Ein Feldlager in SchlesienEin Feldlager in Schlesien
Giacomo Meyerbeer
Représentations notables
Personnages
Airs Wunderbare Gestalten umschweben mich : mélodrame et romance de Vielka au premier acte Ein Feldlager in Schlesien (Le Camp de Silésie) est le douzième opéra de Giacomo Meyerbeer, et le seul qu’il ait composé pour le Théâtre royal de Berlin. Le livret est attribué à Ludwig Rellstab, même s’il s’est contenté de traduire un texte d’Eugène Scribe. La création eut lieu au Théâtre royal de Berlin le , à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle salle de l’opéra de Berlin, la précédente ayant été détruite par un incendie. Compte tenu de ces circonstances, l'ouvrage ne sera jamais représenté ailleurs qu'à Berlin; il sera néanmoins adapté pour la scène viennoise en 1847 sous le titre de Vielka et une partie de la musique sera réutilisée dans l’opéra-comique L’Étoile du Nord qui sera créé en 1854 à Paris. SujetL’opéra raconte comment le roi Frédéric le Grand a pu échapper à ses ennemis au cours de la première guerre de Silésie en 1741, grâce au courage et au dévouement de Saldorf, un capitaine de l’armée prussienne à la retraite, de sa nièce Thérèse, de son fils adoptif Conrad et d’une jeune bohémienne prénommée Vielka. Cette dernière a des dons de voyance et prédit, à la fin de l’œuvre, un destin glorieux au roi Frédéric et à ses successeurs. ArgumentL’action de l’opéra se déroule en Silésie, près de la frontière hongroise, et au Palais de Sanssouci, en 1741. Acte IPlusieurs chaumières, dont celle de Saldorf.
Acte IIUn campement militaire prussien en Silésie.
Acte IIIUne salle du Palais de Sanssouci. Au cours de la bataille remportée par les troupes prussiennes, Conrad a sauvé la vie de Frédéric II. Dans le même temps, le fils de Saldorf (qui est également le fiancé de Thérèse) a été accusé à tort d’être un déserteur et a été arrêté. Conrad est invité au palais de Frédéric II pour recevoir les remerciements personnels du roi. Le jeune homme, accompagné de Vielka, attend d’être reçu. Le jeune couple entend alors une douce mélodie interprétée à la flute.
GenèseDans la nuit du 18 au , l’Opéra royal de Berlin est totalement détruit par un incendie. Deux jours après, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV décide de le reconstruire. Il confie cette tâche à l’architecte Carl Ferdinand Langhans. Meyerbeer, qui est Generalmusikdirektor de l’établissement depuis 1842, se voit confier la composition d’un nouvel opéra pour l’inauguration du bâtiment. À la fin du mois de , Meyerbeer retourne à Paris pour remplir une curieuse mission. Il est en effet convaincu de ne pas pouvoir trouver à Berlin un auteur qui pourra lui fournir un livret satisfaisant. Il est donc décidé à demander à Eugène Scribe, auteur des livrets de ses deux précédents opéras Robert le Diable et Les Huguenots, de lui écrire un texte pour l’occasion. Néanmoins, comme il est exclu qu’un Français puisse participer à l’élaboration d’une cérémonie officielle prussienne, Scribe doit jurer qu’il ne révélera jamais qu’il est le véritable auteur du livret. Dans une lettre à Scribe datée du , Meyerbeer indique le canevas du futur opéra, les contraintes à respecter (Frédéric II ne doit pas apparaître sur scène, tableaux vivants glorifiant la Prusse en guise de final) ainsi que les forces et les faiblesses de la troupe de l’opéra de Berlin. Les négociations ont lieu tout au long du mois de décembre et un contrat est finalement signé le pour la composition d’un opéra-comique intitulé (en français) Le Camp de Silésie. Meyerbeer retourne à Berlin au début du mois de et élabore au cours du mois de mars un calendrier précis afin de pouvoir terminer l’œuvre à temps. Au cours des huit mois suivants, il travaille à la composition de l’opéra, en collaboration avec le poète et critique berlinois Ludwig Rellstab qui traduit en allemand le livret de Scribe. L’entente avec Rellstab n’est pas réellement cordiale, ce dernier étant l’auteur de critiques assassines sur Robert le Diable et Les Huguenots. Leur collaboration sur Ein Feldlager est censée sceller leur réconciliation, arrangée par Franz Liszt au début du mois de . Le , Meyerbeer met un point final à la composition de l’opéra, juste à temps pour les répétitions qui débutent le lendemain. CréationLe compte-rendu de la première par Meyerbeer est particulièrement sec et laconique : « La première de mon opéra Ein Feldlager in Schlesien pour l’ouverture de la nouvelle salle eut lieu le : les trois premières représentations furent interprétées par Leopoldine Tuczek (de), qui a ensuite alterné avec Jenny Lind qui a chanté le rôle de Vielka six fois. Après son départ, Tuczek a encore interprété le rôle trois fois. » Pour Meyerbeer, cet opéra était spécifiquement prussien. Il n’a jamais envisagé qu’il puisse être représenté ailleurs dans le monde et il a refusé que l’œuvre soit publiée. L’opéra est cependant resté relativement populaire à Berlin où il fut donné 67 fois jusqu’au , notamment à l’occasion de manifestations patriotiques. Il n’a été représenté qu’une seule fois au XXe siècle, le , en version de concert. N’ayant pas été publié, l’ouvrage a inspiré très peu d’arrangements et autres variations, contrairement à Robert le Diable ou Les Huguenots. Les plus célèbres furent le Capriccio sur des thèmes du Feldlager in Schlesien pour violon de Henri Vieuxtemps (1846) ainsi que l’ouverture arrangée pour piano par Theodor Kullak, qui a également composé une fantaisie pour piano (1847). Interprètes de la création
