Le principe d'une datation radiométrique est énoncé et mis en pratique par Ernest Rutherford en 1904 : l'âge de formation d'une roche peut être calculé à partir du rapport des quantités d'hélium et d'uranium qu'elle contient, l'hélium provenant de la décroissance radioactive de l'uranium. Le premier âge ainsi obtenu, 40 millions d'années, est un âge modèle car rien ne permet de vérifier que la roche n'a pas perdu d'hélium (qui peut s'échapper si la roche est chauffée) ni d'uranium (qui peut être soustrait par l'altération).
où λ = 0,013 96(9) Ga−1 est la constante de désintégration du rubidium 87[a] et le rapport des abondances atomiques du strontium 87 et du rubidium 87 dans l'échantillon. Cet âge modèle mesure le temps écoulé depuis la formation du minéral, à la condition qu'un certain nombre d'hypothèses soient vérifiées.
Démonstration
Si le minéral n'a pas gagné ni perdu de rubidium depuis sa formation, le nombre d'atomes de rubidium 87 qu'il contient encore est :
où est leur nombre initial (le nombre d'atomes présents lors de la formation du minéral). Les atomes de rubidium 87 disparus se sont transformés en strontium 87. Si le minéral n'a pas gagné ni perdu de strontium, le nombre d'atomes de strontium 87 qu'il contient est :
où est leur nombre initial. On en déduit :
.
Le minéral étant riche en rubidium et pauvre en strontium, on peut négliger le nombre initial d'atomes de strontium 87 devant le nombre actuel (le strontium 87 provient essentiellement de la désintégration du rubidium 87) :
, noté , d'où .
Le temps écoulé depuis la formation du minéral étant nécessairement petit devant la demi-vie du rubidium 87 (presque 50 milliards d'années), le rapport est nécessairement petit devant un, ce qui permet d'utiliser l'approximation :
.
Un avantage appréciable de cette méthode de datation est qu'elle peut être mise en œuvre à l'aide de simples analyses chimiques, sans recours aux coûteux spectromètres de masse :
où et désignent les masses de strontium et de rubidium dans l'échantillon.
Démonstration
Le nombre de moles de strontium 87 (par hypothèse le seul isotope présent) contenues dans l'échantillon peut être calculé à partir de la masse de strontium :
où (= 86,908 879 3 ± 0,000 002 4 g/mol[3]) désigne la masse molaire du strontium 87, et le nombre de moles de rubidium 87 à partir de la masse de rubidium :
où (= 85,467 8 ± 0,000 3 g/mol[4]) désigne la masse molaire du rubidium (de composition isotopique uniforme dans le système solaire, aucun de ses isotopes naturels n'étant radiogénique) et (= 27,834 6 ± 0,013 2 %[5]) la fraction molaire du rubidium 87 dans le rubidium naturel. On a donc :
.
Les minéraux auxquels on peut appliquer la méthode sont ceux dont la formule chimique contient du potassium (le rubidium est un élément peu abondant, de propriétés chimiques semblables à celles du potassium et de rayon ionique voisin : il ne forme pas de minéraux propres et entre en substitution du potassium dans les minéraux qui en contiennent) mais pas de calcium (pour les mêmes raisons, le strontium entre en substitution du calcium dans les minéraux qui en contiennent). C'est notamment le cas du feldspath potassique KAlSi3O8 (microcline, orthose ou sanidine), de la biotite K(Mg,Fe)3(OH,F)2Si3AlO10 et de la muscovite KAl2(AlSi3O10)(OH,F)2.
