Fils d’un premier commis du ministère de la maison du Roi, Nogaret entre en 1761 dans les mêmes bureaux, et y reste jusqu’au Consulat, cumulant plus tard son emploi avec celui de bibliothécaire de la comtesse d’Artois. Au bout de trente années de services, il obtient, à l’époque de la Révolution, en 1791, une pension de 1 500 francs.
Après avoir dirigé en province des ateliers du salpêtre, il est attaché par le ministre Bénézech au département de l’Intérieur[1] en 1795, et nommé par Lucien Bonaparte seul et unique censeur dramatique. Fouché le destitue en 1807, et sa pension, réduite à 1 200 francs, devient son unique ressource. Il se console d’être pauvre, infirme et oublié, en cultivant les lettres jusqu’à sa mort, il conserve la mémoire, l’esprit et la gaieté, et dans ses dernières années le seul titre dont il semble être jaloux est celui de « doyen de la littérature ».
Né en quelque sorte à la cour, Nogaret a puisé cette légèreté de principes, ce libertinage d’esprit qui caractérisent les hommes de son temps. Il a des connaissances variées, comme le prouvent ses relations avec Buffon, Adanson et Montucla. Il écrit avec aisance sur des sujets frivoles ; son style est assez naturel et quelquefois piquant. Palissot le loue dans ses Mémoires, mais le marquis de Langle l’accuse de ne travailler « que pour ses amis, peu difficiles en fait de goût et de correction ».
Un conte qu'il publie en 1790, Le Miroir des événemens actuels ou la Belle au plus offrant[2], préfigure, tant par son intrigue (une fable d'invention scientifique) que par l'un de ses protagonistes, un inventeur nommé Frankésteïn qui crée un « homme artificiel » (un automate), le chef-d'œuvre de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818), où apparaissent pour la première fois Victor Frankenstein et son monstre[3],[4].
Franc-maçon, il est vénérable maître de la loge Patriotisme. Il a écrit en 1784 le poème Le déluge, mis en musique par le compositeur François Giroust, pour une cérémonie solennelle de la loge, à la mémoire d'un frère défunt dont l'identité ne nous est pas connue[5].
Apologie de mon goût, épître en vers sur l’histoire naturelle, Paris, 1771, VI-45 p.
Le Fond du sac, ou Restant des babioles de M. X.***, membre éveillé de l'Académie des Dormans, Venise, Paris, 1780, 199 p.
L’Arétin français, par un membre de l’Académie des dames, suivi des Épices de Vénus, Londres, 1787 (recueil de dix-neuf poèmes servant de légendes à une suite de gravures illustrant les différentes positions amoureuses dues à Elluin d’après les dessins d’Antoine Borel).
Le Miroir des événemens actuels, ou La Belle au plus offrant, histoire à deux visages, Paris, 1790, XII-75 p. [lire en ligne]
Traduction anglaise : The Mirror of Present Events; or, Beauty to the Highest Bidder, dans Brian Stableford, éd. The Mirror of Present Events [anthologie], Black Coat Press, 2016[7]
Cange, ou Le commissionnaire , trait historique en vers,, Paris, an III [1794], 20 p. [lire en ligne]
Hercule triomphant, ou Le despotisme terrassé, Versailles, 1794, 15 p. [lire en ligne]
Contes et historiettes en prose, Versailles, 1795, 6 parties en 3 volumes.
L’Âme de Timoléon, ou Principes républicains, philosophiques et moraux, auxquels on a joint quelques motifs de chants analogues aux fêtes nationales et décadaires, Paris, an VI [1797], 171 p. [[ lire en ligne]]
Le Danger des extrêmes, essai critique, à l'ordre du jour..., Paris, an VIII [1800], 136 p.
Aristénète au Vaudeville, 1er janvier 1806, Paris, s.d., 40 p.
L’aristénète français, ou Recueil de folies amoureuses, Paris, 1807, 3 tomes en 2 volumes.
Apologues et nouveaux contes en vers, Orléans, 1814, VIII-312 p.
Dernier soupir d’un rimeur de 89 ans, ou Versiculet de Nogaret (Félix), sur la métaphysico-néologo-romanticologie, Paris, 1829, 28 p.
Étincelle d’un feu qui s’éteint. L’œuf frais ou Erato gallina puerpera, fiction nouvelle de Nogaret, contre le coryphée des Ostrogoths, ennemis de la langue et du bon sens (contre Victor Hugo) Paris, 1830, 36 p.
La Femme créée avant l’homme, le Dîner de l’Ours, etc., Paris, 1830, 56 p.
Notes et références
↑Sa fiche dans les archives du personnel de l’Intérieur mentionne : « Chargé de la correspondance avec toutes les administrations sur les fêtes nationales ; l’un des plus féconds chansonniers de la République ; il est chaud comme un jeune homme dès qu’il s’agit de la République ».
↑François-Félix Nogaret, Le Miroir des événemens actuels ou la Belle au plus offrant, Paris, Palais-royal, (lire en ligne).
Julia V. Douthwaite, « La République a-t-elle besoin de savants ? Le jugement des romans », dans Isabelle Brouard-Arends et Laurent Loty, dir., Littérature et engagement pendant la Révolution française, essai polyphonique et iconographique, Presses universitaires de Rennes, , p. 121-139.
(en) Julia V. Douthwaite et Daniel Richter, « The Frankenstein of the French Revolution : Nogaret's Automaton Tale of 1790 », European Romantic Review, vol. 20, no 3, , p. 381–411 (DOI10.1080/10509580902986369, lire en ligne).
Julia V. Douthwaite, « Pour une histoire de la lecture romanesque sous la Révolution » dans Huguette Krief et Jean-Noël Pascal (dir.), Débat et écritures sous la Révolution, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 103-118.
(en) Julia V. Douthwaite, « The Frankenstein of the French Revolution », dans Julia V. Douthwaite, The Frankenstein of 1790 and Other Lost Chapters from Revolutionary France, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, (ISBN9780226160580 et 9780226160634, présentation en ligne), p. 59-97 et notes.
Traduction française : Julia V. Douthwaite (trad. Pierre André et Alexane Bébin), « Le Frankenstein de la Révolution française », dans Julia V. Douthwaite, Le Frankenstein français et la littérature de l'ère révolutionnaire, Paris, Classiques Garnier, coll. « Littérature, histoire, politique » (no 24), (ISBN978-2-8124-4604-7 et 9782812446047, présentation en ligne), p. 89-140.
(en) Jack Eby, « Hercule triomphant, ou Le Despotisme terrassé (1794). A Mythological - Allegorical - Revolutionary Spectacle for the Commune of Versailles », Lumen: Selected Proceedings from the Canadian Society for Eighteenth-Century Studies, vol. 22, , p. 47–66 (ISSN1209-3696 et 1927-8284, DOI10.7202/1012258ar, lire en ligne)
Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie universelle générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, t. 37, Paris, Firmin-Didot frères, 1863, p. 194
Catherine Kawa, « Dictionnaire biographique des employés du ministère de l’intérieur de la première république », dans : Les ronds-de-cuir en Révolution : les employés du Ministère de l’Intérieur pendant la Première République (1792- 1800), Éditions du C.T.H.S.