BanziriLes Banziri (ou Banzili, Banziris, Gbandere, Gbanzili, Gbanziri) sont une population vivant en République centrafricaine et en République démocratique du Congo, au confluent du Kouango et de l'Oubangui. Ils parlent le gbanziri, une langue oubanguienne[1]. Ils sont établis sur une bande côtière de 200 km entre les rapides de Mokwangay et l'embouchure de la Ouaka (ou Kouango), de part et d'autre de l'Oubangui. Peuple du fleuve, les Banziri sont réputés pour leurs compétences de pagayeurs et de pêcheurs[2]. Toute leur vie s'organisait ainsi autour du fleuve qu'ils parcourent en pirogue. Originaires de la région du Haut-Nil, ils ont commencé à s'établir au Kouango au XVIe siècle, déplaçant ainsi plusieurs groupes bantouphones. Ils rencontré des explorateurs français la fin du XIXe siècle, et leurs chefs ont signé un traité avec Paul Crampel en 1890[3]. Une ethnie dans son environnement pluriethniqueLes croyancesIl ne s'agira hélas pas de reconstituer l'univers religieux dans son ensemble ou d'expliciter les croyances fondamentales de la vie de telle ethnie de l'Oubangui faute de sources proprement ethnographique mais quatre séries d'observations (dont trois dans une même page de Paul Félix Brunache) éclairent le fait religieux : Les pâtures en cheminChez les Dakpas : "Sur tous les chemins je trouve des fragments de pots près desquels on a mis un peu de charbon, du manioc, du mil, etc. Je demande à Zouli ce que cela signifie ; il me dit à voix basse, d'un ton mystérieux, que c'est la pâture offerte aux mauvais esprits qui ont amené la variole.. il y en a ainsi sur tous les chemins pour qu'ils ne viennent pas jusqu'au village. A chaque fois, il fait un détour pour ne rien déranger." [4] Brunache p.194 Les fétiches au village"Partout jusque chez les Ouia-Ouia nous remarquions dans les villages des arbres auxquels étaient fixés des quantités de fétiches. Il en était de même près des maisons." [4] B. 194 L'autel des défrichements"Dans les défrichements, auprès des plantations récentes, nous ne manquions pas de rencontrer une sorte de petit autel en branchage, supportant des calebasses pleines de cendres, des fruits rouges, des arêtes de poisson ou des plumes de poulet, tout cela [les fétiches comme l'autel] destiné à protéger les récoltes contre le mauvais œil." [4] B. 194 Le tam-tamUne photographie de l'agence Meurisse (ci-contre, date?) représente une scène de "tam-tam banziri" sur la rive belge et peut aider à en définir les caractéristiques. Trois objets qui semblent être des instruments de musique : - Le tam tam à coup sûr, assez volumineux pour être joué par trois personnes. - Une section de tronc d'arbre (partiellement évidé?) et qui semble être joué en percussion à l'aide d'une machette (le "xylophone" mentionné par Georges Seguin?). - Une sorte de "harpe de bois", large planche évidée et sculptée de manches jouée elle aussi en percussion avec un manche de bois peu visible. Alors que les instrumentistes sont des hommes mûrs et que des enfants à droite et à gauche regardent la scène, les danseurs eux sont des adolescents, avec peut-être la première rangée (vue de dos à l'avant-plan) constituée d'adolescentes. On ne peut exclure qu'il s'agisse d'une reconstitution, en tout cas la représentation diverge de la description complète qu'en fait Georges Seguin. Co-administrateur de la Compagnie du Kouango Français, il a assisté à un tam-tam banziri en 1901 (extrait de son journal de voyage, non publié).
