Dossier vert

Le dossier vert est un ensemble de documents et directives élaborés pour le responsable du Vierjahresplan (plan quadriennal dans l'Allemagne nazie), le Reichsmarschall Hermann Goering, dans le cadre des préparatifs militaires d'invasion de l'Union soviétique, par le Wirtschaftsführungsstab Ost (Bureau de la direction économique de l'Est, connu également comme le Bureau Oldenburg). Ces directives sont entrées en vigueur le , sous leur dénomination officielle : « Directives pour la gestion de l'économie ( dossier vert ), Partie I, les tâches et l'organisation de l'économie ». Plus tard paraît également une seconde partie. Le dossier vert connaît pendant la Seconde Guerre mondiale une large diffusion en Allemagne.

En complément de ce dossier vert, un dossier rouge du bureau de l'armement de l'OKW, un dossier jaune du bureau de la direction économique de l'Est destiné aux responsables de l'agriculture, un dossier bleu documentaire et un dossier brun du ministère des Territoires occupés de l'Est sont élaborés[1].

Planification

Les préparatifs d'une future mise en valeur économique des territoires occupés à l'Est débutent dès l'été 1940. Le bureau économique de l'Est et le bureau d'Alfred Rosenberg, chargé de la centralisation des questions de l'Europe orientale en proposent une première esquisse le . Ces bureaux planifient le pillage et la colonisation du territoire de l'Union soviétique.

La direction de ces opérations échoit en au bureau économique de l'Est, sous l'autorité de Goering et de son représentant, le secrétaire d'État Paul Körner (Bureau du chargé de mission au plan quadriennal). Herbert Backe du ministère de l'Alimentation, le secrétaire d'État Hermann von Hanneken du ministère de l'Économie, le secrétaire d'État Friedrich Alpers du Reichsforstamt, Robert Ley du Deutsche Arbeitsfront et le général Georg Thomas en font partie.

Le , lors d'une discussion entre le général Georg Thomas et les secrétaires d'État, un premier mémorandum est rédigé. Il pronostique que, lors de la mise en place du pillage des ressources au bénéfice de l'économie de guerre  « plusieurs dizaines de millions de personnes » périront de faim. Ces réflexions et instructions aboutissent aux « Directives de politique économique » du , puis au « dossier vert » du [2]. Ces trois documents forment le socle d'un Hungerplan (plan de la faim) visant à éliminer jusqu'à 30 millions de soviétiques[3].

Réalisations

La section « Objectifs économiques » du dossier vert est actualisée en . Elle prévoit que : « I. En vertu des ordres du Führer, il convient de prendre toutes mesures nécessaires pour exploiter immédiatement et complètement les régions occupées au bénéfice de l'Allemagne. Les mesures qui risqueraient de menacer cet objectif doivent être abandonnées. (...) Le but est de procurer à l'Allemagne le plus de nourriture et de pétrole possible »[4]. Ces directives sont, selon le directeur scientifique de l'institut de recherche en histoire militaire, Hans-Erich Volkmann, principalement l'œuvre de Herbert Backe et de son directeur de cabinet Hans-Joachim Riecke[5].

Il est prévu que la Wehrmacht puisse être approvisionnée à partir des territoires occupés, et que leur surplus en ressources alimentaires et en matières premières soit livré à l'Allemagne ; les parties européennes de l'URSS pourraient accéder au statut de colonies, et les régions septentrionales, déficitaires en produits agricoles, devraient être hermétiquement coupées des régions méridionales excédentaires. « De là suivra le décès, tant de l'industrie que d'une grande partie de la population de ces régions déficitaires », constate-t-on franchement dans les documents du . Le dossier vert se distingue relativement de ces directives de Backe car il prévoit le travail forcé de ces populations et une certaine mise en valeur des sites industriels, car « il ne s'agit pas de renoncer tout à fait à utiliser les capacités industrielles du Nord, par exemple de Léningrad »[6]

Les céréales, le bétail et l'huile devaient être transférés en Allemagne. On prévoit également de déplacer la flotte de pêche de la mer Blanche en Norvège occupée, afin de générer de nouvelles ressources pour l'Allemagne. Les régions méridionales seraient ainsi exploitées selon les règles d'une économie de plantation. Le , Göring obtient d'Adolf Hitler les pleins pouvoirs extraordinaires pour l'exécution de ce programme de pillage et de colonisation de l'URSS.

