Cultures et pouvoir dans la Caraïbe (1975) Léonora : l'histoire enfouie de la Guadeloupe (1985) Grand'mère, ça commence où la route de l'esclave ? (1998)
Dany Bébel-Gisler, née le à Pointe-à-Pitre et morte le au Lamentin[1], est une sociologue et linguistefrançaise, chercheuse au CNRS. Elle a été l'une des premières linguistes à défendre la préservation et l'enseignement des langues créoles. Son rôle a été essentiel dans le développement de la Route de l'Esclave de l'UNESCO. Elle a publié plusieurs romans et livres pour enfants sur la culture guadeloupéenne.
Biographie
La famille de son père possédait une plantation de canne à sucre et sa mère était une métisse qui y travaillait comme travailleuse agricole. Elle fut encouragée à partir en France métropolitaine pour poursuivre ses études, s'inscrivant en classe préparatoire à Toulouse avant d'entrer à l'École Normale Supérieure.
Bébel-Gisler commence à travailler à Nanterre et à Aubervilliers tout en finissant ses études supérieures, enseignant aux immigrés et aux étudiants de la classe ouvrière. Elle dirigea notamment un programme d'alphabétisation pour les immigrés africains et algériens.
En 1975, elle publie avec Laënnec Hurbon(en) Laënnec Hurbon Cultures et pouvoir dans la Caraïbe : c'est le premier ouvrage de "sciences humaines" traitant de sujets savants en créole antillais[2].
En 1976, elle retourne en Guadeloupe avec le but de lancer une expérience d'enseignement pour les ruraux établis autour de Lamentin, ciblant particulièrement les adultes non-francophones. Elle publie la même année La Langue créole, force jugulée (The Creole language, forced suppression), qui évalue le système éducatif français, qui plaçait les enfants immigrés non-francophones dans des classes de mise à niveau. Les retirer des classes les faisait se sentir inférieurs et avait un impact sur leur éducation à plus long terme, et finalement sur leurs chances d'obtenir un emploi. La langue passait ainsi d'un médium permettant aux gens de communiquer à une manière de maintenir des barrières sociales.
En 1979, elle fonde le centre alternatif Centre d'Education Populaire Bwadoubout [3],[4], pour favoriser l'alphabétisation des enfants et des adultes défavorisés, qui étaient désavantagés par l'enseignement formel uniquement réalisé en français. Elle dirige le centre et reçoit un financement du Centre National de la Recherche Scientifique, même si, en pratique, son travail à Bwadoubout contrevient aux objectifs gouvernementaux d'assimilation. En refusant d'utiliser le français, les Guadeloupéens créent une distinction entre eux-mêmes, les Français d'origine métropolitaine et les autres iles des Antilles, rejetant ainsi l'assimilation.
En plus de ses efforts éducatifs, Bébel-Gisler commence à publier des romans. En 1985, son roman biographique Lénora: l’histoire enfouie de la Guadeloupe décrit la période entre 1940 et 1943, quand le gouverneur Constant Sorin [fr] mit en place des politiques pour prévenir toute occupation britannique ou américaine de la Guadeloupe et la Martinique. En 2000, elle publie À la recherche d’une odeur de grand’mère; D’en Guadeloupe une « enfant de la Dass » raconte… Le livre raconte comment les plantations de canne à sucre modèlent non seulement le paysage mais aussi les personnes y travaillant, supplantant les liens familiaux en modifiant les relations entre homes et femmes, et parents et enfants. Il explore des thèmes importants dans la société Guadeloupéenne, où le patriarcat et la matrifocalité s'affrontent.
Elle œuvre pour que les Antilles intègrent le projet La Route de l'esclave[5] et, en 1996, elle est mise à disposition de l'UNESCO en tant que responsable-coordonnateur du Comité pour les Antilles[6]. En 1998, Dany Bébel-Gisler publie Grand'mère, ça commence où la route de l'esclave?. Depuis, ce livre fait partie des livres de référence dans les programmes de l'école primaire au cycle 3[7].
Dany Bébel-Gisler décède le , des suites d'un infarctus[8], à l'âge de 68 ans, sans avoir pu terminer l'élaboration du numéro deux de La route de l'esclave[5].
Œuvres
Essais
Cultures et pouvoir dans la Caraïbe : langue créole, vaudou, sectes religieuses en Guadeloupe et en Haïti (co-auteur : Laënnec Hurbon), L'Harmattan, (OCLC2964377)
La langue créole, force jugulée : étude socio-linguistique des rapports de force entre le créole et le français aux Antilles, Paris: L'Harmattan, (OCLC3360060)
Les enfants de la Guadeloupe, Paris: L'Harmattan, (OCLC14819348)
Le défi culturel guadeloupéen : devenir ce que nous sommes, Editions caribéennes, coll. « Kòd yanm », (OCLC21401547)
Livres Jeunesse
Grand'mère, ça commence où la route de l'esclave? (ill. Michèle Chomereau-Lamotte), Pointe-à-Pitre, Editions Jasor, (OCLC42601051)
Grand-mère, pourquoi Sundari est venue en Guadeloupe ? : l'arrivée des premiers Indiens en Guadeloupe (ill. Michèle Chomereau-Lamotte), Pointe-à-Pitre, Editions Jasor, (OCLC469545513)
Récits
Léonora : l'histoire enfouie de la Guadeloupe, Seghers, coll. « Mémoire vive », (OCLC14818684) Trad. en anglais (États-Unis) par A. Leskes pour la collection CARAF Books, édité sous le titre Leonora: The Buried Story of Guadeloupe aux presses de l'université de Virginie en 1994. (ISBN0-8139-1518-X)
À la recherche d'une odeur de grand'mère; D'en Guadeloupe une "enfant de la Dass" raconte..., Pointe-à-Pitre, Editions Jasor, (OCLC51209205)
Langue, enseignement, colonisation (co-auteurs : Antoine Culioli; Pierre Bourdieu ;Université de Paris (1896-1968). Faculté des lettres et sciences humaines), , Thèse Doctorat : Sociolinguistique (OCLC493078552)
(gcf) Kèk prinsip pou ekri kreyol (Méthodes d'apprentissage), Paris : C.N.R.S., RCP 396, (OCLC25379582)
Corps, langage, pouvoir. : Une expérience d'alphabétisation en Guadeloupe (Actes de la Recherche en Sciences Sociales Paris), France : Maison des Sciences de L'Homme, (OCLC820405845)[9]
Corps, langage, pouvoir. : lieux et enjeux dans les luttes de libération nationale en Guadeloupe, Persée, (OCLC815973855)
Livre d'or de la femme créole. Vol. 4, Pointe-à-Pitre: Raphy Diffusion, , « Nourrir ses enfants, une quête incessante depuis l'esclavage »[10]
Le Passé inachevé de l'esclavage : l'héritage culturel africain dans le réel, l'inconscient et l'imaginaire social guadeloupéen [« The Incomplete past of slavery: the African heritage in the social reality, subconsciousness and imagination of Guadeloupe »], Paris, UNESCO; New York, Berghahn Books, [11]
Hommages et Revues, Articles consacrés à ses œuvres
Anne Malena, En anglais, Léonora parle-t-elle encore et à qui?, Association canadienne de traductologie Érudit, , article (OCLC748575214)
Barbro Lukacs Kelley, "The Poetics of Nationalism in Dany Bébel-Gisler's Leonora", Revista Mexicana del Caribe (Quintana Roo), t. 6, 1998, p. 208-230.