L’organisation politiqueQu'est-ce qu'un chef dans le Haut-Oubangui?Il existe trois sultanats en bordure du Mbomou : Bangassou, Rafaï et Zémio, qui sont des entités politiques plus étendues, plus organisées et plus hiérarchisées que les entités ethniques du Haut-Oubangui lui-même. C'est que, par l'intermédiaire du Soudan mahdiste, ils sont tributaires de la lointaine Égypte et en subisse donc l'influence. Nous nous contenterons ici de signaler qu'ils sont capables de lever des armées de dizaines de milliers d'hommes. Ces quelques faits pour servir de repère et distinguer le Mbomou du Haut-Oubangui : trois principautés arabisées à l'est, une dizaine de chefferies ethniques à l'ouest. Au total si l'on inclut les Banziris dans les observations générales sur les ethnies du bassin du Haut-Oubangui (nord du fleuve et arrière-fleuve) il en résulte le tableau suivant : L'agent exécutif de la volonté populaireLes leaders d'ethnie (comme Bembé) paraissent sous le contrôle permanent de l'opinion publique. En effet chez deux des peuples qui leur sont voisins (Bondjos et Togbos) nous avons deux exemples intéressants d'exercice du pouvoir D.339 [5] qui montrent qu'un jeune guerrier ou que le groupe des femmes peut "aisément [remettre] en question" [4] la décision du chef s'ils persuadent la foule du bien-fondé de leur intervention. Le chef apparaît donc comme un "agent exécutif de la volonté populaire" mais a davantage de poids si son charisme le lui permet. Les fonctions de politique extérieureLes fonctions dévolues au chef semblent surtout relever de la politique extérieure : - Il "parle, négocie et marchande avec l'étranger" et "centralise les nouvelles" - Il "envoie émissaires et ambassadeurs", il "désigne guides et piroguiers" [6] Cela n'exclut pas l'hypothèse de fonctions de juge coutumier ou d'autres fonctions de politique intérieure mais il est logique qu'elles ne soient pas apparues aux voyageurs plus pressés d'atteindre le Nil ou le Tchad que d'observer les institutions. La préséanceIl a la préséance en plusieurs matières : - "Boubou de coton ou peau de léopard" [6] (et bientôt le chapeau de paille offert par les Européens) sont les insignes exclusifs du pouvoir. - Une garde personnelle est chargée de sa sécurité. - Les cadeaux offerts par les étrangers lui reviennent. Bembé, chef de l'ethnie banziriIls sont dirigés en 1890 par un personnage qui, porté par le consensus populaire, semble bien obéi par tous les villages banziris. Au contraire par exemple de l'émiettement politique des Bondjos [5] le chef Bembé rassemble donc sous son autorité l'ensemble de son ethnie. "Vieillard plein d'usage et de sentiment, conscient de sa sagesse et de sa dignité" [6] : le portrait est flatteur, ce qui n'est pas le cas pour les quatre autres chefs décrits par les voyageurs. Relations extérieuresIls ont pour voisins de plus petits groupes de gens du fleuve : à l'ouest les Bondjos bouzérous et les Bandas ouaddas, à l'est les Bourakas, et dans l'arrière-pays des groupes équivalents par leur territoire : au nord-ouest les Togbos, au nord-est les Langbassis. Les Banziris portent "assez généralement" un couteau "passé dans une gaine de cuir, ajourée et artistement façonnée". "Il est suspendu au côté à l 'aide d'une lanière en baudrier". Même s'il peut servir d'arme de jet c'est un "très faible équipement militaire" comparé à leurs "redoutables voisins Bondjos", à la lance ouadda et à la sagaie langouassi D. 194 [7]. Cause ou conséquence les Banziris sont décrits universellement comme de "tempérament pacifique" et cela correspond bien du reste au rôle commercial qu'est amené à jouer un territoire fluvial. Cela peut aussi expliquer la politique d'alliance de leur chef Bembé envers les Français : en l'absence d'équipement voire de tradition militaire, il est en effet plus sage de chercher à défendre ses intérêts par la négociation que par la force. "Qu'il s'agisse de vêtement, de coiffure ou de parure, une nette tendance à la simplification se dégage depuis le Fleuve vers le nord." [8]. De même les "productions [artisanales] semblent plus diverses et plus évoluées au sud qu'au nord" [9]. Peut être sous ces prétextes "les gens d'eau donnaient aux peuples de l'intérieur le surnom de Ndris, c'est-à-dire sauvages" D. 194 [10] [11]. Palabrant avec Dybowski Bembé "taille lui-même une pagaie" D. 224 ce qui semble montrer l'absence d'artisans spécialisés chez les Banziris. Chacun (ou chaque famille ?) tisse son vêtement, tanne sa peau de bête, sculpte ses ustensiles de bois. La