GénitifEn linguistique, le génitif est un cas grammatical utilisé quand un nom commun ou un nom propre est un complément d'un autre nom. Le génitif exprime notamment la possession dans de nombreuses langues (voir possessif (cas)). Il peut être indiqué au moyen d'une modification de la terminaison du nom du possesseur dans une langue à déclinaison (comme le latin) ou le grec. Cette relation de possession peut aussi être exprimée en ajoutant un affixe à ce nom (comme en anglais et en néerlandais), ou encore en modifiant l'article défini (comme en allemand). Le français, qui ne possède pas de forme grammaticale de génitif, utilise une préposition ou un adjectif possessif pour exprimer cette relation de possession. Il faut entendre cette notion de « possession » au sens large, puisqu'elle inclut généralement la relation de partie au tout : Mary's house et Mary's leg (la maison de Marie / la jambe de Marie) ne réfèrent pas au même type de relation ; ainsi que les relations parentales (Mary's mother = la mère de Marie). Le génitif peut aussi, comme dans les langues slaves, prendre un sens de partitif (p.ex. : выпить стакaн воды, boire un verre d'eau). Cela provient du fait que les nombres fonctionnent (ou ont fonctionné à un moment) comme des noms (cf. Une douzaine d'œufs). FonctionsIl existe divers types de relation entre le génitif et le nom dont il dépend :
AllemandLe génitif allemand peut être postposé ou antéposé (placé après ou avant le nom auquel il se rapporte). Dans ce dernier cas, il se substitue alors à l'article défini, et on parle de génitif saxon. Génitif « ordinaire »La marque forte du génitif est -(e)s au masculin et au neutre singulier et -(e)r au féminin singulier et au pluriel. L'article défini au génitif est :
L'article indéfini au génitif est :
Le génitif se marque également sur le substantif au masculin et au neutre singulier :
Dans un groupe nominal au génitif, comme aux autres cas, l'adjectif prend la marque faible en présence de l'article, qui, au génitif, est toujours marqué. En revanche, contrairement aux autres cas, il ne prend la marque forte en l'absence d'article que lorsque le substantif ne porte pas la marque : ainsi, on dira guter Gesellschaft (de bonne société) mais guten Geschmacks (de bon goût). Ces règles connaissent certaines exceptions :
mais l'histoire de la France moderne se dira Die Geschichte des modernen Frankreich (sans -s) ; de même la vie de Mozart se dira indifféremment das Leben Mozarts ou das Leben des Mozart (sans le s) Génitif saxonIl se forme de manière analogue au génitif ordinaire pour les noms communs ou les noms propres employés avec l'article. Pour les noms propres employés sans article, il se forme, à tous les genres, même au féminin, par l'adjonction d'un -(e)s. Il est antéposé et se substitue à l'article (défini) du nom qu'il détermine. Très utilisé en langue poétique, il ne s'emploie plus en langue courante que pour les noms propres sans article. Par ailleurs, pour ces noms, le génitif formé par l'adjonction de la marque -(e)s peut également, contrairement à l'anglais par exemple, être postposé. Ainsi l'expression : le chien d'Anne peut se dire :
AnglaisLe génitif anglais est souvent appelé le possessif. Il se forme avec un 's pour les noms singuliers et pluriels qui ne se terminent pas en -s : man's, men's (d'un homme, des hommes). Il se forme avec ' seul pour les noms pluriels qui se terminent en -s : buses' (des autobus). Il se forme avec l'une des deux manières pour les noms singuliers qui se terminent en -s : bus's ou bus' (de l'autobus). Quand il s'agit d'un nom propre terminé en -s, on ajoute 's : Charles's book ('le livre de Charles'), mais on lit souvent Charles' book. En anglais, il est possible de mettre tout un groupe de mots au génitif (saxon) : The King of England's horses, les chevaux du roi d'Angleterre (et non BasqueLa possession en basque est marquée par le cas noren, avec les suffixes (-(r)en, -aren) ajoutés au radical du nom ou de l'adjectif. Il existe cependant un génitif spatio-temporel (cas nongo), avec les suffixes -(e)ko, -go, -(e)tako, qui est un complément de lieu et de temps. Par exemple, pour le génitif possessif :
Par contre, on utilise le cas nongo pour le génitif locatif :
Ce même cas est utilisé pour indiquer aussi la location temporelle :
BretonDès lors que le mot breton est complété par un complément défini, le mot principal est alors considéré comme étant suffisamment défini et perd son propre article. Nom 1 : ar c'hi ('le chien', avec mutation après l'article) plus nom 2 : ar verc'h ('la fille') Nom 1 + nom 2 = Ki ar verc'h ('Le chien de la fille' : le mot complété ki perd son article et donc sa mutation initiale de k- à c'h-) Ce complément de nom est un problème relativement délicat : il faut apprécier en effet chaque fois la nature du complément (défini ou indéfini). Quand on dit que le complément du nom est défini et que le nom complété perd son article, il faut préciser que le complément du nom est considéré comme suffisamment défini s'il est précédé d'un article indéfini : Nom 1 : ar c'hi ('le chien') + nom 2 : ur verc'h ('une fille', c'est en principe un nom indéfini, mais il est considéré comme suffisamment défini pour la présente règle). Nom 1 + nom 2 = Ki ur verc'h ('Le chien d'une fille'). Par contre, dans l'exemple suivant, le complément du nom est un véritable indéfini, et le nom complété garde donc son article : Nom 1 : An tamm ('Le morceau') + nom 2 : bara ('pain'). Nom 1+ nom 2 : An tamm bara ('Le morceau de pain', partitif). Grec ancienL'emploi