Il passe son enfance en Martinique, étudiant au séminaire collège de Saint-Pierre, où il est un élève médiocre et turbulent. À l'âge de 14 ans, son père l'envoie poursuivre ses études en Métropole[5], avec son frère aîné. Il intègre le lycée Louis-le-Grand à Paris, et passe un bac littéraire, puis un bac scientifique l'année d'après. Il s'inscrit ensuite à la faculté de médecine, où il se révèle un bon élève[4].
Il se prend de passion pour la chirurgie esthétique, et développe une connaissance approfondie de l'anatomie humaine ainsi qu'une grande dextérité manuelle. Il se spécialise alors dans la chirurgie des articulations et dans l'opération des cancers labio-bucco-pharyngés et maxillaires[4].
Hippolyte Morestin est notamment connu pour opérer de nombreux « cas difficiles » avec un soin inédit pour l'époque, tels des lupus, des kystes, des appendicites ou des becs de lièvre. Il est également connu pour soigner sans distinction d'âge, de fortune ou de provenance, opérant même gratuitement des patients martiniquais dans le besoin lorsqu'il fait des séjours sur son île natale[4],[5].
Ayant acquis une bonne réputation auprès de ses pairs dans le domaine de la chirurgie maxillo-faciale, il participe à des congrès de médecine et de sociétés savantes, en France comme à l'étranger (notamment à Bruxelles, Madrid et New York). En 35 ans de carrière, il rédige plus de 600 articles publiés dans des revues médicales spécialisées[4],[5]. Au fur et à mesure que sa réputation s'installe, sa clientèle évolue et se fidélise : des femmes viennent ainsi le consulter pour subir des opérations à objectif purement esthétique (visage, cou, seins, ventre)[4].
Pendant sa carrière, et notamment en opérant les Gueules cassées pendant la Grande Guerre, Hippolyte Morestin invente de nombreuses techniques et gestes encore utilisés et enseignés en médecine contemporaine. Il invente ainsi ce qu'il appelle des « autoplasties par jeu de patience », technique consistant à reconstituer progressivement un visage sans apport de tissus étrangers. Il a aussi opéré des tumeurs en passant par le plancher buccal, ou encore inventé un appareil pour aspirer le sang et la salive. Il défend en outre ardemment le recours aux transplantations cartilagineuses[4],[5].
Après la fin de la Première Guerre mondiale, sur demande de Georges Clemenceau, Hippolyte Morestin choisit cinq soldats défigurés parmi ses patients, pour qu'ils soient présents lors de la signature du Traité de Versailles le 28 juin 1919[4].
De santé fragile, atteint de tuberculose, il meurt à l'âge de 49 ans, le 12 février 1919 à Paris, des suites d'une pneumonie, probablement contaminé par le virus de la grippe espagnole[4],[5]. À sa mort, ses confrères lui rendent un hommage unanime. Lors de ses obsèques, un cortège composé de soignants et de patients accompagne son cercueil depuis la chapelle du Val-de-Grâce jusqu'au cimetière du Père-Lachaise, où il est enterré[4].
Vie privée
Hippolyte Morestin reste célibataire toute sa vie et meurt sans aucun descendant[4],[5].
En 1902, l'éruption de la Montagne Pelée (Martinique) cause la mort de 21 membres de sa famille et la perte de tous ses biens familiaux sur l'île, ce qui le marquera profondément[4].
Colique salivaire de Morestin : douleur intense et brutale du plancher de la bouche signant la rétention de salive dans la lithiase sous-mandibulaire.
Syndrome de Morestin (ou syndrome d'Ollivier-Perthes)[8] : asphyxie traumatique[9], hyperpression brutale du système-cave supérieur par écrasement du thorax par effet de blast, risquant de provoquer une cécité.
Méthode de Morestin (ou opération de Mustardé) : otoplastie.
Opération de Souligoux-Morestin.
Œuvres et publications
Des Opérations qui se pratiquent par la voie sacrée, G. Steinheil (Paris), 1894, in-8°, VII-400 p., lire en ligne sur Gallica.
« Pathogénie de la grenouillette sus-hyoïdienne », in: Gazette des Hôpitaux Civils et Militaires, 1897, vol. 70, p. 529-533.
Anomalies musculaires, G. Steinheil (Paris), 1897, 15 p.
Tumeur salivaire parotidienne, G. Steinheil (Paris), 1900, 8 p., in-8, lire en ligne sur Gallica.
Le cancer de la joue, impr. de F. Levé (Paris), 1900,14 p., in-8, lire en ligne sur Gallica.
Les formes bénignes de psoïtis, impr. de F. Levé (Paris), 1900,13 p., in-8, lire en ligne sur Gallica.
Traitement opératoire du pied plat, impr. de F. Levé (Paris), 1901, in-8°, 9 p., lire en ligne sur Gallica.
« Torsion d'un appendice épiploïque du gros intestin », in: Bull. et mem. Soc. anat. de Paris, 1912, vol. 87, p. 391-394.