Utilisation à Nuremberg

Lors du procès de Nuremberg, Hermann Göring est condamné pour crime de guerre sur le fondement de sa responsabilité dans l'élaboration du dossier vert, caractéristique des crimes prémédités de pillage et de réduction au travail forcé. La décision de Göring de détourner les ressources alimentaires au profit de la Wehrmacht et de la population allemande, décision qui cause la mort par famine de millions de personnes dans les territoires occupés, est explicitement retenue pour motiver le verdict de condamnation à mort de Göring[7].

Bibliographie

  • Dietrich Eichholtz: Geschichte der deutschen Kriegswirtschaft 1939–1945. Band 1. (= Nachdr. der Ausg. Berlin, Akademie-Verlag, 1969–1996, erg. durch ein Vorwort und Gesamtregister) K.G. Saur Verlag, München 1999, (ISBN 3-598-11428-1).
  • Fall Barbarossa. Dokumente zur Vorbereitung der faschistischen Wehrmacht auf die Aggression gegen die Sowjetunion (1940/41). Ausgewählt u. eingeleitet v. Erhard Moritz. Militärverlag der Deutschen Demokratischen Republik, Berlin 1970, S. 363–399 (dort vollständiger Abdruck der Richtlinien für die Führung der Wirtschaft in den neubesetzten Ostgebieten (Grüne Mappe), Teil I: Aufgaben und Organisation der Wirtschaft. Berlin, Juni 1941).
  • Rolf-Dieter Müller (Hrsg.): Die deutsche Wirtschaftspolitik in den besetzten sowjetischen Gebieten 1941–1945. Der Abschlussbericht des Wirtschaftsstabes Ost und Aufzeichnungen eines Angehörigen des Wirtschaftskommandos Kiew. Deutsche Geschichtsquellen des 19. und 20. Jahrhunderts, Band 57. Boppard am Rhein 1991, (ISBN 3-7646-1905-8).
  • Der Prozess gegen die Hauptkriegsverbrecher vor dem Internationalen Militärgerichtshof, Nürnberg, 14. November 1945 bis 1. Oktober 1946, Bd. 28, Nürnberg 1948, S. 3 –26 (= Dok. PS-1743: Richtlinien für die Führung der Wirtschaft in den neubesetzten Ostgebieten (Grüne Mappe), Teil I: Aufgaben und Organisation der Wirtschaft. Berlin, Juni 1941; Abdruck in gekürzter Fassung).

Références

  1. (de) Rolf-Dieter Müller, Die deutsche Wirtschaftspolitik in den besetzten sowjetischen Gebieten 1941–1945, Boppard am Rhein, , p. 21,35.
  2. (de) Andreas Zellhuber, Unsere Verwaltung treibt einer Katastrophe zu … Das Reichsministerium für die besetzten Ostgebiete und die deutsche Besatzungsherrschaft in der Sowjetunion 1941–1945, Munich, Vögel, , 414 p. (ISBN 3-89650-213-1), p. 78
  3. (de) Wigbert Benz, Der Hungerplan im „Unternehmen Barbarossa“ 1941, Berlin, wvb, (ISBN 978-3-86573-613-0), p. 29-47
  4. (de) Doc. PS-1743, in : Der Prozess gegen die Hauptkriegsverbrecher vor dem Internationalen Militärgerichtshof, Nürnberg, 14. November 1945 bis 1. Oktober 1946 (IMG), Nuremberg, , p. 3
  5. (de) Hans-Erich Volkmann, Landwirtschaft und Ernährung in Hitlers Europa 1939–1945. Ökonomie und Expansion. Grundzüge der NS-Wirtschaftspolitik. Ausgewählte Schriften von Hans-Erich Volkmann. Im Auftrag des Militärgeschichtlichen Forschungsamtes, Munich, Oldenbourg, , 446 p. (ISBN 3-486-56714-4), p. 411
  6. (de) Dietrich Eichholtz, Geschichte der deutschen Kriegswirtschaft 1939–1945, p. 243
  7. (de) Wigbert Benz, Der Hungerplan im „Unternehmen Barbarossa“ 1941, Berlin, wvb, (ISBN 978-3-86573-613-0), p. 54

Liens externes