Son travail se compose de sculptures, installations, vidéos et, parfois photos. Ses installations jouent avec les reflets, la luminosité, les transparences, utilisent des éléments immatériels comme la lumière, le brouillard artificiel, le son et des matières simples : verres, miroirs, métaux, huile de paraffine, etc. Depuis de nombreuses années, elle travaille et explore le verre, dans des tailles et couleurs diverses, qui lui permet de chercher les limites de la perception, de rendre visible l'invisible.
Ann Veronica Janssens est née à Folkestone le 29 décembre 1956 mais passe son enfance à Kinshasa. Son père est architecte et sa mère travaille dans une galerie d'art, ce qui, combiné à de fréquentes visites au musée de Kinshasa la met en contact très tôt avec diverses formes artistiques. Elle raconte que, n'ayant pas d'obligation scolaire, elle passe beaucoup de temps à flâner et à observer, principalement la lumière[1],[2].
Très tôt son travail conjugue peinture, sculpture, elle expérimente la perception, à la fois visuelle et sensorielle. La lumière, naturelle et artificielle, est au centre de son travail et en devient le sujet[4].
Œuvre artistique
La pratique artistique d'Ann Veronica Janssens peut se définir comme une recherche basée sur l'expérience sensorielle de la réalité. Par divers types de dispositifs (installations, projections, environnements immersifs, interventions urbaines, sculptures), Ann Veronica Janssens invite le spectateur à franchir le seuil d'un espace sensitif nouveau, aux limites du vertige et de l'éblouissement[6]. Dans un registre inspiré de processus cognitifs[7] (perception, sensation, mémoire, représentation), ses œuvres tendent vers un certain minimalisme, soulignant le caractère fugitif, éphémère ou fragile des propositions auxquelles elle nous convie[8]. Spatialisation et diffusion de lumière, rayonnement de la couleur, impulsions stroboscopiques, brouillards artificiels, surfaces réfléchissantes ou diaphanes sont autant de moyens lui permettant de révéler l'instabilité de notre perception du temps et de l'espace. Les propriétés des matériaux (brillance, légèreté, transparence, fluidité) ou les phénomènes physiques (réflexion, réfraction, perspective, équilibre, ondes) sont ici questionnés avec rigueur dans leur capacité à faire vaciller la notion même de matérialité.
Ann Veronica Janssens utilise l'architecture existante en y ajoutant des formes et des volumes, souvent dans des endroits inattendus, ce qui permet une autre perception de l'espace[9]. Pour un projet artistique dans l'espace public tel que Neon Parallax [10] à Genève, par exemple, elle a utilisé un texte mal orthographié trouvé sur le sol comme point de départ d'une grande installation au néon sur le toit d'un immeuble.
Ses interventions sont minimalistes, d'une simplicité apparente qui permet un rapport émotionnel direct à l’oeuvre et à l’espace[11]. Initialement elle travaille principalement avec des matériaux industriels – béton, bois et verre – et des formes primaires. Depuis 1990, elle utilise davantage de matériaux intangibles : la fumée (épaisse, tactile), le brouillard, le son, l’espace (transparent, organisé, réarrangé), la couleur, sont autant d’éléments qui se mettent au service de ses expérimentations. Ses travaux s’appuient sur l’expérience sensorielle et sur une rencontre du corps et de l’espace qui change complètement notre perception de l'espace. L'observateur, partie intégrante de ses installations, est désorienté, face à une perte de contrôle qui sollicite tous ses sens[9],[12],[13],[14],[15].
Elle s’appuie sur la science pour explorer plus avant le champ artistique. « Je ne suis pas une scientifique, je suis donc amenée à aller chercher d’autres savoir-faire, à rencontrer des spécialistes de diverses disciplines »[2].
Avec Nathalie Ergino, elle contribue à la création du Laboratoire Espace Cerveau à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne qui réunit artistes et scientifiques pour des projets communs. Depuis 2009, ce projet mène un travail de recherche explorant les rapports entre perception, espace et sensibilité, espace et cerveau, utilisant les connaissances en neurosciences, physique, astrophysique, philosophie, anthropologie ou histoire de l’art[2],[16].
Quelques œuvres
Mukha, 1997
Est le premier brouillard, créé pour le musée MUKHA d'Anvers. Une pièce est emplie d'un brouillard blanc aveuglant. « Lorsque le regard se perd, il se retourne vers l’intérieur et, paradoxalement, ouvre vers une sorte d’infini. C’est cette sensation d’infini que l’on expérimente dans les brouillards (Ann Veronica Janssens) »[2].
