Benjamin de TudèleBenjamin de Tudèle
Benjamin de Tudèle (en hébreu : בִּנְיָמִין מִטּוּדֶלָה, prononcé [Binjamin mitudela]) est un rabbin navarrais (basque), né à Tudela en Navarre vers 1130 et mort en 1173. Il est l'auteur d'un récit de voyage inachevé, le Sefer massa'ot[1]. Avec sa vaste formation et sa bonne connaissance des langues, il est une figure majeure de la géographie et l'histoire juive médiévale. Ses descriptions de l'Asie occidentale précèdent celles de Marco Polo d'une centaine d'années. Le récit de ses voyages est un travail important concernant la description des communautés juives de l'époque, ainsi que la géographie et l'ethnographie du Moyen Âge. Son itinéraire, décrit en hébreu, traduit en latin, puis dans la plupart des principales langues européennes, retient l'attention des érudits de la Renaissance, au XVIe siècle, et celle des orientalistes français et anglais de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. BiographieIl désire visiter toutes les synagogues connues du monde pour décrire les mœurs et les cérémonies de chacune. On sait de lui seulement ce qu'il relate dans son récit de voyage. Les historiens ne s'accordent pas entre eux sur le départ de son voyage. Pour certains historiens, il aurait quitté Tudèle en 1159; d'autres pensent qu'il est parti à une date plus tardive, autour de 1165[1] pour y revenir vers 1173. Le doute pèse également sur son véritable itinéraire. La critique unanime tient pour apocryphes les sections de l'ouvrage consacrées à l'Extrême-Orient et à l'Europe centrale[1]. Il passe par la Grèce, Constantinople, la Syrie, la Palestine et la Mésopotamie. On pense qu'il devait avoir une formation de teinturier, voire qu'il avait exercé cette profession, étant donné l'intérêt particulier qu'il porte à cet artisanat dans les régions visitées. Son intérêt pour les pierres précieuses fait avancer une autre hypothèse : qu'il ait été marchand engagé dans le commerce international des pierres précieuses. Pour d'autres historiens, il aurait été envoyé par des communautés ou académies juives espagnoles en quête de secours matériels de la part de coreligionnaires. Il est enfin considéré comme un proto-sioniste, envoyé par les Juifs espagnols estimer les conditions d'un possible retour en Palestine. Aucune hypothèse n'est exclusive. On a de lui une Relation de ses voyages, rédigée en hébreu à partir de 1165, imprimée à Constantinople en 1543 ; traduite en latin, Leyde, 1633 et en français par le chevalier Jean de Laroque. Son livre, traduit dans la plupart des langues européennes, a particulièrement été apprécié par les humanistes de la Renaissance, au XVIe siècle. Pour l'historienne du Moyen-Âge Juliette Sibon, il y a un doute concernant le fait que Benjamin ait voyagé, et considère que « le Sefer massa’ot est d’abord une élaboration livresque adaptée aux besoins intellectuels et pratiques des juifs de son temps[2]. » ItinéraireIl part de Navarre vers 1165, dans ce qui peut avoir commencé comme un pèlerinage en Terre sainte. Les motivations peuvent avoir été variées :
Il prend le « long chemin », s'arrêtant fréquemment, pour rencontrer les gens, visiter les lieux, décrire les occupations, établir un décompte démographique des Juifs dans chaque ville et région. Le voyage commence dans sa ville natale de Tudela, en Navarre, avant de rejoindre Saragosse, dans le Royaume voisin d'Aragon, en suivant la basse vallée de l'Ebre, s'oriente au nord vers la France, puis le port de Marseille. Après la visite de Gênes, Lucques, Pise et Rome, c'est la Grèce et Constantinople. En Asie, il visite la Syrie, le Liban, la terre d'Israël, et le nord de la Mésopotamie (qu'il appelle Schinear) avant d'atteindre Bagdad. De là il se rend en Perse, puis coupe à travers la péninsule arabique vers l'Égypte et l'Afrique du Nord. Le retour en péninsule ibérique se réalise en 1173. Sa visite aux ruines de Mossoul à l'extérieur de Bagdad est l'une des premières descriptions précises du site de l'ancienne Ninive. Il visite et évoque plus de 300 villes, dont beaucoup sont importantes dans l'histoire juive, comme Suse, Soura, et Poumbedita dans le sud de la Perse. En outre, il recueille des informations sur des domaines qui excèdent ses pérégrinations, dont la Chine et le Tibet ou par exemple les hashishin, les fumeurs de chanvre. Son récit, Les voyages de Benjamin (מסעות בנימין, Masa'ot Binyamin, aussi connu comme ספר המסעות, Sefer ha-Masa'ot, Le Livre de Voyages), décrit les pays visités, principalement les communautés juives, précisant leur population totale et les noms des chefs de la communauté, les coutumes locales, des populations juives et non juives, surtout en ville. Il fournit des descriptions détaillées des sites, des monuments, des bâtiments importants, des marchés. Près de trois cents localités sont mentionnées mais moins d'une dizaine donnent lieu à une description détaillée[1]. Benjamin cite ses sources, et les historiens le considèrent comme fiable. Certains de ses témoignages sont importants. Beaucoup furent utiles aux voyageurs qui lui succédèrent. Une partie de son récit, cependant, se base sur des récits qu'il recueillit et certaines de ses informations sont incorrectes. CommémorationLe nom de Benjamin de Tudela a été adopté par un voyageur au milieu du XIXe siècle et auteur, connu sous le nom de Benjamin II. Une des œuvres principales de Mendele Moïkher Sforim, important écrivain russe juif du XIXe siècle, est en 1878 le Massoes Benyomen Hashlishi (מסעות בנימין השלישי) (Les errances de Benjamin III), qui est considéré comme une sorte de Don Quichotte juif, et dont le titre est clairement inspiré du livre de Benjamin de Tudèle. Une rue du quartier de Rehavia à Jérusalem est nommée en son honneur, tout comme une rue dans l'ancien quartier juif de sa ville natale de Tudela. Le poète israélien Nathan Alterman a écrit un poème au sujet de Benjamin de Tudèle, qui a été mis en musique par Naomi Shemer et a souvent été diffusé à la radio israélienne. ŒuvresPour le détail de l'histoire des copies et éditions du Voyage de Benjamin de Tudèle, voir : Eliakim Carmoly, Notice historique de Benjamin de Tudèle, suivi de Examen géographique de ses voyages par Joachim Lelewel, éd. Kiessling, Bruxelles et Leipzig, 1852 (en ligne sur Gallica). – Cette notice d'un grand intérêt redresse beaucoup d'erreurs des traductions antérieures à 1907.
Références
Voir aussiArticles connexesBibliographie
Liens externes
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