« Je suis un Brésilien, dont les ancêtres, installés depuis longtemps au Brésil, ont presque tous des origines lointaines dans la péninsule ibérique, avec un peu de sang amérindien. »
Gilberto Freyre était un descendant de Portugais, d'Amérindiens, d'Espagnols, et de Néerlandais (Hollandais)[2]. Il naît à Recife, en 1900[3]. Sa famille est aristocratique, issue du milieu des planteurs du Pernambouc[3] dans le Nordeste brésilien, une région à laquelle il restera attaché toute sa vie. Son père, Alfredo Freyre, est juge et professeur d'économie politique de la faculté de droit de Recife.
Issu d'un milieur très privilégié, Gilberto Freyre fréquente le jardin d'enfants du collège américain Gilreath en 1908. Ses premières expériences de la vie rurale eurent lieu à l'époque où, enfant, il fait un séjour dans l'exploitation de canne à sucre de São Severino do Ramo appartenant à des membres de sa famille. Plus tard il écrira sur cette première expérience dans Pessoas, Coisas & Animais (Personnes, Choses & Animaux).
Giberto Freyre commence ses études universitaires à l'Université baptiste de Baylor à Waco, au Texas, où il étudie les sciences politiques et sociales[4]. Il part ensuite étudier à l'université Columbia aux États-Unis où il est l'élève de Franz Boas. Il est inscrit en sciences politiques mais prend également des cours en histoire et en sociologie. En 1922, il publie sa thèse, « Social Life in Brazil in the Middle of the 19th Century. » , dans le journal Hispanic American Historical Review. Cette thèse, qui est une histoire sociale du Brésil esclavagiste du 19ème siècle, peut se lire comme une apologie du patriarcat esclavagiste dont il est lui-même issu[5].
De 1922 à 1923, Gilberto Freyre entreprend un voyage en Europe ; il fait notamment étape à Paris, où il fréquente les milieux intellectuels d'extrême-droite proches de l'Action française[4]. Durant ce voyage, il explore par ailleurs sa propre sexualité, avec des partenaires des deux sexes[6].
Lors de la révolution brésilienne de 1930, la ville de Recife est également affectée par des violences à l'encontre de ceux qui sont associés à la société oligarchique des planteurs. La maison du père de Freyre est brûlée et lui-même décide de quitter temporairement le pays[7]. Il rentre au Brésil à la fin de 1931 et s'attelle à la rédaction de son premier livre, Casa-Grande & Senzala . Cet ouvrage est publié en 1933 grâce à l'aide de son ami Rodrigo Mello Franco de Andrade[7]. Le livre est un succès commercial et est salué par la critique. En 1936, Gilberto Freyre publie sa suite, intitulée Sobrados e mucambos[7].
En 1946, Gilberto Freyre est élu à l'assemblée constituante sous l'étiquette de l'Union démocratique nationale (UDN). De 1949 à 1864, il est par ailleurs délégué du Brésil à l'ONU[8].En 1964, il appuie le coup militaire qui renverse João Goulart, justifiant notamment la censure de la presse par le régime dictatorial.
De lui Monteiro Lobato dira :
« Le Brésil du futur ne va pas être ce que les vieux historiens ont dit et qu'ils répètent aujourd'hui. Il va être ce que Gilberto Freyre dit. Freyre est l'un des génies à la palette la plus riche et la plus éclairante que ces terres antarctiques aient jamais produits. »
Son premier et plus connu livre est Casa-Grande & Senzala, publié en 1933 et écrit au Portugal. Dans cette œuvre, Freyre refuse les doctrines racistes qui préconisaient le « blanchiment » du Brésil. Basé sur Franz Boas, il a démontré que le déterminisme racial ou climatique n'influence pas le développement d'un pays. Cependant, cette œuvre a donné naissance au mythe de la démocratie raciale au Brésil, à cause des relations harmoniques entre les races, ce qui a atténué l'esclavage brésilien - selon Freyre, celui-ci a été moins nocif que l'esclavage américain.
Contrairement à ce qu'on imagine, Casa-Grande & Senzala n'est pas un traité sociologique ou anthropologique. Basé sur sources historiques et sur ses réflexions personnelles, Freyre se disait un « écrivain versé dans les sciences sociales », pas un sociologue, comme il a écrit dans Comment et pourquoi je suis et je ne suis pas sociologue (1968).