Untitled (Orange), Scarlett et Sweet Blue, 2010 :
Cubes de verre épais et transparents, posés sur un socle peint et remplis d’huile de paraffine et eau distillée. La combinaison de différents éléments : épaisseur du verre, air, huile de paraffine, eau distillée… projette la couleur du socle à la surface du liquide. Le spectateur perçoit le fond comme flottant à la surface du liquide[1].
L’ODRRE N’A PAS D’IPMROTNCAE, 2012
Pour le projet d'art dans l'espace public tel que Neon Parallax à Genève, elle a utilisé un texte mal orthographié trouvé sur le sol comme point de départ d'une grande installation de néons sur le toit d'un immeuble. Les tubes néons sont placés devant un fond de lettrage en miroir.
Chapelle de Grignan, 2013
À la suite d'une commande publique de la ville de Grignan, en partenariat avec le ministère de la Culture et de la Communication, Ann Veronica Janssen crée un projet global qui fusionne sculpture et image. Elle crée des ouvertures à la lumière naturelle au niveau des vitraux et une double projection de lumière artificielle colorée sur la voûte et le fond de l’abside. Quatre sculptures en verre colorés sont incrustées à la place des vitraux. Les trois grandes fenêtres sont ainsi chacune d’une couleur primaire, dans des nuances lumineuses et légères[17].
Untilted, 2014
Une longue barre de verre transparent utilisant les lois de réfraction et réflexion de la lumière pour troubler la perception des spectateurs[1].
23:56:04, 2022
Installation au Panthéon, à Paris. Un grand miroir en forme de cercle est posé à même le sol sous la coupole montre de nouvelles perspectives et fait découvrir les détails des décors et des voûtes. L'installation est comme un écho au Pendule de Foucault suspendu à un filin de 67 mètres qui semble flotter[18].
Expositions
Artiste de renommée internationale, Ann Veronica Janssens participe aux biennales de São Paulo en 1994, d'Istanbul en 1997, de Sydney en 1998, de Venise en 1999, de Lyon en 2005, de Séoul en 2008, de Sidney en 2012, Saint-Pétersbourg en 2014, etc. Et plusieurs fois à Manifesta. Son travail est représenté par la Galerie Kamel Mennour depuis 2017[16].
Un grand nombre de Fonds Regionaux d’Art Contemporain : Corse, Languedoc , Lorraine, Nord Pas de Calais, Pays de la Loire, Rhône Alpes, Aquitaine, Bourgogne, Ile de France, France comté, Grand Large, Occitanie…
(en + fr + nl + de + es + zh + ja + ru + pt) Ann Veronica Janssens et Michel François, Experienced, Bruxelles, Base Publishing / EACC (Espai d'Art Contemporani Castellon), (ISBN978-94-90066-00-0)
Hans Theys, Ann Veronica Janssens An den Frühling, Cologne, DuMont Literatur und Kunst Verlag, (ISBN978-3-8321-9021-7)
Nathalie Ergino, Anne Pontégnie et Ann Veronica Janssens, Ann Veronica Janssens 8′26″, Paris, ENSBA / MAC, (ISBN978-2-84056-158-3)
(fr + en) Mieke Bal, Une image différente dans chaque œil / A Different Image in Each Eye, Bruxelles, Espace 251 Nord / Communauté française de Belgique, (ISBN2-87317-124-3)
↑« Il s’agit de provoquer l’expérience de l’excès, du dépassement des limites. Les situations d’éblouissements, de rémanence, de vertige, de saturation, de vitesse, d’épuisement, m’intéressent car elles nous permettent de nous structurer autour d’un seuil d’instabilité visuelle, temporelle, physique et psychologique. » Cette citation de l'artiste est extraite de Ann Veronica Janssens 8′26″, par Nathalie Ergino, Anne Pontégnie, Ann Veronica Janssens, ENSBA / MAC, Paris, 2004.
↑« la mémoire ne fonctionne plus comme un répertoire dans lequel on irait puiser des solutions ou des images toutes faites, mais comme un catalyseur de formes ouvertes et d'inventions, un espace sensitif de liberté. » D'après Pascal Rousseau, « Ann Veronica Janssens - Light Games », Art Press, n° 299, mars 2004, p. 30.
↑« Je m’intéresse à ce qui m’échappe, non pas pour l’arrêter dans son échappée mais bien au contraire pour expérimenter « l’insaisissable ». Il y a peu d’objets dans mon travail. Ce sont des gestes engagés, des pertes de contrôle, revendiqués et offerts comme des expériences actives. Ma démarche se constitue de cette perte de contrôle, de l’absence de matérialité autoritaire, et de la tentative d’échapper à la tyrannie des objets. » Op. cit..