Démocratie délibérative

Appel à l'instauration d'une démocratie délibérative

L'idée principale de la démocratie délibérative, inspirée par les théories de John Rawls et de Jürgen Habermas, est qu'une décision politique est réellement légitime lorsqu’elle procède de la délibération publique de citoyens égaux. Par rapport à la démocratie participative, elle met l’accent sur l’exigence de débats argumentés entre les citoyens.

La démocratie délibérative est de plus en plus utilisée comme complément à la démocratie représentative. Comme exemples récents d'application de la démocratie délibérative, citons la Convention constitutionnelle irlandaise (ICC), les commissions délibératives (Belgique) ou encore la Convention citoyenne pour le climat (France).

Un exemple plus ancien est celui des caucus organisés aux États-Unis pour désigner les candidats aux présidentielles dans certains États comme l'Iowa, par opposition à une simple primaire où le vote a lieu sans délibération.

Principe

L’échange discursif entre les citoyens doit permettre de faire partager des conceptions du bien commun différentes et de faire ainsi entrer en jeu le pluralisme inhérent aux sociétés contemporaines. Aussi, l’échange d’arguments raisonnés et capables de convaincre les autres est censé apporter un gain de rationalité à la prise de décision finale. En effet, les préférences des citoyens peuvent à travers la discussion s’affirmer ou se modifier selon les arguments avancés. Les préférences deviennent réfléchies, à la fois dans le sens où elles sont exprimées devant d’autres citoyens qui par la possibilité d’y répondre par oui ou par non les renvoient à leurs premiers émetteurs, et encore, par cet effort collectif de réflexion qui assure la réflexion personnelle du citoyen lui-même.

Selon Hervé Pourtois, la condition d'argumentation, c'est-à-dire le processus qui vise à choisir le meilleur argument en faveur d'une thèse, et la condition de participation, qui permet de faire reconnaître différents points de vue moraux sur une question, sont essentielles à l'idéal de la démocratie délibérative. En effet, pour lui, l’origine des désaccords vient moins des différences de valeurs entre membres du groupe que des différences de signification des pratiques sociales. Sur ce point il se place d’ailleurs en désaccord avec John Rawls.

Qualité de la délibération

La multiplication des recherches empiriques sur la délibération depuis le début des années 2000, portant notamment sur ses conditions procédurales, a conduit à s’intéresser aux travaux de psychologie sociale sur la dynamique des groupes. Selon Julien Talpin, « des effets de domination symbolique sont ainsi mis en avant, les groupes pouvant se polariser, s’orientant vers l’opinion initialement majoritaire dans le groupe » [1].

Propositions politiques

En 2004, Bruce Ackerman et James S. Fishkin (en) publient Deliberation Day, ouvrage dans lequel ils proposent l'instauration d'une journée dédiée à des réunions de délibération à travers tout le pays, lors de chaque processus électoral national. Le livre est publié en français en 2024 sous le titre Éveiller la raison publique, pour une journée de la délibération.

Bibliographie

  • Loïc Blondiaux, « Prendre au sérieux l'idéal délibératif », Revue suisse de science politique, 2004.
  • Alban Bouvier, « Démocratie délibérative, démocratie débattante, démocratie participative », Revue européenne des sciences sociales (Cahiers Vilfredo-Pareto), numéro 136, 2007.
  • La Démocratie délibérative. Anthologie de textes fondamentaux, recueil édité par Charles Girard et Alice Le Goff, collection « L'Avocat du Diable », Éditions Hermann, 2010.
  • Julien Talpin, « Qualité de la délibération », in I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation. Accès libre, sur dicopart.fr, (consulté le )

Notes et références

Liens internes

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