Sociologie brésilienne
Gilberto Freyre est largement considéré comme étant l'un des pères fondateurs de la sociologie brésilienne[9]. Sa thèse, parue en 1922, s'intitulait :« Social Life in Brazil in the Middle of the 19th Century. »
médaille Joaquim Nabuco, Assemblée Législative de l'État du Pernambouc, 1972
trophée Nouveau monde, pour Œuvres notables en sociologie et histoire, 44, São Paulo - trophée Journaux Associés, pour « plus grande distinction actuelle en arts plastiques » - prix Jabuti, de la chambre brésilienne du livre, 1973
Prix Esso en 2005
médaille d'or José Vasconcelos, Frente de Afirmación Hispanista de México, 1974
éducateur de l'année, Syndicat des professeurs de l'enseignement primaire et secondaire au Pernambouc et association des professeurs de l'enseignement officiel, 1974
↑Gilberto Freyre (trad. du portugais par Jean Orecchioni, avant-propos de Jean Duvignaud), Terres du sucre : Nordeste, Paris, éd. Quai Voltaire, , 241 p. (ISBN9782876531420, lire en ligne [sur archive.org]).
↑ a et b(en) Jeffrey D. Needell, « The Foundations of Freyre's Work: Engagement and Disengagement in the Brazil of 1923––1933 », Portuguese Studies, vol. 27, no 1, , p. 9 (ISSN0267-5315, DOI10.5699/portstudies.27.1.0008, lire en ligne, consulté le )
↑ a et bArmelle Enders, « Le Lusotropicalisme, théorie d'exportation », Nuevo Mundo Mundos Nuevos. Nouveaux mondes mondes nouveaux - Novo Mundo Mundos Novos - New world New worlds, (ISSN1626-0252, DOI10.4000/nuevomundo.610, lire en ligne, consulté le )
↑Olivier Grenouilleau, Qu'est-ce que l'esclavage, Folio histoire, , p.110
↑Sergio B. F. Tavolaro, « "Neither Traditional nor Fully Modern...": Two Classic Sociological Approaches on Contemporary Brazil », International Journal of Politics, Culture, and Society, vol. 19, nos 3/4, , p. 111 (ISSN0891-4486, lire en ligne, consulté le )
↑[Freyre 1997] Gilberto Freyre (trad. Roger Bastide, préf. Lucien Febvre), Maîtres et esclaves : la formation de la société brésilienne [« Casa-grande & senzala : formação da família brasileira sob o regime da economia patriarcal »], Paris, Gallimard, (1re éd. 1933), 550 p. (ISBN2-07-028387-9, présentation en ligne).
Bibliographie
(pt) Edson Nery da Fonseca, Em Torno de Gilberto Freyre. Recife, Editora Massangana, 2007. (ISBN978-85-7019-461-9)
(en) Peter Burke et Maria Lúcia G. Pallares-Burke, Gilberto Freyre : social theory in the tropics, Peter Lang, Oxford, 2008, 261 p. (ISBN978-1-906165-04-8)
(pt) Ricardo Benzaquen de Araújo, Guerra e paz : « Casa-Grande & Senzala » e a obra de Gilberto Freyre nos anos 30, Editora 34, Rio de Janeiro, 2005 (2e éd.), 223 p. (ISBN85-85490-41-1)
(pt) Maria Lúcia Garcia Pallares-Burke, Gilberto Freyre : um vitoriano dos trópicos, Editora UNESP, São Paulo, 2005, 481 p. (ISBN85-7139-610-8)
(pt) Victor Villon, O Mundo Português que Gilberto Freyre Criou, seguido de Diálogos com Edson Nery da Fonseca. Rio de Janeiro, Vermelho Marinho, 2010. 220 p. (ISBN978-85-62851-72-8)
Maria Lúcia G. Pallares-Burke, « Genèse d’une pensée : Gilberto Freyre (1918-1933) ou la réévaluation spectaculaire du métissage », dans Du transfert culturel au métissage, Presses universitaires de Rennes, , 115–126 p. (ISBN978-2-7535-3503-9, DOI10.4000/books.pur.89371., lire en ligne)
Armelle Enders, « Le Lusotropicalisme, théorie d'exportation », Nuevo Mundo Mundos Nuevos. Nouveaux mondes mondes nouveaux - Novo Mundo Mundos Novos - New world New worlds, (ISSN1626-0252, DOI10.4000/nuevomundo.610, lire en ligne)
(en) Jeffrey D. Needell, « The Foundations of Freyre's Work: Engagement and Disengagement in the Brazil of 1923––1933 », Portuguese Studies, vol. 27, no 1, , p. 8-19 (ISSN0267-5315, DOI10.5699/portstudies.27.1.0008, lire en ligne).