AnalyseSelon R.I. Letellier[1], Meyerbeer a été quelque peu embarrassé avec cette commande, dans la mesure où il a toujours été méfiant avec les démonstrations du nationalisme prussien. Déjà en 1814, il avait eu beaucoup de difficultés à composer un opéra célébrant le retour à Berlin des armées prussiennes victorieuses de Napoléon. L’œuvre en question, Das Brandenburger Tor, avait été terminée si tardivement qu’elle n’avait pu être représentée à temps et elle devra attendre 1991 pour être finalement créée à l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur. Lorsqu’on lui commandera un opéra historique sur la Maison de Hohenzollern en 1851 pour célébrer le 150e anniversaire de la monarchie prussienne (Adelheid von Italien), il n’hésitera pas à décliner cette offre (mais il est vrai qu’il n’est plus à cette date le directeur musical de l’Opéra royal). En attendant et malgré ses réticences, Meyerbeer ne peut pas se dérober : il ne sait que trop qu’il ne doit son poste de Generalmusikdirektor qu’à la faveur royale, et que le moindre de ses faux-pas est guetté par ses nombreux adversaires, qui lui reprochent ses succès à Paris (la France étant considérée comme l’ennemie héréditaire de la Prusse) et ses origines juives. Si le livret est qualifié de « modeste » par R.I. Letellier, ce dernier note qu’il n’est cependant pas dénué de subtilité. L’histoire oppose en effet deux univers : le monde paysan de Saldorf d’un côté, mettant en avant les valeurs familiales, la bonté et le mariage et, de l’autre, les militaires qui sont présentés comme violents, imprévisibles, agressifs et destructeurs. L’armée exerce une menace tout au long de l’opéra sur l’univers pastoral et familial de Saldorf, qu’il s’agisse des forces ennemies, comme au premier acte, ou prussiennes (ce qui peut sembler étonnant dans un spectacle censé glorifier la Prusse et ses dirigeants), au cours des deux derniers actes. Si la confrontation entre ces deux mondes antagonistes se résout finalement de façon pacifique, c’est grâce à l’intervention d’un personnage qui se situe à la marge, la bohémienne Vielka. Par son esprit de sacrifice et ses pouvoirs surnaturels, elle va réussir à sauver successivement son village et le roi dans le premier acte, Saldorf dans le deuxième et toute sa famille adoptive dans le troisième. R.I. Letellier insiste sur le fait que Meyerbeer n’a pu être que séduit par le rôle ambigu que joue l’armée prussienne dans le livret, de même qu’il a dû particulièrement aimer que le sauveur appartienne à une minorité (Vielka est non seulement une femme, mais aussi une bohémienne, une étrangère qui croit à des forces surnaturelles), lui-même ayant toujours eu à souffrir de ses origines juives. Finalement, le livret semble mettre au premier rang les valeurs de générosité et de sacrifice bien plus que celles de patriotisme et de nationalisme. J. Jackson[2] rapporte d’ailleurs qu’une partie de la critique reprocha à la création de l’ouvrage que Frédéric II soit sauvé par une bohémienne plutôt que par des vrais Prussiens. R.I. Letellier observe que cet affrontement entre ces deux mondes se traduit tout naturellement dans la musique de Meyerbeer. Les premier et troisième actes, qui sont centrés sur le monde campagnard et la famille de Saldorf, sont caractérisés par un style musical appartenant au singspiel et à l’opéra-comique. L’atmosphère est essentiellement douce et pacifique, la musique simple et directe. Le deuxième acte, qui se déroule dans le campement militaire prussien, fait appel à un style musical très différent : le grandiose des grands opéras à la française, avec chœurs éclatants et orchestration oppulente, est convoqué pour suggérer le bruit et la fureur du monde militaire en temps de guerre. Le personnage de Vielka se distingue musicalement de tous les autres puisque c’est à lui que sont confiés les morceaux les plus raffinés et virtuoses, qui ne dépareraient pas dans un opera seria ou dans le Grand opéra. Epoque contemporaineL'ouvrage a fait l'objet d'une exécution en concert à Berlin le 18 février 1984, d'une durée d'environ 1h30, et comportant d'importantes coupures (notamment les dialogues parlés). L’œuvre a également été donnée en version scénique au Theater Bonn (3 représentations effectives, les quatre premières ayant été annulées pour cause de COVID). Cette édition, qui comporte également quelques coupures (ouverture écourtée et partiellement déplacée, dialogues partiellement repris par un récitant, tableaux finals...) inclut un air alternatif pour Therese ainsi qu'un trio Tronk, Vielka, Conrad, coupé avant la première de 1844. Selon le musicologue Volker Tosta, auteur de l'édition critique de l'ouvrage, la version de Bonn correspond à une seconde version de la fin de l'acte III : celle d'origine comprenait 9 tableaux-vivants (Traumbilder), mais ces tableaux furent ultérieurement coupés n'ayant plus la même nécessité politique hors de la présence du souverain. La version de la reprise bonnoise dure 2h54. Bibliographie
Notes et références
Articles connexesLiens externes
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