« De la correction des flexions permanentes des doigts », in: Rev Chir, 1914, vol. 50, p. 1-27.
« Les transplantations cartilagineuses dans la chirurgie réparatrice », in: Bulletin et mémoire de la Société de Chirurgie de Paris, 1915, vol. 41, p. 2046.
« Quelques cas de greffes graisseuses appliquées à la chirurgie réparatrice », in: Bull, et Mem. Soc. Chir. de Par, 1915, vol. 41, p. 1631.
« Cicatrice très étendue du crane réduite par des excisions successives », in: Bull Et Mon de Soc de Chir, 1916, vol. 150, p. 2052-2054.
« Deux cas de reconstitution de l'os malaire et du contour orbitaire à l'aide de transplants cartilagineux », in: Bull Mem Soc Chir, Paris, 1916, vol. 42, p. 1700-1707.
« La cure radicale du cancer de la langue », in: J. de chir, 1919, vol. 15, p. 221-252.
« Les Blessures de la face », in: Évolution de la chirurgie de guerre. Science et dévouement, Éditions Aristide Quillet (Paris), 1918, p. 137-159.
En collaboration
avec Maurice-Auguste Chevassu, Jean François Auguste Le Dentu, Pierre Delbet, Anselme Schwartz: Nouveau traité de chirurgie clinique et opératoire, J. B. Baillière et fils (Paris), 1911.
↑Son frère, Charles Morestin, est mort lors de l'éruption de la montagne Pelée en 1902 (source: demande de secours des Sinistrés de la Martinique faite par la mère d'Hippolyte, le 7 août 1902)
↑« Considérations sur les tumeurs sanguines des os », [Thèse pour le doctorat en médecine no 101, soutenue le 3 juillet 1862] à Paris.
↑(en) CJ Williams: « Harold Gillies: Aesthetic Reconstructor », Texte intégral dans le site nzedge.com
↑A. El Koraichi, J. Tadili, R. Benafitou, S. Kettani: « Syndrome d’Asphyxie Traumatique ou Syndrome de Perthes : À propos de deux observations pédiatriques »Texte intégral dans le site de la Société de Réanimation de Langue Française
Albert Mouchet: « Nécrologie. Hippolyte Morestin (1869-1919) », in: Paris médical : la semaine du clinicien, 1919, no 32, p. 92-92, Texte intégral.
Dr Horace Bianchon (!): « Le Dr Morestin », in: Le Figaro du jedi , lire en ligne sur Gallica.
J.L. Faure: « Hippolyte Morestin (1869-1919) », in: La Presse médicale, , no 10, p. 109-110, Texte intégral.
Dr L. Dartigues: « Hippolyte Morestin », in: L'Album du Rictus, journal humoristique mensuel, tome III, p. 46-47, Texte intégral.
Paul Lecène, Henri Mondor: « L’œuvre chirurgicale de H. Morestin », in: J Chir, 16 (1920): 1-8.
« Hippolyte Morestin », in: Aux médecins morts pour la Patrie (1914-1918). Hommage au corps médical français, Alcan et Lisbonne, Asselin et Houzeau, J.-B. Baillière et Fils, G. Doin, Masson et Cie, Poinat (Paris), 1922, p. 355, Texte intégral.
Bruno Boutroux: Hippolyte Morestin, [Thèse de Médecine no 59, Nancy], 1978.
J.P. Lalardrie: « Hippolyte Morestin 1869–1918 », in: British Journal of Plastic Surgery, Volume 25, p. 39-41, 1972, Texte intégral.
(en) Blair O. Rogers: « Hippolyte Morestin (1869–1918), a brief biography », in: Aesthetic Plast Surg, 1982, 6, 141.
Sophie Delaporte (préf. Stephane Audouin-Rouzeau), Gueules cassées de la Grande Guerre, Paris, A. Viénot, , 261 p. (ISBN978-2-914645-58-4, OCLC963255469).
Karine Ferret-Dussart, La chirurgie maxillo-faciale à travers l'histoire : à propos des collections du Service de santé des armées au Val-de-Grâce, Paris, Glyphe & Biotem éd, coll. « Société, histoire et médecine », , 363 p. (ISBN978-2-911119-54-5, OCLC70113714).
Xavier Riaud (préf. Claude Séverin), Pionniers de la chirurgie maxillo-faciale 1914-1918 (Biographie), Paris, L'Harmattan, coll. « Médecine à travers les siècles », , 136 p. (ISBN978-2-296-11195-0, OCLC690478047, lire en ligne).
Xavier Chevallier: « Le destin hors du commun du docteur Hippolyte Morestin », Article en ligne, , dans le site madinin-art.net
Marie-Aude Bonniel « Hippolyte Morestin, le médecin des gueules cassées », in: Le Figaro, , Article intégral en ligne.
Nicolas Guirimand: « De la réparation des "gueules cassées" à la "sculpture du visage" », in: Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/1-2 (no 156-157), Texte intégral.