En mathématiques , l'inégalité de Muirhead , portant le nom du mathématicien écossais Robert Franklin Muirhead , est une généralisation de l'inégalité arithmético-géométrique .
Définitions préliminaires
La « a -moyenne »
Soit a = (a 1 , ..., an ) une famille de nombres réels .
Pour toute famille (x 1 ,...,xn ) de nombres réels strictement positifs, on définit la a -moyenne , notée [a ] , de x 1 ,...,xn par :
[
a
]
=
1
n
!
∑
σ
x
σ
1
a
1
⋯
x
σ
n
a
n
,
{\displaystyle [a]={1 \over n!}\sum _{\sigma }x_{\sigma _{1}}^{a_{1}}\cdots x_{\sigma _{n}}^{a_{n}},}
où la somme est étendue à toutes les permutations σ de {1, ..., n }.
Pour a = (1, 0, ..., 0) , on obtient la moyenne arithmétique de x 1 ,...,xn et pour a = (1/n , 1/n , ..., 1/n ) , la moyenne géométrique de x 1 ,...,xn . Quand n = 2 , il s'agit de la moyenne de Heinz .
Matrices bistochastiques
Une matrice carrée P est bistochastique ou doublement stochastique si à la fois P et sa transposée sont des matrices stochastiques . Ainsi, une matrice est bistochastique si ses éléments sont strictement positifs, et si la somme des éléments de chaque ligne et de chaque colonne est égale à 1.
L'inégalité de Muirhead
Théorème — On a
[
a
]
⩽
[
b
]
{\displaystyle [a]\leqslant [b]}
pour toute famille
(
x
1
,
…
,
x
n
)
{\displaystyle (x_{1},\dots ,x_{n})}
de réels strictement positifs si et seulement s'il existe une matrice bistochastique P telle que a = Pb .
La démonstration utilise le fait que toute matrice bistochastique est la moyenne pondérée de matrices de permutation (cet énoncé constitue le théorème de Birkhoff-von Neumann ). Une démonstration se trouve par exemple dans le livre de Hardy, Littlewood et Pólya 1952 , sections 2.18 et 2.19.
À cause de la symétrie dans la somme, on peut supposer que les familles a et b sont décroissantes :
a
1
⩾
a
2
⩾
⋯
⩾
a
n
et
b
1
⩾
b
2
⩾
⋯
⩾
b
n
.
{\displaystyle a_{1}\geqslant a_{2}\geqslant \cdots \geqslant a_{n}\quad {\text{ et }}\quad b_{1}\geqslant b_{2}\geqslant \cdots \geqslant b_{n}.}
On peut montrer que l'existence d'un matrice bistochastique P telle que a = Pb est alors équivalente au système d'inégalités :
a
1
+
a
2
+
⋯
+
a
k
⩽
b
1
+
b
2
+
⋯
+
b
k
{\displaystyle a_{1}+a_{2}+\cdots +a_{k}\leqslant b_{1}+b_{2}+\cdots +b_{k}}
pour k = 1,...,n , avec égalité pour k = n , en d'autres termes, au fait que la famille b majorise a . On peut donc énoncer[ 1] :
Théorème — Si les familles a et b sont décroissantes, on a
[
a
]
⩽
[
b
]
{\displaystyle [a]\leqslant [b]}
pour toute suite x 1 ,...,xn si et seulement b majorise a .
L'inégalité arithmético-géométrique comme conséquence
On se sert de la deuxième formulation de l'inégalité. Posons
g
=
(
1
n
,
…
,
1
n
)
,
a
=
(
1
,
0
,
0
,
…
,
0
)
.
{\displaystyle g=\left({\frac {1}{n}},\ldots ,{\frac {1}{n}}\right),\quad a=(1,0,0,\ldots ,0)\,.}
Alors
∀
k
∈
{
1
,
…
,
n
−
1
}
,
a
1
+
⋯
+
a
k
=
1
>
g
1
+
⋯
+
g
k
=
k
/
n
et
a
1
+
⋯
+
a
n
=
g
1
+
⋯
+
g
n
{\displaystyle \forall k\in \{1,\dots ,n-1\},a_{1}+\cdots +a_{k}=1>g_{1}+\cdots +g_{k}=k/n\quad {\text{ et }}\quad a_{1}+\cdots +a_{n}=g_{1}+\cdots +g_{n}}
Donc a majorise g . Il en résulte que
[
a
]
⩾
[
g
]
{\displaystyle [a]\geqslant [g]}
, ce qui s'écrit :
1
n
!
(
x
1
1
⋅
x
2
0
⋯
x
n
0
+
⋯
+
x
1
0
⋯
x
n
1
)
(
n
−
1
)
!
⩾
1
n
!
(
x
1
⋅
⋯
⋅
x
n
)
1
n
n
!
⟺
1
n
(
x
1
+
⋯
+
x
n
1
)
⩾
(
x
1
⋅
⋯
⋅
x
n
)
1
n
{\displaystyle {\frac {1}{n!}}(x_{1}^{1}\cdot x_{2}^{0}\cdots x_{n}^{0}+\cdots +x_{1}^{0}\cdots x_{n}^{1})(n-1)!\geqslant {\frac {1}{n!}}(x_{1}\cdot \cdots \cdot x_{n})^{\frac {1}{n}}n!\ \Longleftrightarrow {\frac {1}{n}}(x_{1}+\cdots +x_{n}^{1})\geqslant (x_{1}\cdot \cdots \cdot x_{n})^{\frac {1}{n}}}
.