Le défaut de cette méthode est qu'elle repose sur deux hypothèses dont elle ne permet pas de vérifier la validité : l'absence de strontium initial significatif et l'absence d'échanges significatifs de rubidium et de strontium entre le minéral et son environnement. La première hypothèse peut être contrôlée si l'on emploie un spectromètre de masse (mesure de l'abondance des autres isotopes stables du strontium). La seconde peut l'être partiellement par l'analyse de plusieurs cristaux du même minéral mais de tailles différentes (les pertes ou gains éventuels de rubidium et de strontium sont contrôlés par la diffusion chimique, d'autant moins efficace que les cristaux sont plus gros). Le système rubidium-strontium permet de se passer de la première hypothèse et de contrôler la seconde avec l'analyse isotopique de différents minéraux de la même roche, mais par l'emploi d'une autre méthode, la méthode isochrone.
où , , et désignent les nombres respectifs d'atomes des quatre isotopes dans l'échantillon, et , et les constantes de désintégration de l'uranium 238, de l'uranium 235 et du thorium 232. Si la roche ou le minéral n'a pas reçu d'uranium ni de thorium de son environnement, ni perdu d'uranium et de thorium autrement que par désintégration, le nombre d'atomes d'hélium produits est[6] :
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Démonstration
Si la roche ou le minéral n'a pas gagné ni perdu d'uranium depuis sa formation, le nombre d'atomes d'uranium 238 qu'il contient encore est :
où est leur nombre initial (le nombre d'atomes présents lors de la formation de la roche ou du minéral). Chaque atome d'uranium 238 disparu a produit 8 atomes d'hélium 4. Le nombre d'atomes d'hélium 4 produits par la désintégration de l'uranium 238 est :
.
Le même raisonnement s'appliquant à l'uranium 235 et au thorium 232, les nombres d'atomes d'hélium 4 produits par la désintégration de ces deux types d'atomes sont :
et .
Le nombre total d'atomes d'hélium 4 produits par ces désintégrations est donc :
Si l'on admet que la roche ou le minéral ne contenait pas d'hélium lors de sa formation, et qu'elle n'en a pas perdu vers son environnement ni reçu, se confond avec , le nombre d'atomes présents dans l'échantillon :
.
Par spectrométrie de masse on est capable de mesurer les rapports isotopiques ci-dessus, l'âge de formation de la roche ou du minéral (le temps écoulé depuis cette formation) est donc donné par une équation numérique, qu'on ne peut pas résoudre analytiquement mais qu'on peut résoudre par une méthode numérique. Si cet âge est petit devant la demi-vie de l'uranium 235 (704 ± 1 Ma, la plus petite des trois demi-vies), l'équation se simplifie grâce aux approximations , et est donné par une simple égalité :
.
Comme le thorium est monoisotopique, l'hélium aussi s'il n'y a pas d'hélium initial, et que l'uranium a une composition isotopique essentiellement uniforme ( 1/137,8), les rapports isotopiques apparaissant dans les deux équations précédentes peuvent être calculés à partir des rapports de masse de l'hélium, de l'uranium et du thorium, sans recours à la spectrométrie de masse ; c'est ce qu'a fait Rutherford en 1904. Première méthode de datation radiométrique jamais utilisée, la datation à l'hélium est aujourd'hui abandonnée car les risques de perte ou de gain des trois éléments concernés depuis la formation de la roche ou du minéral sont trop importants, surtout celui d'une perte d'hélium (relâchés dans des sites cristallographiques qui ne leur conviennent pas, les atomes d'hélium s'échappent assez facilement, sous forme gazeuse, dès que la roche ou le minéral est un peu chauffé au cours de son histoire géologique). La désintégration de l'uranium et du thorium est toujours utilisée, mais avec des méthodes plus fiables comme les datations uranium-plomb et plomb-plomb(en).
où λ désigne la constante de désintégration de l'hafnium 182 (0,078 ± 0,002 Ma−1[7]), les valeurs du rapport isotopique sont respectivement mesurée dans l'échantillon (indice « éch »), mesurée dans les chondrites (indice « ch ») et estimée dans la nébuleuse solaire (indice « 0 »), et le facteur tient compte de la différence d'abondance de l'hafnium entre l'échantillon et les chondrites :
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Notes et références
Notes
↑ où T désigne la demi-vie du rubidium 87 (49,67 ± 0,32 Ga[2]).
↑(en) C. Vockenhuber, F. Oberli, M. Bichler, I. Ahmad, G. Quitté et al., « New Half-Life Measurement of 182Hf: Improved Chronometer for the Early Solar System », Physical Review Letters, vol. 93, no 17, , p. 172501 (DOI10.1103/PhysRevLett.93.172501).