Françoise BlancFrançoise Blanc
Françoise Blanc, née le à Vauchelles-les-Quesnoy et morte le à Montpellier[1], est une biologiste française. Elle s'est principalement attachée à montrer l’intérêt de la zoogéographie génétique pour retracer la phylogénie des groupes animaux et pour organiser leur conservation. BiographieJeunesseFrançoise Georgette Germaine Dingeon est née, avec son frère jumeau, Marcel, le 1er octobre 1936, dans la ferme de leurs grands-parents maternels, à Vauchelles-les-Quesnoy près d’Abbeville. Son enfance débute à Friville-Escarbotin où son père, Gervais Dingeon (1908-1967) est instituteur, tandis que sa mère, Reine Saint-Paul (1915-1969), s’occupe de leurs deux enfants. Cette prime enfance prend brutalement fin avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et l’arrivée en Picardie des troupes allemandes. Son père est fait prisonnier et retenu dans l’oflag IV-D, en Poméranie orientale. Les bombardements allemands rasent Abbeville ; Friville-Escarbotin n’est pas épargnée. Sous l’effet de la terreur provoquée par l’arrivée de l’armée allemande, elle connaît, en mai 1940, l’exode qui la jette sur les routes, avec son frère, sa mère et ses grands-parents paternels, dans un cabriolet attelé d’un cheval, jusqu’à Saint-Christophe-de-Valains, en Ille-et-Vilaine. Mitraillée par les avions allemands, elle est séparée de sa famille et momentanément recueillie par des réfugiés belges. Fin août 1944, sa mère est grièvement blessée par une grenade abandonnée par l’armée allemande en retraite. Elle est sauvée grâce au personnel hospitalier de l’armée canadienne dotée de pénicilline. Pendant toutes ces années, Françoise n'est scolarisée que très temporairement. Son grand-père paternel lui apprend à lire et à compter ; 1945 est sa seule année de scolarité primaire, à Saint-Blimont (Somme). À son retour de captivité en mai 1945, son père est nommé professeur au lycée Jean-Baptiste-Say, dans le 16e arrondissement de Paris. Toute la famille quitte alors la Somme, s’installe à Paris et ensuite à Chaville (Yvelines). Le jour de son dixième anniversaire, Françoise entre en 6e au lycée Lamartine à Paris 16e, puis à partir de la 4e au lycée de Versailles où elle réussit le baccalauréat de mathématiques élémentaires en 1954. FormationElle s’inscrit en faculté de sciences naturelles, à l’université de Jussieu ; elle est admise en propédeutique sciences (SPCN) en 1955 et passe, de 1956 à 1958, les quatre certificats de licence ès sciences biologiques et ès sciences géologiques : botanique, géologie, zoologie et physiologie. Elle obtient en 1959 la mention très bien à la soutenance de son DES de physiologie comparée, nécessaire pour le concours d’agrégation ès sciences biologiques auquel elle est reçue en 1961. CarrièreLa même année, elle est nommée Professeur agrégée au lycée de jeunes filles d’Amiens. À la rentrée suivante, elle est détachée, à la suite de sa demande, au ministère de la Coopération et affectée au lycée Galliéni à Tananarive afin d’accompagner son mari, Charles Pierre Blanc (né le 4 août 1933), élève-professeur à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Elle l’a épousé le 27 juillet 1959 et partagea avec lui cinquante-sept années de vie commune. Libéré de ses obligations militaires, il est lui-même nommé, en 1961, assistant au sein de la faculté des sciences de la jeune université de Madagascar. De 1962 à 1965, Françoise Blanc est affectée à l’École Normale de Tananarive. En 1965, un poste d’assistant de biologie est créé à la faculté des sciences de Tananarive ; de 1965 à 1971, elle franchit les grades d’assistante stagiaire à maître-assistante titulaire. Durant son séjour de neuf ans, elle donna naissance à deux enfants : Guillaume, né le 21 mars 1963, et Hélène, née le 9 octobre 1965 ; elle eut par la suite quatre petits-enfants. De 1971 à 1973, Françoise Blanc est rattachée, avec le grade de maître-assistante titulaire, au laboratoire de zoogéographie fondé à Montpellier, par Renaud Paulian au sein de l’université Paul-Valéry. Elle est détachée en 1973 au ministère des Affaires étrangères et affectée dans son grade à la faculté des sciences de Tunis, puis celui de maître de conférences, successivement à l’École normale supérieure de Tunis (1974-1977), et à la faculté de médecine de Tunis (1977-1979). Ce séjour d’une durée réglementaire limitée à six ans lui permet d’étudier une faune herpétologique non insulaire, adaptée à une forte aridité. Elle rejoint ensuite le laboratoire de zoogéographie à l’université Montpellier 3, d’abord comme