On retrouve ainsi précisément l'inégalité arithmético-géométrique .
Autres exemples
Notation
Dans les calculs, une notation spéciale pour la sommation peut s'avérer utile. On écrit
∑
sym
x
1
α
1
⋯
x
n
α
n
{\displaystyle \sum _{\text{sym}}x_{1}^{\alpha _{1}}\cdots x_{n}^{\alpha _{n}}}
à la place de la notation
∑
σ
x
σ
1
α
1
⋯
x
σ
n
α
n
{\displaystyle \sum _{\sigma }x_{\sigma _{1}}^{\alpha _{1}}\cdots x_{\sigma _{n}}^{\alpha _{n}}}
où la sommation est effectuée sur toutes les permutations. Ainsi
∑
sym
x
3
y
2
z
0
=
x
3
y
2
z
0
+
x
3
z
2
y
0
+
y
3
x
2
z
0
+
y
3
z
2
x
0
+
z
3
x
2
y
0
+
z
3
y
2
x
0
(
=
x
3
y
2
+
x
3
z
2
+
y
3
x
2
+
y
3
z
2
+
z
3
x
2
+
z
3
y
2
)
.
{\displaystyle {\begin{aligned}\sum _{\text{sym}}x^{3}y^{2}z^{0}&{}=x^{3}y^{2}z^{0}+x^{3}z^{2}y^{0}+y^{3}x^{2}z^{0}+y^{3}z^{2}x^{0}+z^{3}x^{2}y^{0}+z^{3}y^{2}x^{0}\\&({}=x^{3}y^{2}+x^{3}z^{2}+y^{3}x^{2}+y^{3}z^{2}+z^{3}x^{2}+z^{3}y^{2}).\end{aligned}}}
Exemples d'emploi
x
2
+
y
2
⩾
2
x
y
,
{\displaystyle x^{2}+y^{2}\geqslant 2xy,}
on transforme l'inégalité en une somme symétrique :
∑
s
y
m
x
2
y
0
⩾
∑
s
y
m
x
1
y
1
.
{\displaystyle \sum _{\mathrm {sym} }x^{2}y^{0}\geqslant \sum _{\mathrm {sym} }x^{1}y^{1}.\ }
Comme la suite (2, 0) majorise (1, 1), on obtient l'inégalité par le théorème de Muirhead.
Un deuxième exemple est :
x
3
+
y
3
+
z
3
⩾
3
x
y
z
{\displaystyle x^{3}+y^{3}+z^{3}\geqslant 3xyz}
.
On part de :
∑
s
y
m
x
3
y
0
z
0
⩾
∑
s
y
m
x
1
y
1
z
1
{\displaystyle \sum _{\mathrm {sym} }x^{3}y^{0}z^{0}\geqslant \sum _{\mathrm {sym} }x^{1}y^{1}z^{1}}
qui est vrai parce que (3, 0, 0) majorise la famille (1, 1, 1). La sommation sur les six permutations réduit l'inégalité à :
2
x
3
+
2
y
3
+
2
z
3
⩾
6
x
y
z
{\displaystyle 2x^{3}+2y^{3}+2z^{3}\geqslant 6xyz}
d'où le résultat recherché.
L'inégalité de Nesbitt :
a
b
+
c
+
b
a
+
c
+
c
a
+
b
⩾
3
2
{\displaystyle {\frac {a}{b+c}}+{\frac {b}{a+c}}+{\frac {c}{a+b}}\geqslant {\frac {3}{2}}}
, qui s'écrit aussi :
2
(
a
3
+
b
3
+
c
3
)
⩾
a
2
b
+
b
2
a
+
b
2
c
+
c
2
b
+
c
2
a
+
a
c
2
{\displaystyle 2(a^{3}+b^{3}+c^{3})\geqslant a^{2}b+b^{2}a+b^{2}c+c^{2}b+c^{2}a+ac^{2}}
, constitue un troisième exemple d'application.
Références
↑ Mohammed Aassila, 100 chalenges mathématiques, Analyse , Ellipses, 2016 , p. 323-324
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Muirhead's inequality » (voir la liste des auteurs ) .
(en) Godfrey H. Hardy , John E. Littlewood et George Pólya , Inequalities , Londres, Cambridge University Press , coll. « Cambridge Mathematical Library », 1952 , 2e éd. , 324 p. (ISBN 978-0-521-35880-4 , lire en ligne )
(en) Albert W. Marshall , Ingram Olkin et Barry C. Arnold , Inequalities : Theory of Majorization and Its Applications , New York, Springer Science+Business Media , 2011 , 2e éd. (ISBN 978-0-387-40087-7 )
(en) J. Michael Steele , The Cauchy Schwarz Master Class : An Introduction to the Art of Mathematical Inequalities , Cambridge University Press , 2004 , 306 p. (ISBN 978-0-521-54677-5 , lire en ligne ) , chap. 13 (« Majorization and Schur Convexity »)
Lien externe
(en) « Muirhead's theorem », sur PlanetMath
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