Controverses autour de la shehitaLes controverses autour de la shehita ont commencé au XIXe siècle. Certaines relèvent des aspects légaux de l'abattage rituel en général et sont le fait d'associations pour les droits des animaux. D'autres sont spécifiques à la shehita et motivées par des sentiments antisémites. La lutte pour la conservation de la shehita fait à ce titre partie de l'histoire juive contemporaine. Les critiques généralement formulées à l'encontre de la shehita la présentent comme un mode d'abattage inhumain et cruel. Plus spécifiquement :
Actuellement, nombre d'adversaires de la shehita se joignent aux défenseurs des animaux pour exiger que l'abattage soit précédé d'un étourdissement. Or, celui-ci invalide l'abattage selon les critères de la Loi juive[1]. HistoriquePosition des défenseurs de la shehitaLe respect de l’animal dans la tradition juive[2]Les exigences de respecter la dignité des animaux, de leur vivant et jusqu’après leur mort et de limiter au mieux leur souffrance et leur stress au moment de leur mise à mort apparaissent à de nombreuses reprises dans la Torah et sous la plume des commentateurs, par exemple : Comment le cahier des charges technique de la shehita vise à minimiser les souffrances de l'animalLes règles techniques de la shehita constituent un véritable cahier des charges. L'incision : les règles de l'incision sont très précises. Pour que, si possible, l'animal soit mort avant d'avoir pu souffrir, l’incision doit être effectuée avec un instrument extrêmement tranchant et en parfait état. Le couteau (halef) est en acier, sa longueur est égale à deux fois la largeur du cou de l'animal, pour pouvoir pratiquer l'incision sans interruption ; il n’est pas pointu, pour ne pas risquer de perforer la peau au lieu d’inciser. Avant chaque saignée, il faut faire l’épreuve du couteau sur le fil et sur chaque face du fil en passant l’ongle et la pulpe du doigt. Le tranchant doit être parfait. Tout défaut, même de la taille d'un cheveu, rend le couteau inutilisable. Toute erreur, toute déviation par rapport au geste idéal qui risquerait de faire souffrir l’animal- disqualifie la shehita. Cette rigueur dans l'acte de la shehita a pour motivation principale la rapidité d'exécution et la diminution maximum de la souffrance de l'animal[3],[4],[5],[6],[7]. Elle permet aussi d’obtenir la saignée la plus complète possible. L’inspection : aussitôt après l’incision, le shohet examine la carcasse et les organes internes de l’animal abattu. Toute anomalie, incluant les poumons et la plèvre, peut révéler de mauvaises conditions de vie, d’élevage ou de transport[8] et rend l’animal non cacher. Même si la blessure n’est pas discernée avant l’abattage, l’animal ne peut être consommé par ceux qui pratiquent la religion juive et mangent cacher. C’est un critère supplémentaire imposant de prendre en compte le bien-être animal[9]. Note sur le prix de la viande cacher: son prix est plus élevé car il faut tenir compte de la présence d'un opérateur hautement qualifié (la formation des opérateurs est un point critique dans les abattoirs), des cadences plus faibles et d'une manutention plus complexe (séparation des parties cacher et non cacher, renvoi dans le circuit général des animaux n'ayant pas été abattus selon le cahier des charges). Comment évaluer la douleur de l’animal pendant l’abattage ?Il n’est pas aisé d’évaluer la souffrance d’un animal. L’absence de mouvements de la bête peut être due à une paralysie sans perte de conscience. À l’inverse, un saignement violent et rapide, des mouvements d’origine réflexe et souvent désordonnés, pour impressionnants qu’ils soient, ne signifient pas que l’animal soit conscient ou ressente une douleur. Les scientifiques ont donc eu recours à des critères physiologiques, physicochimiques et chimiques. De nombreuses mesures ont été effectuées sur des bovins et des ovins : notamment les électroencéphalogrammes, mais aussi catécholamines, fréquence cardiaque, pression artérielle, perfusion tissulaire périphérique, température cutanée ou oculaire, température centrale, fréquence respiratoire, diamètre pupillaire, sudation, système nerveux autonome et glycémie. Selon certaines études, au moment de l’incision, le taux d’adrénaline sanguin et la glycémie, paramètres chimiques augmentant lors du stress, seraient moins élevés chez les animaux abattus selon la shehita que chez des animaux abattus selon d’autres procédés[4],[5]. Une étude effectuée sur des bovins[6] montre que l’électroencéphalogramme (EEG) avant et immédiatement après l’incision de la shehita est identique ; on ne détecte aucune modification du tracé témoignant d’une quelconque douleur liée à l’incision. Lors d’un abattage avec étourdissement préalable, il y a au contraire, au moment de l’incision, une augmentation systématique de l’activité cérébrale, apparente sur l’EEG. Par la suite, en 4 à 10 secondes après la shehita, un état d’inconscience est détecté à l’EEG. En 13 à 23 secondes, l’EEG est plat. Au contraire, lors d’un abattage après étourdissement, l’EEG plat n’est atteint que plus lentement[6]. Cette différence s'explique par les effets de la shehita sur l’organisme, qui ont été étudiés par des physiologistes. Plusieurs facteurs indiquent