maître-assistante titulaire (1979-1983) puis comme professeur titulaire de seconde classe en 1983. Statutairement, elle a toujours partagé son temps entre recherche et enseignement, secondaire puis supérieur. Elle prend sa retraite le 31 octobre 1997, à Montferrier-sur-Lez. Sa vie durant, Françoise Blanc est passionnée par les voyages, à la fois par goût personnel et pour enrichir ses connaissances sur des pays d’un intérêt biogéographique particulier pour leur faune et leur flore, qui ont subi l’action de contraintes environnementales notoires. Elle a intensément parcouru les pays où elle a résidé et poursuivi des recherches pendant plusieurs années, comme Madagascar, la Tunisie, la Polynésie française. Elle a visité de nombreux pays, soit pour participer à des colloques (Tennessee, Oklahoma), soit pour répondre à des invitations d’organismes scientifiques dans le cadre de programmes internationaux (États-Unis, Japon, Mexique, Norvège), soit pour récolter des spécimens de laboratoire (île de Margarita et archipel de Los Roques au Venezuela ; divers atolls des cinq archipels de Polynésie française) ou pour dispenser à des étudiants un encadrement scientifique ou pédagogique (Maroc, Mexique). Elle a participé, comme adhérente assidue du Club alpin français (en général avec son mari, lui-même professeur, spécialiste de zoogéographie), à de grands voyages, et en a même organisé parfois quelques-uns, notamment sur des îles et des montagnes, en Patagonie, aux Mascareignes, en Turquie, en Asie Centrale, dans le Pamir, le Tien Shan, le Népal, en Chine, au Vietnam, en Afrique orientale et Afrique du Sud, en Égypte, etc. Thèmes de recherches et résultatsGastéropodes terrestres Prosobranches et Pulmonés
Lors de son séjour à Madagascar, Françoise Blance est sensible à la disparition inéluctable de la faune sous l’action des atteintes aux formations forestières. Dès 1962, par son premier contact avec la réserve naturelle de Périnet, (forêt primaire du versant oriental), elle peut se rendre compte de l'abondance et de la diversité des Gastéropodes. Professeur dans l’enseignement secondaire, elle commence alors une série de collectes dans le but de compléter l’inventaire malacologique et d’initier la réalisation d’une collection de référence pour les étudiants. Ceci l'a conduite à une collaboration active avec le Laboratoire de Malacologie du Muséum national d'histoire naturelle (Edouard Fisher-Piette). Les descriptions de l'anatomie de l'appareil génital et de la morphologie des radulas, qu’elle a effectuées à Tananarive, ont fourni les critères diagnostiques indispensables à une révision systématique. L'importance des récoltes a permis la rédaction de deux volumes de la série « Faune de Madagascar » : Gastéropodes Prosobranches et Pulmonés (respectivement no 80 [1993] et 83 [1994]). L’originalité faunistique de Madagascar a donc initié une première orientation scientifique de Françoise Blanc vers une biogéographie traditionnelle de type descriptif et écologique.
Les nouveaux apports sur la localisation géographique des espèces ont permis de proposer un aperçu du peuplement en mollusques terrestres de Madagascar. Les taux d'endémisme des espèces de plusieurs genres (dont Tropidophora, Helicophanta, Ampelita (en)) ont été déterminés. Les relations entre les localisations des récoltes et les divisions phytogéographiques, ainsi que les affinités de la faune malacologique terrestre de Madagascar ont été évaluées. ReptilesPhylogenèse des Iguanidés malgachesLa présence d’Iguanidés à Madagascar a été qualifiée d’énigme biogéographique car ils ne vivent qu’en Amérique et sur quelques îles très éloignées : Madagascar et la Grande Comore ainsi que quelques îles de l’archipel des Fidji et des Tonga. A Madagascar, ils sont représentés par deux genres et huit espèces. Françoise Blanc a contribué, par des études chromosomiques, sérotaxonomiques et immunochimiques, à l’analyse, par C.P. Blanc, de nombreux caractères morphologiques, anatomiques, éthologiques, etc. Les relations phylogénétiques ont, en partie à l’aide de composantes génétiques, été précisées ainsi que les facteurs probables ayant conduit à leur spéciation. Biologie du développement embryonnaire et postembryonnaire de Furcifer lateralisNos connaissances sur la famille des Chamaeleonidae, un des fleurons de l’herpétofaune malgache, étaient très incomplètes en ce qui concernait notamment leur développement. L’opportunité de pouvoir disposer en abondance d’œufs d’une même espèce ne pouvait être négligée. La possibilité de réaliser la