Élections législatives indiennes de 2024
Les élections législatives indiennes de 2024 ont lieu du au afin d'élire pour cinq ans la XVIIIe législature (en) de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement de l'Inde. Avec près de 970 millions d'électeurs, il s'agit des plus grandes élections de l'histoire, dépassant les précédentes élections législatives de 2019. Étalé sur quarante-quatre jours, le scrutin se place néanmoins derrière les élections législatives de 1951-1952 en termes de durée. Le vote intervient ainsi en sept phases, différentes parties du pays votant l'une après l'autre les et , les , , et , et le . Le Premier ministre sortant, Narendra Modi, se présente pour un troisième mandat consécutif. Son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP) est à la tête de l'Alliance démocratique nationale (NDA). Cette dernière affronte notamment l'Alliance inclusive de la nation indienne pour le développement (INDIA) menée par le Congrès national indien (INC) de Mallikarjun Kharge (en). Le scrutin est une victoire en demi-teinte pour la NDA, qui arrive en tête mais subit un recul inattendu qui lui permet tout juste de conserver la majorité absolue des sièges. S'il devient le deuxième Premier ministre de l'histoire du pays à être reconduit sur trois mandats consécutifs, Narendra Modi se voit ainsi contraint de s'appuyer sur les partenaires de coalition du BJP, qui détenait jusque là seul la majorité, soit des résultats bien en deçà des attentes du parti et des projections des sondages lors de la campagne. Contexte![]() Les précédentes élections législatives organisées en avril et mai 2019 voient la victoire de l'Alliance nationale démocratique, dirigée par le parti Bharatiya Janata. Le gouvernement de l'union dirigé par le Premier ministre sortant Narendra Modi est ainsi reconduit pour un troisième mandat consécutif[1]. Le taux de participation atteint 67,40 % des inscrits, un record dans le pays[2]. La défaite de l'Alliance progressiste unie (IPA) menée par le Congrès national indien (INC) amène le dirigeant de ce dernier, Rahul Gandhi à se retirer le . Mallikarjun Kharge remporte la primaire de l'INC organisée le , devenant ainsi le nouveau chef de l'opposition[3]. Courant 2023, il forme une nouvelle coalition réunissant 26 partis d'opposition, l'Alliance inclusive de la nation indienne pour le développement (INDIA), en vue des élections de 2024[4]. Une canicule touche par ailleurs le pays dans la seconde moitié du scrutin, faisant de nombreux morts. Au moins 33 agents électoraux indiens décèdent ainsi à cause de la chaleur le dernier jour, le , dans le seul État d’Uttar Pradesh[5]. Système électoral![]() La Lok Sabha est la chambre basse du parlement indien. Elle est composée de 543 sièges pourvus pour cinq ans au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans autant de circonscriptions. Les électeurs votent dans chacune d'elles pour un seul candidat et celui qui réunit le plus de voix est déclaré élu[6]. Jusqu'en , deux sièges étaient réservés à la communauté anglo-indienne. Les élections législatives de 2024 sont les premières depuis l'adoption du 104e amendement à la Constitution, qui les a supprimés[7]. Les électeurs éligibles[pas clair] doivent posséder la nationalité indienne, être âgés d'au moins 18 ans, être résidents et inscrits sur les listes électorales de la circonscription où ils votent, et posséder une carte d'électeur valide délivrée par la Commission électorale de l'Inde ou équivalent[8]. Les personnes reconnues coupables d'infractions électorales ou autres se voient interdire de voter[9]. Comme lors des précédents scrutins, les élections de la 18e Lok Sabha sont échelonnées sur plusieurs mois en sept phases, plusieurs des États et territoires indiens votant à des dates différentes. Annoncé par la Commission électorale indienne (ECI), la convocation des élections — qui met fin le au mandat de la législature sortante — échelonne ces dernières du 19 avril au [10],[11]. ![]()
