GEE (navigation)

Le GEE (ou AMES[1] Type 7000) était un système de radionavigation britannique utilisé par la Royal Air Force au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le GEE a été conçu pour améliorer la précision de la navigation des avions ce qui a permis d'augmenter l'efficacité des raids d'Avro Lancasters et de différents autres bombardiers.

Baie de contrôle du GEE.
Émetteur du GEE.
Équipement GEE embarqué.

La technologie du GEE a été développée aux États-Unis dans le cadre du système Loran. Le Loran était utilisé par l'US Air Force et la Royal Navy pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il devient le système civil mondial de navigation côtière le plus répandu jusqu'à ce que le GPS le rende obsolète.

Description technique

Le GEE était un système de navigation hyperbolique semblable au système de navigation Oméga ou au Loran-C actuel.

Les émetteurs du GEE envoient des impulsions à des instants précis. Il y a trois stations, une station maître et deux stations esclaves. La station maître envoie une impulsion, suivie, deux millisecondes plus tard, d'une impulsion double. La première station esclave envoie une impulsion simple une milliseconde après l'impulsion simple de la station maître, et la deuxième station esclave envoie une impulsion simple une milliseconde après l'impulsion double de la station maître. L'ensemble du cycle est répété toutes les quatre millisecondes.
L'avion va recevoir les signaux des trois stations. L'équipement embarqué affiche les deux signaux des stations esclaves comme une déviation sur un afficheur similaire à celui d'un oscilloscope. Étant donné que la base de temps de l'afficheur est déclenchée par les impulsions de la station maître, le système d'affichage permet de visualiser le retard d'un signal par rapport à l'autre et, par conséquent, de connaitre la distance relative de l'avion par rapport à la station maître et aux deux stations esclaves. L'avion possède à son bord des cartes de navigation avec des hyperboles imprimées. Chaque hyperbole représente une ligne d'écart de temps constant entre la réception de la station maître et celle d'une des stations esclaves. Le navigateur n'a plus qu'à chercher l'intersection entre les deux hyperboles représentant les décalages des deux stations esclaves.

La grille formée par les croisements des lignes a donné son nom au système : « GEE » se prononce en anglais comme le nom de la lettre « G », initiale de grid (grille)[2].

GEE mis en danger

Comme on était pressé d'essayer ce nouveau système, des prototypes sont embarqués sur des vols de reconnaissance bien avant que la production en série permette d'équiper des avions pour des raids d'envergure, faisant ainsi courir le risque que le système soit détecté avant d'être pleinement opérationnel. Et en effet, un des prototypes est perdu le au cours d'une opération au–dessus de Hanovre. Bien qu'il soit équipé de charges d'autodestruction, les Britanniques ne pouvaient pas être absolument certains que le système ne soit pas analysé par les Allemands[3].

Reginald Victor Jones est alors chargé de dissimuler au maximum l'existence du système. Dans un premier temps, on abandonne le nom de code de « GEE » et on fait circuler de fausses informations sur un système fictif baptisé « Jay ». On espère ainsi que la similitude des deux noms crée une confusion. Des antennes supplémentaires sont ajoutées au système GEE pour émettre de faux signaux non synchronisés. Deux membres de la RAF sont envoyés dans un restaurant pour parler « sans précautions » d'un système Jay qui serait en réalité une copie du système allemand Knickebein. On s'assure également que cette conversation soit rapportée par l'intermédiaire de Double Cross. Enfin, pour compléter le dispositif, de faux signaux Knickebein sont envoyés en direction de l'Allemagne[4].

La ruse semble bien avoir retardé le début du brouillage qui n'est apparu que cinq mois après la mise en service du système[5].

GEE est très sensible au brouillage, il suffit que les Allemands génèrent des impulsions supplémentaires pour le rendre inefficace. En revanche, ce brouillage ne fonctionne qu'au–dessus du territoire allemand car les fausses impulsions doivent être reçues avec la même puissance que les vraies ce qui est impossible en Angleterre où elles apparaissent beaucoup plus faibles et ne synchronisent pas. GEE reste donc parfaitement opérationnel en Grande–Bretagne.