première table de développement morphologique et chronologique d’un caméléon, a été saisie par Françoise Blanc. Cette étude a eu l’intérêt majeur de permettre aussi une analyse immunologique et électrophorétique de la mise en place, au cours du développement embryonnaire, de quelques enzymes, notamment des déshydrogénases, comme l’hypoxanthine-déshydrogénase (HXDH) et la lactic-déshydrogénase (LDH). Pour réaliser ses recherches menées dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat d’État, sur le développement embryologique, morphologique et enzymologique du caméléon des Hauts-Plateaux malgaches, Furcifer lateralis, auparavant appelé Chamaeleo lateralis, Françoise Blanc crée à la Faculté des Sciences de l’Université de Tananarive son premier laboratoire d’électrophorèse. Biosystématique et biogéographie des acanthodactyles (Lacertidae)En 1972-1973, elle met à profit son séjour à l’Université Paul-Valéry pour acquérir, à la Faculté de Médecine de Montpellier, une formation en génétique des populations, au tout début de l'essor de cette discipline. Son intérêt s'est alors déplacé de la biogéographie descriptive vers l'analyse des mécanismes et des facteurs biogéographiques actuels. Affectée en 1974 à la Faculté des Sciences de Tunis, où elle crée son deuxième laboratoire d'électrophorèse, elle choisit comme matériel biologique de petits Lacertidés du groupe Acanthodactylus erythrurus, répandus dans l’arc Afrique du Nord - Espagne méridionale. Son intérêt scientifique est toujours orienté vers les problèmes de biogéographie. Son but est ici d’essayer d’intégrer, au niveau des populations, les données génétiques à celles de l’écogéographie. L’étude réalisée concerne l’analyse de la variation génétique des produits de 17-22 locus chez ces lézards d’Afrique du Nord et d’Espagne. Elle montre l’aide apportée à la systématique par l’outil génétique dans le cas d’espèces dont les critères de diagnose traditionnels sont des critères quantitatifs, à variation continue et à larges chevauchements interspécifiques. Cette aide permet d'évaluer les rôles de la dispersion et de la vicariance dans l'évolution des espèces et les mécanismes de spéciation expliquant l'endémisme et la distribution géographique des espèces du groupe A. erythrurus. Le statut des populations d’Espagne peut être expliqué par des hypothèses biogéographiques. Reptiles diversDans le même contexte, Françoise Blanc a étudié la différenciation génétique des tortues terrestres apparentées à la seule espèce française, la tortue d’Hermann (Testudo hermanni), espèce protégée. Passionnée par ses cours sur la biodiversité, elle a déployé des efforts constants pour compléter les inventaires de la faune des pays où elle exerçait. Elle a publié quelques notes d’observations biologiques ou écologiques sur les reptiles de zones montagneuses, comme le mont Bity, ou insulaires, comme la Polynésie française. Georges Pasteur lui a dédié, en 1995, une espèce nouvelle de Gekkonidés, Lygodactylus blancae[2]. En 1981, sa réintégration à l'université Montpellier 3 (Paul-Valéry), à dominante sciences humaines, lui permet un recentrage de son activité vers l'impact des actions anthropiques sur la diversité génétique des espèces menacées ou gérées (cas des oiseaux-gibier et des huîtres plates et perlières), l'homme étant considéré comme facteur biogéographique. L’objet est ici l’impact des actions anthropiques sur la diversité génétique d’espèces menacées ou à gestion contrôlée. La multiplication de conséquences néfastes, tant pour des raisons économiques que biologiques, conduit à développer activement des projets de recherches bien ciblés et à financement assuré. Les travaux menés ont alors pour but la conservation des ressources génétiques, les évaluations de la structuration génétique et des flux géniques entre les stocks sauvages et les stocks domestiques, et de l'impact des actions de repeuplement et de transfert sur la diversité génétique. Françoise va créer dès 1981, à l'Université de Montpellier 3, son troisième laboratoire d'électrophorèse qu’elle appelle Laboratoire de Zoogéographie Génétique. Ses activités lui ont permis de nouer de multiples relations avec des organismes de recherche français et étrangers, tels les laboratoires d’embryologie expérimentale et fonctionnelle, CNRS et Collège de France, à Nogent-sur-Marne (E. Wolff, Y. Croisille) ; de biologie et génétique évolutives, CNRS, à Gif-sur-Yvette (M.L. Cariou) ; d’anatomie comparée, université Paris 7 (Ch. Devillers). De nombreuses collaborations scientifiques ont