du génitif est nettement plus étendu en grec ancien qu'en latin: en effet, la déclinaison nominale grecque a perdu l'ablatif, conservé en latin, et les valeurs de ce cas ont été essentiellement transférées au génitif. Ainsi, le génitif grec, en plus des emplois signalés pour le latin, exprime l'origine spatiale ou temporelle, notamment après les prépositions qui ont ce sens (έξ éx suivi du génitif = ex suivi de l'ablatif en latin = sortant de; άπό hápó suivi du génitif = ab suivi de l'ablatif en latin = venant de, ou depuis, etc.). De même, à l'ablatif absolu du latin correspond le génitif absolu en grec. Par exemple: ὁ ἥλιος (ho hḗlios; le soleil), δύνω (dúnō; se coucher)→ τοῦ ἡλίου δύνοντος (toû hēlíou dúnontos; le soleil se couchant, au coucher du soleil). Les compléments d'adjectif à l'ablatif en latin sont au génitif en grec: digne de se dit dignus avec l'ablatif en latin, άξιος áxios avec le génitif en grec. En outre, l'emploi du génitif comme complément de verbe est beaucoup plus étendu en grec qu'en latin (après des verbes signifiant "atteindre" ou "désirer" ou des verbes signifiant "entendre", "sentir", "toucher" etc. ou avec une valeur partitive après les verbes signifiant "manger" ou "boire"). LatinEn latin, le génitif marque, en général, le complément du nom. Par rapport au nom qu'il complète, le génitif peut marquer plusieurs types de rapports, comme celui de possession (caput Petri, la tête de Pierre; liber Petri, le livre de Pierre) ou de parenté (filius Petri, le fils de Pierre). Le génitif partitif exprime le tout dont est mentionnée une partie (fortissimi Romanorum, les plus courageux des Romains; extremum provinciae, l'extrémité de la province). Le génitif peut également servir de complément d'adjectif, (vestri similes, semblables à vous), ou de verbe (meminisse, se souvenir de ; oblivisci, oublier). Le verbe être construit avec le génitif signifie "est le propre de..." (Ridere hominis est, rire est le propre de l'homme).
LettonEn letton, on décline les noms, les adjectifs, les adjectifs numéraux et les pronoms. Les substantifs (ou les noms) peuvent être soumis ou non soumis à la flexion (locījums). Les noms soumis à la flexion se partagent en six groupes, appelés déclinaisons (deklinācijas), par le genre et la terminaison du nominatif[1] :
Pour former le génitif, en fonction du groupe et du nombre grammatical (pluriel ou singulier), la terminaison des lemmes change[1].
NéerlandaisEn néerlandais, le génitif se marque par l'ajout d'un s, 's ou d'une apostrophe ( ' ) :
Des formes archaïques n'obéissant pas à ces règles, et des génitifs avec article, se conservent dans certaines expressions figées: 's-Gravenbrakel (Braine-le-Comte, avec en français aussi un cas régime archaïque), 's-Gravenhage (La Haye, m-à-m. Haye-le-Comte), 's-Hertogenbosch (Bois-le-Duc), de Opperbouwmeester des Heelals (le Grand Architecte de l'Univers), 's avonds (pour "des avonds", avec article: « le soir »), des daags (« de jour », avec allongement du a, notamment dans la version néerlandaise du Règlement international pour prévenir les abordages en mer), etc. PicardLa langue picarde a conservé un reste du génitif de l’ancien français (qui venait lui-même du génitif latin). En ancien français la possession pouvait être exprimée de deux façons : en utilisant une préposition (généralement a, « à », ou de, « de »), ou alors en recourant à ce reste de génitif latin qui consistait à mettre le nom possédant au cas régime et ne pas mettre de préposition. Par exemple, Jean de Joinville écrit en 1275 : Je, Jehan [...], faiz escrire la vie_nostre saint roy Looÿs (« Moi, Jean, je fais écrire la vie de notre saint Roi Louis »). Cette pratique a disparu progressivement, on n’en retrouve plus de traces réelles dans l’usage après le XVe siècle sauf dans des expressions figées dont certaines nous sont parvenues comme « Hôtel-Dieu » (ostel Dieu ou ostel a Dieu en ancien français), « Fête-Dieu » (la feste Dieu ou feste a Dieu), etc. En picard, cet usage du génitif s’est cependant maintenu jusqu’à nos jours mais uniquement dans les cas où le possesseur est un nom propre. Ainsi, « le chapeau de Baptiste » se dira en picard : ech capieu_Batisse. L’utilisation de la préposition à est également possible, comme en français courant : ech capieu à Bâtisse.
Si le nom propre est précédé de qualificatifs (par exemple « notre bon Paul »), on utilise systématiquement la préposition à. Ainsi, « le chapeau de notre bon Paul » se traduira ech capieu à no boin Paul. Une exception à cette règle : le mot Diu (« Dieu ») peut utiliser le génitif, il se comporte comme un nom propre : Sainte Marie, os ètes el mère (à) Diu (« Sainte Marie, vous êtes la mère de Dieu »). RusseOutre ses emplois habituels, le génitif en russe, comme dans d'autres langues slaves, s'utilise lors d'une négation :
PolonaisOutre la marque de la possession, le génitif s'utilise aussi après les négations à la place de l'accusatif. Il s'utilise aussi toujours après certains verbes comme bać się (avoir peur), słuchać (écouter), wymagać (exiger), potrzebować (avoir besoin), szukać (chercher), etc. et après certaines prépositions (dont certaines sont mixtes) : od (de, à partir de), dla (pour), z (de), do (vers), bez (sans), u (chez), koło (à côté de), oprócz (à part), , etc. SlovèneLa possession est marquée en slovène non par le génitif, mais par une suffixation du nominatif. ExemplesLe syntagme français Le chien de la fille se traduira ainsi dans diverses langues.
Références
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