En topologie, on dit qu’un espace est connexe lorsqu’il est fait « d’une seule pièce ». La question naturelle qui suit est de savoir si tout espace topologique peut être décrit comme la réunion disjointe (dans la catégorie des espaces topologiques) de ses composantes connexes ; en d’autres termes, peut-on considérer que lorsqu’on connait toutes les « pièces » d’un espace topologique, on sait tout de cet espace ? Une condition nécessaire et suffisante pour cela est que toutes les composantes connexes soient ouvertes.
La réponse est donc en général négative. Par exemple, l’ensemble ℚ des nombres rationnels muni de sa topologie usuelle a pour composantes connexes les singletons — on dit alors que ℚ est totalement discontinu. Or une union disjointe (dans la catégorie des espaces topologiques) de singletons est un espace discret donc non homéomorphe à ℚ.
On dit alors qu’un espace topologique est localement connexe lorsqu’il est homéomorphe à l’union disjointe de ses composantes connexes et que cela est vrai aussi de chaque ouvert de cet espace.
Distinguer les espaces grâce à leurs composantes connexes est le stade zéro de la classification des espaces topologiques. De ce point de vue, l’utilisation des espaces localement connexes est motivée par la remarque suivante.
Le foncteurπ0 qui à tout espace topologique associe l’ensemble de ses composantes connexes n’a pas les bonnes propriétés — il ne commute pas à toutes les limites inductives. Il les acquiert si on le restreint à la catégorie des espaces localement connexes.
Définition équivalente
Un espace topologique est dit localement connexe lorsque chacun de ses points admet une base de voisinages connexes.
Propriétés
Un espace X est localement connexe si et seulement si, pour tout ouvert U de X, les composantes connexes de U sont ouvertes[1] (autrement dit : si les ouverts connexes forment une base de la topologie). En particulier, dans un espace localement connexe :
tout ouvert est localement connexe ;
les parties à la fois ouvertes et fermées sont exactement les unions de composantes connexes.
La connexité locale est préservée par homéomorphisme. Ainsi, les variétés sont localement connexes car les espaces affines réels le sont.
Tout produit fini, tout quotient d'espaces localement connexes est encore localement connexe.
Un produit infini d'espaces localement connexes n'est pas toujours localement connexe (penser à {0, 1}ℕ) mais il l'est si tous les facteurs sont, de plus, connexes[2].
Dans ℝ2 muni de sa topologie usuelle, un exemple d'espace connexe qui n'est pas localement connexe est la « courbe sinus du topologue » (figure ci-dessus). Un exemple de même nature est la partie A = ({0}×ℝ)∪(ℝ×ℚ) : tout point de A possède dans A un voisinage connexe (à savoir A lui-même) mais ne possède pas forcément de base de voisinages connexes.
Un autre exemple classique de partie connexe de ℝ2 qui n'est pas localement connexe est le peigne (figure ci-contre). En effet, on peut choisir n'importe quel point non nul localisé sur la dent la plus basse (sur l'image), puis intersecter une boule de rayon suffisamment petit centrée en ce point (afin qu'elle ne touche pas la base du peigne) avec l'ensemble du peigne. Notons cette intersection. On peut montrer que est non connexe, en voyant que chacune des dents du peigne sont toutes ouvertes et disjointes, puis en prenant leur union. Or, est un voisinage du point choisi, donc il doit alors exister un voisinage connexe du système fondamental de voisinages connexes de ce point qui soit inclus dans . Ce voisinage connexe se voit avoir une partie non vide égale à une boule centrée au point choisi initialement, de rayon plus petit que précédemment, et intersectée avec le peigne. Notons cette intersection. Donc elle n'est pas non plus connexe par ce qui précède. On a . De plus il existe deux ouverts non vides disjoints tels que , puis de même . En remarquant que et , et puisque le voisinage connexe est coincé entre et , on peut démontrer alors que cela implique que ce voisinage connexe ne peut être connexe, une contradiction.
La catégorie des espaces localement connexes
La catégorie Locon des espaces localement connexes est une sous-catégorie pleine de la catégorie Top des espaces topologiques. Le foncteur d’inclusion i : Locon → Top est pleinement fidèle et admet un adjoint à droiteL : Top → Locon. On dit alors que Locon est une sous-catégorie coréflexive de Top.
De ce fait, et comme Top est complète et cocomplète, la catégorie Locon est elle aussi complète et cocomplète.
Le foncteur L associe à tout espace topologique X, le même ensemble sous-jacent muni d’une nouvelle topologie, engendrée par les composantes connexes des ouverts de X.
Par exemple, L(ℚ) est l’ensemble des rationnels muni de la topologie discrète.
Grâce à la catégorie Locon, le foncteur π0 admet à présent un adjoint à droite (et préserve donc toutes les limites inductives). C’est le foncteur Δ qui à tout ensemble X associe l’espace topologique ayant comme ensemble sous-jacent X et muni de la topologie discrète.
Note et référence
↑Gustave Choquet, Cours d'analyse, tome II : Topologie, p. 49, proposition 13-13.