En France, Lasch est présenté par la Revue du MAUSS comme « spécialiste de l’histoire de la famille et des femmes, critique de la société thérapeutique et du narcissisme contemporains, pourfendeur des nouvelles élites du capitalisme avancé[1] » et comme un « historien et philosophe d’inspiration marxiste » par la revue Raisons politiques[2].
Sa notice dans l'Encyclopedia of Historians and Historical Writing (1999) conclut : « Au cœur de sa pensée critique figurait la conviction que le respect intellectuel naît pleinement du désaccord constructif [...] [Lasch] continue de représenter un modèle pour la reconstruction de la vie intellectuelle (et même civique) à une époque d'adoption bien trop peu critique des idées de nos amis et de rejet trop sévère des idées de nos ennemis supposés[3]. »
Influencé par le courant idéologique de l'école de Francfort[5], Christopher Lasch pose un regard critique vis-à-vis des industries culturelles. Dans Culture de masse ou culture populaire ?, il critique la définition de la culture de masse telle que la gauche « libérale-libertaire » la conçoit, et qui voit dans toute critique de la société des loisirs une pensée conservatrice. Les critiques contre l’industrialisation de la culture sont perçues comme des critiques de la démocratie elle-même. Pour le sociologue Bertrand Ricard, « Lasch montre avec finesse que l'avènement de l'individualisme, par la conjonction du droit et du capitalisme, a scié les racines de la culture populaire et ses ramifications sociales et sociologiques, telles que l'entraide mutuelle, l'autonomie des transmissions de la culture »[6] mais « en un mot, si Lasch pose les bonnes questions pour l'avenir de la culture et du monde en général, celle du lien social par exemple, il répond à côté, lorsqu'il vilipende le recul d'expressions différentes et lorsqu'il s'inquiète de l'impossibilité donnée par la culture de masse à l'expression des conditions possibles minimales de l'espace public »[7].
Véritable leurre selon lui, la visée de démocratisation de la culture aboutit à uniformiser les propositions culturelles et à manipuler les citoyens[réf. souhaitée]. Ces valeurs libérales s’ancrent selon lui dans la philosophie des Lumières, qui tait les particularismes et engage une révolution culturelle. Il reproche à cette idéologie de faire de la modernité un concept qui dissout et rompt avec toute forme de tradition.
Comparant le développement de la France à celui de l’Amérique, il pense que la liquidation des racines et de l’enracinement au profit du « melting pot » est le chemin que prend la société française[réf. souhaitée]. Celui-ci se caractérise par la croyance selon laquelle seuls les déracinés peuvent accéder à une véritable liberté. Niant la conception selon laquelle il existe un double circuit culturel, l’un foulé par l’élite, l’autre par la masse, il considère que le système actuel dissout, par sa structure même, les cultures populaires dans le narcissisme de la culture de masse[8].
L'individu contemporain et son narcissisme
C'est vers la fin des années 1970 que Lasch entreprend ses recherches sur l'apparition d'un nouveau type d'individu caractérisé par une « personnalité narcissique » (en même temps que les travaux de Richard Sennett sur le « repli sur le privé »)[9]. Pour Danilo Martuccelli, chez Lasch, « le narcissisme comme figure sociale de repli ou d’implosion vers soi apparaît comme une conséquence de l’effondrement de l’autorité et des sources possibles d’identification normative »[10].
Postérité
En France, son œuvre a influencé notamment Jean-Claude Michéa et Philippe Muray, qui peuvent être considérés dans une certaine mesure comme ses continuateurs[11].