Forces en présenceLa politique indienne poursuit en 2024 sa tendance à la bipolarisation au sein de deux coalitions majeures, l'Alliance nationale démocratique (NDA) au pouvoir, et le principal bloc d'opposition, l'Alliance inclusive de la nation indienne pour le développement (INDIA). Malgré un grand nombre de partis en lice, à l'intérieur comme en dehors de ces deux coalitions, ceux ci sont généralement essentiellement régionaux. Seuls six partis véritablement nationaux présentent en effet des candidats dans l'ensemble ou presque du pays : le Bharatiya Janata Party, le Congrès national indien, le Parti communiste indien, le Parti populaire national, le Parti Aam Aadmi et le Bahujan Samaj Party. A l'exception de ce dernier, tous font partie de la NDA ou de l'INDIA. Alliance démocratique nationaleL'Alliance démocratique nationale, abrégé en NDA (IAST : Rāṣhṭrīya Jānātānātrik Gaṭhabandhan) est une grande alliance politique, principalement de centre droit à droite et jusqu'à l'extrême droite. Elle est dirigée par le Premier ministre sortant Narendra Modi, président du BJP. Alliance inclusive de la nation indienne pour le développementL'Alliance inclusive de la nation indienne pour le développement — abrégé couramment en INDIA — est une alliance politique attrape-tout, principalement de centre gauche à extrême gauche, composée de partis d'opposition dirigés par le Congrès national indien, lui même mené par Mallikarjun Kharge, candidat au poste de Premier ministre[14],[15]. Principaux autres partis et alliancesDe nombreux autres partis se présentent aux élections en dehors des deux principales coalitions, dans le cadre d'une démocratie multipartite. La chef du parti Bahujan Samaj, Mayawati, annonce notamment que son parti se présentera seul aux élections dans la plupart des États et s'allierait avec d'autres partis non membres de la NDA et de l'INDIA au Pendjab et dans l'Haryana[31],[32]. Le , le leader du Biju Janata Dal et ministre en chef d'Odisha, Naveen Patnaik, déclare que son parti se présentera seul aux élections de Lok Sabha[33]. CampagneLa campagne s’ouvre en plein scandale du système des « bons électoraux » mis en place par Narendra Modi en 2017 pour financer les partis politiques. Déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême le , il a permis à des entreprises d’acheter anonymement et sans limite des titres auprès de la State Bank of India, que la banque reversait aux bénéficiaires. La haute juridiction a estimé que la source et autres détails de ce financement ont été cachés au public, en violation du droit fondamental des électeurs à l’information et de leur droit à faire un choix éclairé avant de voter[34]. Surtout, certaines entreprises semblent l'avoir fait de manière contrainte. Quatorze des trente entreprises qui ont versé les plus grandes sommes aux partis politiques étaient poursuivies pour des faits de fraude et avaient subi des descentes de police[35]. Le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), a été le grand bénéficiaire de ce système avec plus de 750 millions de dollars reçus entre 2019 à 2023, soit quatre à cinq fois plus que le principal parti d'opposition, le Congrès national indien[34]. L'opposition met par ailleurs en doute la transparence des élections et de l’organisme chargé de les organiser, en accusant le gouvernement d'avoir procéder à des manœuvres afin de modifier la composition de cette structure indépendante. Deux de ses trois membres sont ainsi nommés en vertu d’une loi adoptée par le Parlement en , qui donne un avantage au gouvernement dans le choix des membres[34]. Bharatiya Janata PartyLa réunion exécutive nationale du BJP qui s'est tenue les 16 et a vu le parti réaffirmer sa confiance dans le Premier ministre Narendra Modi et prolonger le mandat du président national du BJP, JP Nadda. Présentant la stratégie du BJP pour les prochains scrutins, le Premier ministre Modi a déclaré dans son discours aux membres du parti qu'ils devraient s'adresser à toutes les couches de la société, y compris les communautés marginalisées et minoritaires, « sans considérations électorales »[36]. Le Premier ministre sortant s’est fixé pour objectif, avec ses alliés, un seuil de 400 députés, contre 350 en 2019, ce qui lui permettrait d’atteindre la majorité des deux tiers requise pour modifier la Constitution[34]. Les