que la shehita provoque une anoxie (manque d’oxygène) très rapide des cellules nerveuses du cerveau[10] ; le cortex, centre de la douleur, cesse donc de fonctionner. La polémique sur les travaux scientifiques récentsLa shehita ayant été le mode d'abattage le plus contesté, elle a eu le privilège d'être le plus étudié par les scientifiques depuis un siècle. Mais pour évaluer la douleur animale pendant la shehita, encore faut-il se baser sur des études appliquant rigoureusement le protocole technique de la shehita (personnel hautement qualifié, instrument et incision optimisées). En 2010, la polémique bat son plein. En effet des travaux néo-zélandais récents sur la douleur animale pendant l’égorgement ont conclu que la technique de la shehita ne réduisait pas la douleur animale[11]. En février 2010, Temple Grandin, professeur en zootechnie de l'Université du Colorado, a remis en cause les protocoles et, par conséquent, les conclusions de ces études néo-zélandaises[12]. En se référant notamment à ces études menées en 2009 en Nouvelle-Zélande[11], le projet DIALREL mené par la Commission Européenne a toutefois conclu notamment que «Pendant l'égorgement sans étourdissement et souvent pendant l'étourdissement après l'égorgement, l'enserrement est complexe et impose plus de stress et tension à l'animal que l'étourdissement avant l'égorgement», « Toutes les méthodes d'abattage comportent le risque d'un équipement inadéquat ou d'un manque d'expertise suffisant», «Il y a place considérable au développement et à une amélioration quant à la gestion des risques pour toutes les méthodes d'abattage», «le temps à la perte de conscience ne peut pas être forcément atténué par l'exécution de la coupe »[13]. Quel est le problème avec l'abattage après « étourdissement » ?Les modes d'abattage couramment utilisés en Europe (autres que la shehita) impliquent un « étourdissement » de l'animal avant l’incision. L'« étourdissement » au pistolet à tige perforante consiste à perforer la boîte cranienne des bovins à l'aide d'une tige métallique. La réussite de l’opération dépend du point d'impact, de l'angle utilisé et donc de la dextérité du technicien effectuant cette tâche. En raison des cadences d'abattage à la chaîne, les échecs peuvent être fréquents (jusqu'à 7 % d'échecs)[14]. Dans ces cas, l'animal percevra tout, souffrira, sera conscient, mais ne pourra pas bouger. Pour éviter les contractions de l’animal -contractions en général d’origine réflexe, dangereuses pour le personnel, on peut enfoncer un “jonc” (aiguille) dans le canal rachidien, pour détruire les centres nerveux[15]. En France, les conditions d'étourdissement ont fortement évolué ces dernières années, le personnel bénéficie d'une formation poussée, les contrôles sont très stricts et les échecs sont devenus rares. La technique du jonc n'est plus utilisée. En juin 2011, les représentants des communautés juives et musulmanes néerlandaises ont demandé aux députés de ne pas adopter une loi obligeant l'étourdissement préalable des animaux abattus, en invoquant des motifs religieux[16]. L'un des facteurs essentiels de la réussite de l'opération est la formation de personnel qualifié. Or dans la shehita, la présence d'un shohet hautement qualifié, ayant plusieurs années de formation et une solide expérience limite les erreurs. Lors d’un abattage avec étourdissement préalable, l’animal étourdi est ensuite égorgé ; une étude[Laquelle ?] à montré que l’étourdissement de celui-ci ne modifie en rien la quantité de sang vidé par rapport à un animal égorgé de manière rituelle.[réf. nécessaire] L'incidence du projet de directive européen d'étiquetageLe 16 juin 2010, le Parlement européen a voté un amendement dans le projet de réglementation sur l'étiquetage[17]. Les viandes provenant d'animaux abattus rituellement feront l'objet d'un étiquetage spécial à caractère négatif. Cet étiquetage aura pour conséquence que ces viandes n'entreront plus dans les circuits de distribution classiques. À court terme, on peut prévoir que les croyants ne pourront plus acquérir des viandes provenant d'animaux abattus rituellement en Europe. Position des détracteurs de la shehita
— Elisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes, la philosophie à l'épreuve de l'animalité. Étiquetage particulierLa viande provenant d'animaux abattus rituellement et non consommée par les croyants est la plupart du temps écoulée dans les circuits de distribution classiques. Ainsi, une enquête des Directions Départementales des Services Vétérinaires de Basse et Haute-Normandie, citée par un collectif d'associations de défense des animaux, relevait des chiffres extrêmement importants : « Selon les abattoirs, jusqu’à 60 % de la viande issue d’animaux abattus selon le rite musulman et plus de 70 % de la viande issue du rite israélite se retrouveraient ainsi dans le circuit classique à l’insu des consommateurs ». Le projet de règlementation européenne sur l'étiquetage de juin 2010[18] prévoit qu'une étiquette informative "Viande provenant d'animaux abattus sans étourdissement" soit apposée dans ce cas. Le consommateur aura ainsi la possibilité de choisir librement et en toute connaissance de cause. Nouvelle polémique en 2012
Notes et références
Annexes |