été établies, en particulier avec les universités de Brest (M. Le Pennec), Montpellier (N. Pasteur), Paris XI (J.P. Cuif), Lyon (J.P. Gauthier) ; l’INA (K. Wada), l’EPHE (B. et F. Salvat), l’IFREMER (H. Grizel), le CNRS (C. Thiriot), l’ORSTOM [actuel IRD] (A. Intes), l’EVAAM - Établissement pour la valorisation des activités aquacoles et maritimes - et le SMA[Quoi ?] (Tahiti), le CIB - Corporate & Investment Bank - (M. Monteforte). Populations d'oiseaux-gibierCas des populations de perdrix grise, Perdix perdixLa perdrix grise, essentiellement européenne, a une aire de distribution disjointe : en France, à une large extension dans les plaines du Nord, s'opposent des îlots de peuplement discontinus dans la chaîne des Pyrénées (sous-espèce Perdix perdix hispaniensis). Elle a subi une importante réduction de ses effectifs à laquelle on a essayé de remédier par des lâchers de repeuplement. L'originalité des populations de montagne par rapport aux échantillons de Beauce est remarquable. Un marqueur génétique de la population d'élevage est présent dans les échantillons des Pyrénées-Orientales, indiquant la participation à la reproduction du stock sauvage, d'oiseaux d'élevage lâchés dans un but de repeuplement. Ces témoins indiquent donc que certains oiseaux lâchés subsistent après la période de chasse et se reproduisent, altérant par là l'originalité du stock sauvage à laquelle les chasseurs pyrénéens sont pourtant très attachés[3]. Cas des espèces de perdrix rouge, du genre AlectorisLa perdrix rouge Alectoris rufa, espèce européenne, a fait l'objet de repeuplements. Deux types de repeuplement sont pratiqués :
Trois locus diagnostiques entre les deux espèces parentales ont, cependant, été identifiés par Françoise Blanc. Populations de mollusques bivalvesLes espèces de bivalves étudiées sont caractérisées par un niveau général élevé de diversité et un grand nombre d’allèles par locus. La structuration de leurs populations est bien marquée à l’échelle d’archipels (Polynésie française) ou de régions océaniques (Atlantique-Méditerranée) mais peu nette à l’échelle de populations locales. Cas des huîtres plates, Ostrea edulisLes stocks d’huître plate, Ostrea edulis, ont été décimés par deux épizooties dans le secteur Atlantique-Manche. Une part importante du recrutement est caractérisée par une croissance lente en Méditerranée. L'analyse génétique montre que ce lot est constitué par une autre espèce d'huître, Ostrea stentina (en), sans intérêt économique. Les naissains et les jeunes recrues des deux espèces ne peuvent pas être distingués morphologiquement. Toutefois, ces deux espèces sympatriques d'Ostrea se distinguent génétiquement par trois locus diagnostiques[4],[5]. Cas des nacres perlières du genre PinctadaLa stricte inféodation de P. margaritifera aux lagons coralliens rend la distribution de ses populations typiquement insulaire malgré l'immensité de son aire de distribution. On pourrait donc attendre, dans ce type d'espèce, une forte structuration génétique des populations au regard de leur isolement géographique. Une telle structuration rendrait compte de l'existence de morphes différenciées, reconnues traditionnellement, notamment en Polynésie française[6]. Des marqueurs de ces différentes morphes colorées seraient particulièrement utiles. En effet, contrairement aux autres espèces perlières du genre Pinctada, la zone externe du manteau est pigmentée d'un noir intense chez la majorité des individus de P. margaritifera. Quand, par l'activité du greffon, ce pigment est déposé dans les perles, il leur confère une originalité qui fait en grande partie leur valeur[7]. Les peuplements naturels actuels les plus importants de cette espèce se trouvent en Polynésie française. L'isolement géographique de la Polynésie située dans le Pacifique central les a, en effet, protégées de la surexploitation au XIXe siècle. Dans ce territoire formé de plus de 120 atolls ou îles hautes répartis sur une surface grande comme l'Europe, P. margaritifera, vivant uniquement à l'intérieur des lagons, a une distribution qui répond aux impératifs de la biogéographie insulaire : c'est l'espèce de bivalve dominante de quelques atolls (20 environ) alors qu'elle est complètement absente de lagons voisins. Les relations entre trois entités de la super-espèce Pinctada margaritifera ont confirmé la spéciation allopatrique à travers le filtre biologique de la Grande Barrière du Pacifique de Pinctada mazatlanica (en)[8],[9], espèce rencontrée en Basse-Californie. Publications
Notes et références
Liens externes
|