Histoire du Centre national d'études spatiales de 1961 à 1981Alors que l'Union soviétique et les États-Unis ont entrepris la conquête de l'espace extra-terrestre, les États européens se sentent peu concernés par cette nouvelle frontière qui semble vouée uniquement à la science et qui paraît un gadget dans la compétition médiatique qui accompagne la Guerre froide. Sans être beaucoup plus convaincu de l'avenir des applications spatiales, le gouvernement français du président Charles de Gaulle souhaite ne pas laisser à l'URSS et aux États-Unis le monopole des techniques permettant d'atteindre la satellisation. Jusqu'alors, les recherches françaises entreprises dans le domaine des moteurs-fusées ont été menées dans un cadre militaire à partir de technologies plus ou moins dérivées de l'expérience allemande des missiles V2. Dans le cadre de l'effort national en matière de recherche et de technologie, il est décidé de créer une entité civile qui consacrera ses activités à l'exploration scientifique et à l'utilisation de l'espace. Création et installation du CNESPar la loi no 61-1382 du , le Centre National d'Études Spatiales est institué comme organisme scientifique et public, de caractère industriel et commercial. Il a pour mission de développer et d'orienter les recherches scientifiques et techniques poursuivies dans le domaine des recherches spatiales. Le Président du Conseil d'Administration est le Pr Pierre Auger auquel succéda en 1962 le Pr Jean Coulomb. Sur le plan opérationnel, la Direction générale est confiée au Général de l'Armée de l'Air Robert Aubinière qui a commandé la Base d'Hammaguir (Algérie) où ont lieu les essais français de fusées. Le premier objectif fixé au CNES est, en coopération avec la Délégation Ministérielle pour l'Armement (DMA) de développer un Lanceur (de satellites) permettant à la France de devenir la troisième puissance spatiale derrière l'URSS et les États-Unis. Le CNES va orienter ses efforts dans deux voies qui sont :
L'établissement installe son siège à Paris (rue de l'Université) et crée un centre technique dans la région parisienne à Brétigny-sur-Orge. Le premier objectif est atteint dès 1965 avec le lancement réussi du satellite A1 (capsule technologique baptisée Astérix) le et la mise sur orbite de FR1 le au lendemain du premier tour des élections présidentielles. Après ce succès, les productions des lanceurs de satellite et des engins militaires vont être séparées. Le CNES devient responsable des lanceurs civils en plus du programme spatial. Parallèlement, sur l'impulsion de la Grande-Bretagne, des négociations sont menées pour créer des structures spatiales entre quelques États européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Belgique et Pays-Bas). Après deux ans de négociations, sont créés en 1964 deux organisations préfigurant l'Europe spatiale.
Implantations des moyens techniquesLe programme spatial français a exigé la création d'une infrastructure importante pour les lancements, la fabrication et les essais des satellites, le suivi et le contrôle en orbite.
Quelques années après le CNES (1968), l'ESRO crée les premiers établissements européens qui seront repris et développés par l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Ce sont les Centres de Noordwijk (Pays-Bas), Frascati (Italie), Darmstad(RFA) et Kiruna (Suède).
Pour déterminer la position des satellites en orbite, recevoir les informations qu'ils ont collectées et leur envoyer des ordres à exécuter, il faut disposer d'installations en visibilité de leur trajectoire. Les premiers satellites français ont une inclinaison qui ne dépasse pas 50° et une altitude moyenne de l'ordre de 300 km. Les stations du réseau sont choisies pour qu'à chaque orbite au moins une station aient le satellite en visibilité pendant une dizaine de minutes. Elles sont équipées d'antennes orientables pour recevoir les informations(télémesure 136MHz) et envoyer des ordres aux satellites (télécommande 148 MHz). Deux d'entre elles sont équipées d'interféromètres permettant de calculer les paramètres de l'orbite et de prévoir la position des satellites. Les stations du réseau sont implantées comme suit :
Deux stations temporaires sont aussi installées par le CNES à Beyrouth (Liban) comme station aval des lancements Diamant et à Stephanion (Grèce) pour les mesures laser sur les satellites D1. La station interférométrique d'Hammaguir a ensuite été installée à Kourou. À partir des années 1980, un réseau aussi dense n'a plus d'intérêt pour le programme français, il est progressivement démantelé et les sites sont remis aux autorités locales. Lanceurs de satellites de Diamant à Ariane 1Le lanceur de satellite Diamant doit son nom à la série de fusées d'essai à poudre qui l'a précédé et a été baptisée du nom de Pierres précieuses (Agate, Topaze, Saphir, Émeraude, ..). C'est un engin à trois étages pouvant placer en orbite basse à 300 km un satellite d'une centaine de kilogrammes. Le lanceur Diamant a été utilisé pendant dix ans (1965-1975) où il a reçu deux améliorations importantes.
Dans la même période, les futurs lanceurs européens se préparent. L'organisation européenne Eldo-Cecles étudie et teste la fusée Europa 1. Elle comprend le premier étage anglais Blue Streak, le second étage français Coralie et le troisième étage allemand Astris. Sans avoir réussi un lancement avec Europa 1, l'Eldo passe à Europa 2 plus puissante pouvant mettre en orbite géosynchrone le satellite franco-allemand Symphonie..Ce programme n'aboutit pas. Après une série d'essais qui ont eu lieu à Woomera (Australie), puis à Kourou (Guyane française) il est abandonné en 1974. Dans le même temps, la Grande-Bretagne teste à Woomera son lanceur à 3 étages Black Arrow. Il est néanmoins abandonné malgré le lancement réussi du satellite Prospero en . La Direction des Lanceurs du CNES lance de son côté l'étude d'un lanceur appelé L3S (Lanceur de substitution à 3 étages) qui a les performances d'Europa mais dont le concept plus simple est à la portée de l'industrie européenne. Ce projet est finalement retenu et décidé par l'Agence Spatiale Européenne qui est créée en 1973 par le regroupement de l'ELDO et l'ESRO. La maîtrise d'ouvrage du lanceur est confiée au CNES et le projet est développé sous le nom d'Ariane.
