »Dans ces conditions, Delage reçut, le , une lettre de Pierre Pascal, alors en exil à Rome :
Homme d’extrême-droite, Pierre Pascal (1909-1990), diplômé de l’École des Langues Orientales, s’était passionné pour la poésie japonaise à la suite d’une année passée au Japon avec son père, alors qu’il était adolescent. Après avoir commencé une carrière militaire, il avait été directeur aux éditions du Trident, proche des milieux royalistes et de Charles Maurras. Durant l’occupation allemande, il était devenu inspecteur général de la Radio Française. À ce titre, condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité, il avait dû s’enfuir en Italie. À Rome, il créa une nouvelle maison d’édition. Le compositeur fut séduit par les poèmes proposés, mais il fut convenu pour les concerts et l’édition (chez Max Eschig) qu’ils seraient attribués à Pierre Morès (du latin mos, « coutumes, tradition, etc. »). L’édition italienne des poèmes explique également le titre de l’œuvre musicale. « Mon coup de bambou »Travaillant lentement, comme toujours, Maurice Delage pouvait cependant annoncer à son ami, le chef d’orchestre Ernest Ansermet :
Cette lettre montre que le musicien avait retenu le caractère « universel » des poèmes, dépassant l’anecdote à laquelle sacrifiaient parfois les textes. PrésentationLes six poèmes sont enchaînés de manière plus claire encore, à la lecture de la partition, que pour les Sept haï-kaïs où le compositeur avait dû préciser ultérieurement de « ne pas interrompre ces sept courts morceaux : l’enchaînement tonal a été prévu ».
La partition est dédiée à la cantatrice Marion Le Tanneur. L'exécution dure un peu plus de cinq minutes. OrchestreIl existe deux versions d’In morte di un samouraï. La première est pour chant et piano. La seconde, pour orchestre, comprend deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes en Si, deux bassons, deux cors, deux trompettes, timbales, harpe, piano et cordes. CréationLa création eut lieu le , avec le baryton Camille Maurane et l’Orchestre National sous la direction de Roger Désormière[5]. L’œuvre obtint un succès mitigé. René Dumesnil se montra favorable, en revenant sur la situation particulière de Maurice Delage :
Aperçu de l’œuvreLes mélodies sont brèves, d’autant plus que les poèmes sont intégrés dans une composition continue, commençant par un sombre prélude à 5/4, lentamente. La voix entre à la dix-septième mesure pour le premier tanka : Papillon du crépuscule, Celui-ci donne la tonalité de l'ensemble des poèmes (sinon un programme « dramatique » : les haïkus japonais classiques sont difficilement séparables des circonstances de leur composition, saison ou évènement[note 2]) et montre le respect de la métrique japonaise[note 3] et de l'assonance « à la française ». L'unité de l'ensemble est assurée, sur le plan musical, par la présence sous-jacente mais obsédante d'un motif rythmique énoncé dès les premières mesure du prélude (proche de celui de la habanera, comme la deuxième contrerime pour piano), par le mouvement généralement lent, d'une grande fluidité pour accompagner le texte de façon expressive, par l'emploi privilégié des registres graves. Harmoniquement, et malgré des modulations apparentes (Fa majeur, Fa mineur, Fa dièse mineur, Fa majeur), les accidents sont si nombreux qu'aucun pôle tonal ne se précise, ni ne s'impose. Les accords d'octaves diminuées sont remarquablement nombreux[note 4] : à la mesure 10 apparaît un accord comprenant La bémol sur La bécarre à la main droite, qui se retrouve (à peine) transformé pour conclure. L'introduction de la cloche du temple présente un enchaînement avec fausse relation chromatique (Sol vers Sol) suivie d'une quarte (Si + Mi) dans le grave, notée « cloche ». Ce passage est une citation de l'été des Sept haï-kaïs, où cette modulation était justifiée pour la même raison poétique. On y voit une volonté du compositeur d'offrir un « pendant » à l'une de ses œuvres les plus célèbres — et, par ce biais, mesurer l'écart que représente un quart de siècle (1925-1950) et les changements bouleversants apportés par la guerre. Le ton n'est plus élégamment plaisant, ironique, gracieux. L'expression des œuvres de Maurice Delage composées après 1945 est bien « désenchantée » (comme seront les Trois poèmes désenchantés de 1955). Le dernier poème, comme un haïku sur une seule rime, conclut « mélancoliquement », comme annoncé par le compositeur : Poème d’un ange — BibliographieOuvrages généraux
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Notes et référencesNotes
Références
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