Soient R et S des anneaux commutatifs et φ : R → S un morphisme en anneau. Un cas fréquent est R un corps et S une algèbre sur R (comme l'anneau de coordonnées d'une variété affine). Les différentielles de Kähler formalisent le fait que les dérivées de polynômes sont à nouveau des polynômiales. En ce sens, la différenciation est une notion qui peut s’exprimer en termes purement algébriques. On peut définir ces différentielles de manières différentes mais équivalentes.
À l'aide de dérivation
Une dérivationR-linéaire sur S est un morphisme de R-modules satisfaisant la règle de Leibniz (il résulte de cette définition que l'image de R est dans le noyau de d[1]). Le module des différentielles de Kähler derelativement àR est le S-module pour lequel il existe une dérivation universelle et satisfait la propriété universelle suivante : pour tout S-module M, on a un isomorphisme de S-modules
On décrit ΩS/R et d en prenant un S-module libre généré par les symboles ds pour chaque s dans S, et en imposant les relations
dr = 0,
d(s + t) = ds + dt,
d(st) = sdt + tds,
pour tout r dans R et tous s et t dans S. La dérivation universelle envoie s sur ds. Les relations impliquent que la dérivation universelle est un morphisme de R-modules.
À l'aide de l’idéal d’augmentation
On peut voir les différentielles de Kähler différemment. Soit I l'idéal du produit tensoriel défini comme le noyau du morphisme
Alors le module des différentielles de Kähler peut être défini de manière équivalente par
et la dérivation universelle est le morphisme d défini par
Cette construction est équivalente à la précédente car I s'identifie au noyau de la projection
Ainsi :
Et peut être identifié à I par l'application induite
Ceci identifie I avec le S-module généré par les générateurs formels ds pour s dans S, à condition que d soit un morphisme de R-modules qui est nul sur R. Prendre le quotient par I2 impose la règle de Leibniz.
Propriétés et exemples
Pour tout anneau commutatif R, le module des différentielles de Kähler de l'anneau polynomial est un S -module libre de rang n généré par les différentielles des variables :
Les différentielles de Kähler sont compatibles à l'extension des scalaires, dans le sens où pour une R-algèbre R′ et , il existe un isomorphisme
Par conséquent, les différentielles de Kähler sont compatibles à la localisation : si W est un ensemble multiplicatif de S, alors il existe un isomorphisme
Étant donné deux homomorphismes d'anneaux , il existe une suite exacte courte de T-modules
Si avec I un idéal, le terme s'annule et la suite peut être prolongée à gauche comme suit :
Une généralisation de ces suites exactes est fournie par le complexe cotangent.
Cette dernière suite et le calcul ci-dessus dans le cas d'un anneau polynomial permettent le calcul des différentielles de Kähler des R-algèbres de type fini . Par exemple, pour un polynôme en un variable,
Différentielles de Kähler de schémas
Les différentielles de Kähler étant compatibles à la localisation, elles peuvent être construites sur un schéma affine via l'une ou l'autre des deux définitions ci-dessus, et sur un schéma par recollement. Cependant, la deuxième définition a une interprétation géométrique plus claire. Dans cette interprétation, I représente l'idéal définissant la diagonale dans le produit fibré de Spec(S) avec lui-même sur Spec(S) → Spec(R). De plus, elle s’étend à un morphisme général des schémas en définissant l'idéal diagonal dans le produit fibré . Le faisceau cotangent, muni de la dérivation défini de manière analogue, est vérifie la propriété universelle sur les -dérivations linéaires de -modules. Si U est un ouvert affine de X dont l'image dans Y est contenue dans un ouvert affine V, alors le faisceau cotangent se restreint à un faisceau sur U qui est également universel. Il s'agit donc du faisceau associé au module de différentiels de Kähler pour les anneaux sous-jacents à U et V.
Les suites exactes courtes se généralisent aux morphismes de schémas. Soient et deux morphismes de schémas, on a la suite exacte de faisceaux sur
Si est un sous-schéma fermé donné par le faisceau d'idéaux , alors et on a la suite exacte :
(en) Alexander Grothendieck, Dix Exposés sur la Cohomologie des Schémas, vol. 3, Amsterdam, North-Holland, coll. « Advanced studies in pure mathematics », , 306–358 p. (MR0269663, lire en ligne), « Crystals and the de Rham cohomology of schemes »