Clair de terre (André Breton)
Clair de terre est un recueil poétique d'André Breton (1896-1966) publié le 15 novembre 1923, quatre ans après Les Champs magnétiques. PrésentationCe recueil regroupe des textes écrits en 1921 et 1922, parus séparément dans diverses revues, textes dadas comme Pièce fausse ou PSTT, cinq récits de rêves dont les trois premiers parurent dans Littérature, illustrés par la reproduction du tableau de Giorgio De Chirico, Le Cerveau et l'enfant, et des poèmes comme Le Buvard de cendre ou Tournesol, écrits durant l'été 1923. L'ouvrage original, édité aux frais de Breton à 240 exemplaires, contenait la reproduction d'une eau-forte de Picasso : un portrait de l'auteur à « l'œil terrible »[1]. Les circonstances de l'écritureDepuis le début de 1923, Breton est frappé par une crise de confiance. Il interrompt les expériences de sommeils hypnotiques[2], commencés depuis le mois de septembre 1922, craignant pour la santé mentale des « dormeurs ». Le 7 avril, le Journal du peuple publie un entretien avec Roger Vitrac, dans lequel Breton confie son intention de ne plus écrire « d'ici très peu de temps ». Tenant la « partie comme absolument perdue », il est désespéré de la situation faite à la littérature et n'envisage plus aucune activité littéraire, à commencer par la revue Littérature qui cesse de paraitre[3]. En 1924, dans la Revue européenne, Philippe Soupault témoigne de « cette lugubre éclipse » pendant laquelle des poètes gardaient « un affreux silence », ou publiaient des romans, ou faisaient annoncer qu'ils n'écriraient plus[4]. Mais cette attitude est ambivalente. Si le 19 septembre, dans une lettre à Francis Picabia, Breton exprime sa résignation à se composer « un semblant d'existence avec n'importe quoi », la veille, il écrivait à Saint-Pol-Roux pour lui proposer de « défendre de tout cœur ses intérêts moraux » afin de réparer l'injuste oubli dans lequel est tenu le poète de Camaret[5]. En juillet et août, à Paris, puis à Lorient où il séjourne chez ses parents avec Simone, Breton écrit près d'une vingtaine de poèmes comme il appelle lui-même ces textes qui procèdent pourtant de l'écriture automatique[6]. À la fin août, il annonce à Jacques Doucet son intention de faire paraitre un recueil de poèmes en même temps qu'un recueil de textes, Les Pas perdus (devant être édité par la NRF), pour ne pas « passer pour un essayiste ou un critique »[7]. Il confirme à Maurice Martin du Gard la publication de Clair de terre, sans éditeur, avec des dessins de Giorgio De Chirico. Le 22 septembre, Breton ajoute sur épreuves, un cinquième récit de rêve[8]. L'ouvrageLe titre indique le renversement d'éclairage auquel Breton entend soumettre l'acte poétique. Cette inversion est également suggérée par la typographie de la couverture : des lettres carrées et blanches supportées par un fond carré noir. Breton s'est inspiré d'une publicité dont une coupure a été retrouvée dans l'exemplaire de sa femme Simone[9]. L'origine de l'épigraphe « la terre brille dans le ciel comme un astre énorme au milieu des étoiles. Notre globe projette sur la lune un intense clair de terre » (attribué à un manuel d'Astronomie dont on n'a trouvé aucune trace à ce jour à la BnF) n'a pas été, à ce jour, retrouvé : peut-être le souvenir du poème de Stéphane Mallarmé Tout va bien ? Quant à la dédicace à Saint-Pol-Roux, elle fait suite à la visite que Breton lui a rendu à Camaret le 7 septembre[10]. Si la publication de Clair de terre paraît être un démenti au « magnifique plaisir de se faire oublier »[11], une contradiction qu'il s'inflige à lui-même, le livre témoigne du ressaisissement de Breton par cette même poésie, celle des Champs magnétiques, qui s'impose des refus, notamment celui de la narration. Et s'il n'importe guère à Breton de revenir « à l'innocence première par le chemin des mots[12] », elle pose toutefois la question insoluble : peut-on refuser la « littérature », l'« œuvre d'art », et cependant écrire [13]? Comme Les Champs magnétiques, le livre se termine par une dédicace à Marcel Duchamp, à travers son personnage et pseudonyme Rrose Sélavy, dédicace dans laquelle Breton insère le titre de l'entretien paru dans Le Journal du peuple, « André Breton n'écrira plus ». Il n'existe pas un manuscrit unique du recueil, mais un manuscrit pour chaque texte[14] répartis entre plusieurs fonds : Youki Desnos, Elsa Triolet-Aragon, Tristan Tzara, Simone Collinet et la bibliothèque Jacques Doucet. ExtraitsLe Volubilis et je sais l'hypoténuse. Le titre est emprunté à une phrase prononcée par Robert Desnos en état de sommeil hypnotique. Ce texte a été écrit en grande partie en novembre 1922 pendant le séjour d'André et Simone Breton à Barcelone où ils avaient accompagné Francis Picabia:
Bien que Breton ne l'ait pas beaucoup aimé (il ne fera pas paraître ce poème dans Le Revolver à cheveux blancs, qui reprend en grande partie les textes de Clair de terre), le poème Tournesol connût une fortune inattendue en mai 1934. Le 29 au soir, Breton rencontre Jacqueline Lamba dans un café de la place Blanche. Ils déambulent toute la nuit jusqu'à la rue Gît-le-Cœur en passant par le square des Innocents et la tour Saint-Jacques. Quelques jours plus tard, Breton se souvient de Tournesol dans lequel il lit la préfiguration de cette rencontre[15]:
BibliographieClair de terre
Autour de Clair de terre
Notes et références
|