Né de parents médecins, juifs et originaires d’Europe centrale, Frank Horvat grandit à Lugano en Suisse où sa famille se réfugie pour fuir le nazisme[3]. Il vivra ensuite en Italie, au Pakistan, en Inde, en Angleterre et en France[4], où il s’installe à la fin des années 1950, tout en se rendant régulièrement aux États-Unis et en voyageant souvent en Europe, en Amérique et en Asie.
Son parcours de photographe est influencé, en 1950, par une rencontre avec Henri Cartier-Bresson, qui le détermine à adopter le Leica et à entreprendre un voyage de deux ans en Asie, en tant que photojournaliste indépendant[5]. Les images en noir et blanc qu'il y réalise lui valent ses premiers succès, notamment la participation à l'exposition « The Family of Man », au Museum of Modern Art de New York.
À partir de 1957, il applique son expérience de reporter à la photographie de mode, avec un style plus réaliste et moins guindé que celui des magazines de l'époque. Ses publications dans Elle, Vogue et Harper's Bazaar, en Europe comme aux États-Unis, influenceront durablement le genre — tout en lui attirant les foudres de Cartier-Bresson, pour qui son mélange de directivité et de non-directivité est « du pastiche ».
Les années entre 1965 et 1975 sont une période de crise pour les magazines d'actualité et leurs photographes. Horvat tente des expériences d'illustration, de cinéma et de vidéo, souvent inabouties. À partir de 1976, il trouve sa « sortie du désert », avec trois essais photographiques entrepris sans commande (« pour une fois, j'ai été mon propre client ») et destinés à des expositions et à des livres. Portraits d'arbres, Vraies Semblances et New York sont trois projets presque simultanés, à la fois divergents et complémentaires. Horvat les considère comme « son triptyque ». Par rapport à l'orthodoxie « cartier-bressonienne », ils représentent cependant une nouvelle transgression — puisque les trois sont en couleur.
Les années 1990 le conduisent à une rupture encore plus radicale, par l'utilisation de l'ordinateur et des manipulations qu'il permet. Dans Le Bestiaire et les Métamorphoses d'Ovide, Frank Horvat explore un territoire entre la photographie et la peinture – une recherche qui suscite autant d'objections que d'acclamations, et que lui-même abandonne par la suite, pour se limiter à des interventions plus subtiles, que seul l'ordinateur permet, mais qui restent dans le registre de l'« instant décisif ». Quoi qu'il en soit, ces expériences sont en avance sur leur temps et aussi innovatrices que l'avait été l'utilisation des techniques du reportage pour la mode.
En 1996, Frank Horvat, changeant encore une fois de sujet, applique les possibilités du numérique à une documentation sur la sculpture romane, publiée en 2000 avec un texte de l'historien Michel Pastoureau.
Ses deux projets suivants, 1999 (le journal photographique d'une année) et La Véronique (les 30 mètres autour de sa maison en Provence), sont considérées par Horvat comme ses contributions plus personnelles à la photographie. Le premier obtient un assez large retentissement, le deuxième reste relativement confidentiel. Dans l'un comme dans l'autre, Horvat explore les mystères et les émerveillements du quotidien, tout à l'opposé de la tendance, très diffuse parmi les photographes, à mettre en exergue le superlatif et l'exceptionnel. Ce sont des œuvres de maturité, caractérisées par une maîtrise technique qui parvient à se faire oublier et par une richesse de références et d'associations d'idées.