Satellites lancés par Diamant et programmes apparentésLes satellites lancés pendant la période d'exploitation de Diamant sont des satellites scientifiques ou technologiques.
L'organisme européen Esro, auquel la France participe, est mieux organisé que l'Eldo et va réaliser huit satellites scientifiques lancés par des fusées de la Nasa entre 1968 et 1972. L'industrie française, bien préparée par les programmes du CNES apporte une contribution importante à ces réalisations. On peut citer les 4 satellites ESRO, les 2 satellites HEOS ainsi que TD1 et ESRO 4. Les laboratoires français comme le CEA (Astrophysique) sont bien représentés dans les missions scientifiques et contribuent à de nombreux programmes. Activités généralesLe développement des lanceurs, des satellites et des moyens associés s'inscrit dans la politique générale menée par le CNES en application de la loi de création et des directives reçues de son Ministère de tutelle. Cette politique recouvre un certain nombre de domaines qui permettent d'orienter et de développer la recherche spatiale française. Parmi ceux-ci, on peut citer: Soutien de la recherche scientifiqueLes services du CNES ne font pratiquement pas de recherche scientifique, mais ils apportent un soutien financier et technique à plusieurs Laboratoires qui se sont spécialisés dans les études de l'espace. Ils contribuent activement à la définition et à la validation des matériels scientifiques embarqués sur les satellites. Cette collaboration vaut à la plupart de ces Laboratoires et des chercheurs une notoriété internationale. Emergence de « l'Espace utile »La recherche spatiale qui semble limitée au début du CNES à l'exploration scientifique de l'espace comme le montre la première famille de satellites, s'ouvre rapidement sur un champ d'applications assez prometteur. Dès 1968, le CNES inscrit dans ses programmes d'études des systèmes à satellites qui visent une utilisation pratique de l'espace. Ils portent sur la météorologie (Météosat), les télécommunications (Symphonie), la localisation (Éole puis Argos), l'Observation de la Terre (GDTA, Caméléon puis SPOT). Une communication active auprès des médias et du public fait en outre évoluer positivement l'image de la recherche spatiale dans l'opinion. Recherche et développement technologiquesLe milieu spatial (vide, températures, rayonnements, ..) et les conditions de lancement (vibrations, accélérations, ..) exigent des composants et des équipements spécialement étudiés. Les laboratoires du CNES engagent des recherches technologiques qui sont rapidement relayées par l'industrie spatiale. De même, pour simuler au sol ces conditions contraignantes, d'importants moyens d'essais sont installés sur les sites de Brétigny puis de Toulouse. Politique industrielleLa recherche spatiale et les développements qui se dessinent dès 1970 exigent une industrie compétente et dynamique pour atteindre ses objectifs. Le CNES, dès sa création, encourage cette industrie naissante qui acquiert rapidement une place internationale qu'elle saura conserver et améliorer. (Une liste non limitative de ces industriels peut être consultée dans les articles concernant les satellites Symphonie, Météosat et Spot ainsi que le lanceur Ariane). Dès 1973 et la création de l'ESA, la politique industrielle prend une tournure plus européenne, mais l'industrie française y conserve une place très importante. Coopération internationaleLe caractère civil des activités du CNES et ses objectifs scientifiques favorisent rapidement les contacts internationaux. Si les coopérations avec les Administrations des États-Unis (NASA, NOAA…) et les organismes (ELDO, ESRO, ESA) et pays européens (RFA, Italie, Espagne...) sont les plus importantes et les plus actives, le CNES établit aussi très rapidement des contacts avec de nombreux pays. Il ouvre la voie de la coopération avec l'URSS dès 1966. Des programmes à couverture internationale (Éole, Symphonie, Argos, Spot, ..) l'amène à passer des accords avec de nombreux pays (Canada, Argentine, Inde, Chine, pays africains, etc.). Formation et publicationsFaire connaître l'espace et les techniques associées a toujours été une priorité du CNES. De nombreuses formations sont organisées à l'attention des étudiants et des enseignants. Elles portent sur les techniques et le management. L'Établissement accueille des boursiers (thèses) et des stagiaires dans ses laboratoires. De nombreuses publications techniques font le point sur les études et travaux réalisés. Des communications sont présentées dans les symposiums internationaux. (AIA, COSPAR, etc) Le virage industriel et européenÀ partir des années 1980, les activités spatiales évoluent vers une exploitation commerciale soutenue et les satellites d'application offrent au lanceur Ariane un véritable marché industriel. Dans de nombreux domaines, l'industrie prend le relais du CNES. Sur le plan scientifique, les grands programmes sont de plus en plus européens. Les vols habités des États-Unis et de l'URSS s'ouvrent à la coopération, le CNES forme les premiers spationautes européens (Jean-Loup Chrétien et Patrick Baudry). AnnexesNotes et référencesBibliographie
Article connexeLiens externes
|