petite métallurgie et l'artisanat d'art des ethnies voisines ne sont pas visibles ici [9]. En fait un tableau comparatif même rapide des caractéristiques propres à chaque ethnie du bassin du Haut-Oubangui fait ressortir l'impression d'une spécialisation complémentaire des ethnies entre elles. Soit que tel aspect de la culture et du mode de vie diffère de l'une à l'autre (l'une adopte le manioc et pas l'autre Pr ch?), soit que l'une se procure chez l'autre ce qu'il lui manque comme denrée ou comme compétence. Cette idée est corroborée par une situation semblable établie sous les mêmes latitudes entre chasseurs-cueilleurs "pygmées" de la forêt et agriculteurs et éleveurs de la savane arborée [12]. Les spécificités des BanzirisApparence et caractère perçusLes hommesLeur physique est décrit par les voyageurs français comme "vigoureux, musclé, sain, souple et harmonieux". Leur nez droit, leurs lèvres peu épaisses, leur regard clair et leurs dents admirables font leur admiration. Le caractère de ces précieux et nouveaux alliés est loué comme ouvert, franc, leur visage expressif et gai "même dans les circonstances les plus difficiles. Mais aussi "sociables, accueillants, empressés, polis" : quel contraste et quel soulagement avec les attaques permanentes du jeune poste de Bangui ! Est-il possible que dans ces récits de voyage où entre plus de jugements de valeur que de descriptions ethnographiques la politique n'entre pas en jeu? Ainsi les Bondjos bouzérous responsables des constantes attaques contre les Français de Bangui sont, eux, appelés "maigres, chétifs, sales et franchement laids" Dybowski p. 173. Les hommes banziris portent un pagne fabriqué en écorce de ficus martelée. La ceinture est faite en peau de buffle, ornée de bagues de fer ou de cuivre (Dybowski p. 194 [13]). Leurs coiffures savantes sont de "véritables travaux artistiques en perles multicolores disposées d'une façon très symétrique" Gaillard p. 236. Il s'agit d'un véritable trésor enrichi par l'achat de perles ou concédé pour une dette de jeu Dybowski p. 192. Ils portent en outre de "grands bracelets de fer, formés en spirale, avec grelots" en ivoire ou en cuivre Dybowski p. 363 [14]. Les femmesElles laissent pendre jusqu'au sol ou sur l'épaule une opulente chevelure, qui même rassemblée en natte peut être épaisse comme le bras. [15] Dybowski p. 195. Elles portent un cache-sexe spécifique fait de coquillages blancs [13] Brunache p. 66, portent des colliers ou des ceintures de perles. Elles sont perçues par les Français comme "belles, douces, avenantes". [16]. Une "impression de grande liberté individuelle" se dégage de tous les textes au-delà des différences de classe d'âge et de même de statut : - "très nombreuses initiatives individuelles des hommes adultes" - "liberté d'allure des femmes" - "véritable vagabondage des enfants" - "indépendance relative des esclaves" Pourtant, comment savoir si cela constitue la "situation normale" ou bien "l'effervescence d'une période de crise"? [17] Une économie d'usufruitCe terme est forgé par Prioul pour désigner "les ramassages au sens le plus large du terme : "cueillette, chasse, pêche, élevage extensif, extraction de matière minérales superficielles." [18] Le territoire banziri se trouve aux confins de la forêt équatoriale dense et de la savane arborée. Une étude de R. Sillany faite dans le même milieu naturel à Lobaye sur les plantes alimentaires spontanées dénombre par exemple 58 espèces de plantes à feuilles comestibles et 84 espèces de plantes à fruits.[19] C'est dire l'extrême richesse du milieu naturel et qui explique sans doute combien est faible - dans certaines zones ethniques- le besoin d'une agriculture intensive et variée et d'organisation sociale complexe du travail. Le régime alimentaire dominant des Banziris est le suivant : Le poissonLe très peu d'élevage de poules et de cabris est "compensé par les ressources de la pêche tant au gros poisson qu'au menu fretin" [20]. La pêche se fait au filet, au marigot, par "des nasses ou des barrages de pêche". On y récolte aussi comme au nord, "petites crevette et gros coquillages" [21]. C'est vraiment ce qui caractérise le mieux le genre de vie banziri. La banane"Peu de cultures autour des villages, quelques touffes de bananier seulement et quelques pieds de tabac dont on récolte les feuilles pour les fumer" D. 222. C'est un "système agro-vivrier axé sur le bananier." [20]
Notes et références
AnnexesBibliographieDictionnaires
Monographies
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