Il enseigne d'abord à Dartmouth College, puis à l'Université de Princeton en 1936. L'année suivante, il préside l'Institut pour l'analyse de la propagande (Institute for Propaganda Analysis) et fonde le Public Opinion Quarterly. Plus tard, il préside du département de psychologie de l'Université de Princeton[1].
Hadley Cantril est membre du Projet de recherche sur la radio de Princeton. L'équipe du Projet analyse la réaction publique à la diffusion de La guerre des mondes d'Orson Welles et publie une étude mettant en avant les aspects pessimistes[2].
Le petit programme de recherche de Cantril à Princeton a pris de l'ampleur en septembre 1940 lorsque Nelson Rockefeller, le Coordonnateur des affaires interaméricaines du Président Roosevelt, a demandé au psychologue de “mettre en place des mécanismes permettant de jauger l'opinion publique en Amérique latine”. En coopération avec Gallup et avec des fonds du Bureau de la gestion des urgences, Cantril crée un organisme de recherche apparemment indépendant, l'Américaine des sondages sociaux (American Social Surveys) et recrute son ami Leonard Doob et Lloyd Free pour analyser la propagande nazie en Amérique latine. Par le truchement du bureau de Rockefeller, les résultats du programme de recherche de Cantril viennent à la connaissance du Président Roosevelt. Ce dernier demande alors à Cantril de mesurer l'opinion publique sur la guerre et sur l'aide à la Grande-Bretagne. Cantril s'y emploie et sonde l'opinion sur l'aide à l'Angleterre et sur la volonté du peuple de modifier les lois américaines sur la neutralité, favorable à la Grande-Bretagne[5].
En 1942, Cantril lance une enquête sur un échantillon restreint de responsables français collaborationnistes au Maroc, avant l'opération Torch, qui révèle l'intensité du sentiment anti-britannique des forces françaises dans ce pays. Cette information influence directement la disposition des forces pendant l'opération, les troupes américaines débarquant près de Casablanca et les forces mixtes à Oran et Alger[4].:389,[6]
Selon George Gallup, « avec ses études d'opinion, [Cantril] a conseillé les présidents Roosevelt, Eisenhower et Kennedy à des moments critiques de l'Histoire. À en juger par les événements qui ont suivi, son avis était exceptionnellement bien entendu. »[7]
En 1955, il fonde avec Lloyd Free l'Institut de recherche sociale internationale (IISR, Institute for International Social Research). De nombreux organismes gouvernementaux des États-Unis ont demandé à l'IISR de mener des sondages auprès d'échantillons dans des pays étrangers[8]. En particulier, Cantril et Free ont mené un sondage à Cuba en 1960 démontrant un soutien populaire important à Fidel Castro, fait qui a été négligé lors de la transition présidentielle entre Eisenhower et Kennedy et n'a été connu qu'après le fiasco du Débarquement de la baie des Cochons[9].
En 1956, avec des financements proches des services de renseignements[10], il lance un programme d'étude sur les mouvements de gauche en France[11], qui ne rencontre aucun écho dans le pays.
L'œuvre la plus citée de Cantril est The Pattern of Human Concerns, connue pour son échelle d'auto-ancrage également connue sous le nom d'“échelle de Cantril”[12]. Cantril et Free font également émerger le paradoxe selon lequel les électeurs américains ont tendance à s'opposer au “système” (“big government”) tout en soutenant largement des mesures sociales pourvu qu'elles soient spécifiques[9].
À la fin des années 1950, Cantril siège au Comité des buts et stratégies internationaux du Projet d'études spéciales créé par le Fonds des frères Rockefeller[13].
« Hadley Cantril, psychologue à Princeton, est représentatif de la plupart des spécialistes quantitatifs de l'influence sociale qui, tout en maintenant leurs engagements politiques, se voient néanmoins dans les rangs des réformateurs faiblement attachés au mouvement progressiste… L'accent mis sur le processus social et sur une vision psychologique de la population place les scientifiques dans un état d'esprit leur permettant d'assumer une polis polluée principalement par l'inaction des acteurs éclairés. »[5]:74
Marié en 1932 à Mavis K. Lyman, il a deux enfants[14].
1967 (en coll. avec L. A. Free). Political beliefs of Americans. A study of public opinion
1967. The Human Dimension. Experiences in Policy Research
1988 (coord.) Psychology, Humanism, and Scientific Inquiry: the Selected Essays of Hadley Cantril
Références
↑F. P. Kilpatrick (November 1969) "Hadley Cantril – The Transactional Point of View", Journal of Individual Psychology 25: 219–25, reprinted as Epilogue, pages 229–34, in Albert H. Cantril, editor (1988) Psychology, Humanism and Scientific Inquiry, Transaction Books
↑(en) Handley Cantril (préf. Albert H. Cantril, en collaboration avec Hazel Gaudet et Herta Herzog), The Invasion from Mars : A Study in the Psychology of Panic, New Brunswick, N.J. / Londres, Transaction publishers, (1re éd. 1947, Princeton University Press), XXXII-224 p. (ISBN978-1-4128-0470-7, présentation en ligne)
↑Investigation of un-American propaganda activities in the United States, United States Government Printing Office, , 3244 p.
« and a special consultant for the Office of the Coordinator of Inter-American Affairs »
↑ ab et cJohn Gray Geer (2004) Public opinion and polling around the world: a historical encyclopedia, Volume 1, ABC-CLIO (ISBN9781576079119)
↑"Worldwide Propaganda Network Built by the C.I.A." New York Times, December 26, 1976
↑ a et b"Lloyd A. Free, 88, is dead; Revealed Political Paradox", New York Times, November 14, 1996.
↑Paul Arnault, « « Winning the Cold War »: politique étrangère américaine et psychosociologie (1946-1968) », Analele Ştiinţifice ale Universităţii »Alexandru Ioan Cuza« din Iaşi. Psihologie, no 2, , p. 55–68 (ISSN1453-0767, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Cantril, Hadley & David Rodnick, On Understanding the French Left, Princeton, University of Princeton Press,