The American Liberals and the Russian Revolution (1962)
The New Radicalism in America 1889-1963: The Intellectual As a Social Type (1965)
The Agony of the American Left (1969)
The World of Nations (1973)
Haven in a Heartless World: The Family Besieged (1977)
The Culture of Narcissism: American Life in an Age of Diminishing Expectations (1979)
The Minimal Self: Psychic Survival in Troubled Times (1984)
The True and Only Heaven: Progress and Its Critics (1991)
The Revolt of the Elites: And the Betrayal of Democracy (1994)
Women and the Common Life: Love, Marriage, and Feminism (1997)
Plain Style: A Guide to Written English (2002)
Œuvres traduites en français
La Culture du narcissisme – La vie américaine à un âge de déclin des espérances (The Culture of narcissism – American Life in An Age of Diminishing Expectations, 1979), Climats, 2000, (ISBN978-2-841-58139-9).
Le moi assiégé. Essai sur l'érosion de la personnalité (The Minimal Self, 1984), Climats, 2008.
Le Seul et Vrai Paradis : Une histoire de l'idéologie du progrès et de ses critiques (The True and Only Heaven, 1991), Champs/Flammarion, 2002[12].
Les Femmes et la vie ordinaire (Women and the Common Life. Love, Marriage, and Feminism, 1997), Climats, 2006.
Culture de masse ou culture populaire ? (traduction de l'article « Mass Culture Reconsidered », paru in democracy, 1, octobre 1981, p. 7-22), Climats, 2001.
Un refuge dans ce monde impitoyable (Haven in a Heartless World: The Family Besieged, 1977), Bourin Éditeur, 2012.
La culture de l'égoïsme (entretiens avec Castoriadis), Climats 2012
↑Marine Boisson, Raisons politiques, no 6 2002/2, p. 165-171. [PDF] [lire en ligne].
↑« at the heart of his critical mind was a recognition that intellectual respect came most fully out of constructive disagreement. It is then indeed in his naysaying, born curiously out of generosity, that Lasch continues to serve as as a model for the reconstruction of intellectual (and perhaps civic) life in an age of far too uncritical acceptance of the ideas of one's friend and far too harsh dismissal of one's supposed enemies », (en) Kelly Boyd (dir.), Encyclopedia of historians and historical writing, t. 1 : A - L., London Chicago, Fitzroy Dearborn, , 1562 p. (ISBN978-1-884964-33-6, lire en ligne), p. 686.
↑Bertrand Ricard, La fracture musicale : les musiques populaires à l'ère du populisme de marche, Paris, L'Harmattan, coll. « Univers musical », , 362 p. (ISBN978-2-296-00869-4, OCLC182615153, lire en ligne), p. 313.
↑Renaud Beauchard, « Christopher Lasch, la gauche et la droite », L'inactuelle, (lire en ligne)
↑Marcelo Otero, Les règles de l'individualité contemporaine : santé mentale et sociéte, Québec, Presses de l'Université Laval, coll. « Sociologie contemporaine. », , 322 p. (ISBN978-2-7637-7981-2, lire en ligne), p. 23.
↑Danilo Martuccelli, « Figures de la domination », Revue française de sociologie, volume 45 2004/3, p. 469-497. [PDF] [lire en ligne]
↑Philippe Muray, Christopher Lasch ou le parti de la vie, in Exorcismes spirituels III, 2002.
↑Anne Rasmussen, « À plusieurs voix sur Le seul et vrai paradis », Mouvements, no 32 2004/2, p. 180-183. [PDF] [lire en ligne]
(en) Kevin Mattson, « The Historian As a Social Critic: Christopher Lasch and the Uses of History », The History Teacher, 36.3, 2003: 39 pars. [lire en ligne]
(en) Robert B. Westbrook, « Christopher Lasch, The New Radicalism, and the Vocation of Intellectuals », Reviews in American History, Volume 23, Numéro 1, mars 1995, p. 176-191. [lire en ligne]
(en) Paul Smith, Primitive America : The Ideology of Capitalist Democracy, Minneapolis, University of Minnesota Press, , 135 p. (ISBN978-0-8166-2826-1), p. 28
(fr) Renaud Beauchard, Christopher Lasch, un populisme vertueux, Paris, Michalon, , 128 p. (ISBN978-2-84186-898-8, lire en ligne), p. 128