moyens financiers dont dispose le BJP surpassent de loin ceux de ses concurrents. Le parti de Narendra Modi possédait en 2022 une richesse déclarée de 60 milliards de roupies (670 millions d'euros). Le BJP est ainsi plus riche que les sept autres formations nationales réunies, et possède sept fois plus de fonds que son principal rival, le Congrès[35]. Le parti est aussi très influent sur les réseaux sociaux et bénéficie du soutien d'une grande partie des médias[35]. Le Premier ministre se présente comme celui qui tient ses promesses, mettant en avant l'abrogation de l'autonomie du Cachemire en 2019, qui a fait passer cette région disputée à majorité musulmane sous l'autorité directe de New Delhi, et l'ouverture du temple de Ram, en , sur les ruines d'une ancienne mosquée moghole[35]. Congrès national indien![]() Le parti fait l’objet de mesures d’entrave pendant la campagne. Plusieurs de ses comptes ont été gelés depuis la mi-février par l’administration fiscale et il n’a plus les fonds nécessaires pour mener campagne. Le dirigeant du parti, Rahul Gandhi, déclare : « Nous ne pouvons pas faire notre travail. Nous ne pouvons pas soutenir nos militants et nos candidats. Nos dirigeants ne peuvent pas voyager à travers le pays. Nous ne pouvons pas diffuser nos tracts. » Il a aussi estimé que le silence d’institutions comme la commission électorale montre qu’il n’y a « pas de démocratie en Inde aujourd’hui ». Les principales figures de l'opposition sont aussi poursuivies en justice pour des allégations de corruption ou de propos diffamatoires contre le gouvernement[37]. Enquêtes et sondagesSelon un sondage India TV-CNX publié le , 61 % des participants préféraient le Premier ministre sortant Narendra Modi (BJP) suivi de Rahul Gandhi (INC) à 21 % comme prochain Premier ministre indien[38]. ![]() Résultats
Analyse et conséquences![]() ![]() Avec 642 millions de votants sur 968 millions d'électeurs, le taux de participation s'établit à 66 %, en légère baisse par rapport aux 67 % atteints en 2019. La baisse est attribuée à la vague de chaleur qui s'est abattue sur le pays, les millions d'électeurs des dernières phases du scrutin ayant été confrontés à des températures parfois supérieures à 45°C. Le dépouillement, très rapide en raison de l'utilisation systématique de machines à voter, permet la publication des résultats préliminaires dès le 4 juin. Une troisième victoire consécutive de l'Alliance démocratique nationale (NDA) menée par le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre sortant, Narendra Modi, est alors attendue avec une large avance en sièges[40]. A la surprise générale, la NDA subit un important recul. Si elle conserve la majorité absolue des sièges qu'elle détenait dans la législature sortante, la coalition connait ainsi des résultats bien moins importants que ce que les projections des sondages lui laissaient espérer. Ce recul est particulièrement sévère pour le BJP, qui faisait campagne sous le slogan « Cette fois-ci, plus de 400 » (en hindi Abki Baar 400 Paar), un objectif de sièges qui paraissait pourtant atteignable au vu des sondages d'opinion. Non seulement le BJP ne parvient pas à décrocher avec ses alliés la majorité qualifiée des deux tiers des sièges — soit 370 — qui lui aurait permis de procéder librement à des amendements constitutionnels, mais il perd au contraire la majorité absolue qu'il détenait seul, le contraignant ainsi à dépendre de ses alliés au sein de la NDA[41]. Malgré la victoire, qui fait de lui le deuxième Premier ministre de l'histoire du pays à être reconduit sur trois mandats consécutif après Jawaharlal Nehru, le scrutin est par conséquent perçu comme un revers pour Narendra Modi, qui voit l'opposition renforcée et pourrait se voir contraint de tempérer son nationalisme hindou pour adopter une posture plus conciliante et centriste. Au soir de la publication des résultats préliminaires, le , il qualifie le scrutin de « victoire pour la plus grande démocratie du monde »[42],[43]. Il obtient le lendemain le soutien officiel de ses alliés pour sa reconduction au poste de Premier ministre[44]. Notes et référencesNotes
Références
Voir aussi |