Historique

Gee entre en service en et permet une précision de l'ordre de 150 m à courte distance pouvant aller jusqu'à 1,5 km à longue distance au–dessus de l'Allemagne. À sa portée maximale (environ 650 km) la précision est limitée à 3 km.
Contrairement au système allemand basé sur des faisceaux qui oblige les bombardiers à voler le long d'un faisceau pour atteindre son objectif, Gee émet dans toutes les directions ce qui ne permet pas de connaître la route et la destination des avions, même si les émissions sont repérées. De plus, comme Gee est un système passif — contrairement au radar H2S — il n'y a pas émission d'un signal qui pourrait faire repérer le bombardier par la chasse ennemie. Les récepteurs embarqués portent l'identification ARI 5033 pour le Gee MK. I et ARI 5083 pour le Gee MK. II.

Des bombardiers allemands ont également utilisé le système Gee lors d'attaques sur le Royaume–Uni, l'électronique provenant de récepteurs pris à l'ennemi[6].

Différentes stations

Réseau de l'Est

Le réseau de l'Est est opérationnel depuis le . La station maître est à Daventry dans le Northamptonshire.

Le poste de contrôle est Barkway dans le North Hertfordshire[7],[8].

Autres stations associées

Réseau du Nord

Le réseau du Nord est opérationnel de la fin 1942 à . La station maître et les postes de contrôle sont à Burifa Hill sur Dunnet Head dans le Caithness en Écosse.

Stations esclaves associées

Réseau du Sud–Ouest

  • Station maître : Sharpitor
  • Station esclave B : Worth Matravers
  • Station esclave C : Sennen
  • Station esclave D : Folly
  • Station de contrôle : Trerew[9]

Après la guerre un réseau de stations Gee est inauguré dans le Nord de l'Allemagne. Les stations étaient situées à Winterberg, Ibug, Nordhorn et Uchte.

Plusieurs stations ont vu le jour entre 1955 et 1959 mais elles sont apparues plus comme des leurres que comme des stations réellement opérationnelles.

Références

  • (en) Brian Johnson, The Secret War (La guerre secrète) (BBC, London, Methuen, New York, 1978) p. 84–89.
  • (en) Reginald Victor Jones, 1978, Most Secret War (La guerre très secrète), Hamish Hamilton Ltd, London. (ISBN 0 241 89746 7). Également publié sous le titre The Wizard War: British Scientific Intelligence 1939–1945 (La guerre magique : le service de renseignement scientifique britannique) chez Coward, McCann et Geoghegan, New York.
  • (en) Alfred Price, Instruments of Darkness: The History of Electronic Warfare (Systèmes de l'ombre : histoire de la guerre électronique) (Peninsula, Los Altos, 1977) pp. 98–104.

Notes et références

  1. AMES pour Air Ministry Experimental Station (station expérimentale du ministère de l'air) était le système d'identification des radars par la Royal Air Force pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Document utilisé pour la rédaction de l’article (en) On peut consulter l'article de la Wikipedia anglophone : Air Ministry Experimental Station.
  2. Louis Brown, Technical and Military Imperatives : A Radar History of World War 2, CRC Press, , 580 p. (ISBN 9781420050660, lire en ligne), p. 288.
  3. (en) Jones. p.218
  4. (en) Jones. p.219-221. Jones a noté que tout ceci faisait directement appel à son fort penchant pour la plaisanterie.
  5. (en) Jones. p.221
  6. (en) Jones. p. 397.
  7. (en) Site de Barkway.
  8. (en) Site de Barkway.
  9. (en) Site de la station de Trerew.

Bibliographie

  • (en) Colin Latham et Anne Stobbs, Radar, A Wartime Miracle (Le radar, un miracle en temps de guerre) (Sutton Publishing Ltd, Stroud, Gloucestershire 1996) (ISBN 9780750916431)

Liens externes