David Edwin Pingree (, New Haven, Connecticut - , Providence, Rhode Island) est un historien des sciences américain, professeur d’université et professeur d’histoire des mathématiques et des classiques à l'université Brown et l’un des plus grands historiens des sciences exactes de l’antiquité en Amérique (principalement les mathématiques)[1].
Biographie
Diplômé de la Phillips Academy à Andover (Massachusetts) en 1950, il étudie ensuite à l'université Harvard où il obtient son doctorat en 1960 avec une thèse sur la supposée transmission de l'astrologie hellénistique(en) à l'Inde sous la supervision conjointe de Daniel H. H. Ingalls Sr.(en) et d'Otto Eduard Neugebauer[2]. Après avoir terminé son doctorat, Pingree est resté trois ans de plus à Harvard en tant que membre de sa Society of Fellows avant de s’installer à l’université de Chicago pour accepter le poste d’associé de recherche à l’Oriental Institute.
Il rejoint le département d'histoire des mathématiques de l'université Brown en 1971, où il occupe la chaire jusqu'à sa mort[3].
En tant que successeur d'Otto Neugebauer (1899–1990) dans le département d'histoire des mathématiques de Brown (créé par Neugebauer en 1947), Pingree compte parmi ses collègues des érudits notables, notamment Abraham Sachs et Gerald J. Toomer[4],[5],[6].
(...) Pingree s'est consacré à l'étude des sciences exactes, telles que les mathématiques, l'astronomie mathématique et les présages astraux. Il s’intéressait également beaucoup à la transmission de ces sciences au-delà des frontières culturelles et linguistiques. Son intérêt pour la transmission des sciences exactes provenait de deux fronts ou, peut-être plus exactement, de son intérêt représente les deux faces d'une même pièce. D'une part, il s'interrogeait sur la manière dont une culture pourrait s'approprier, et donc modifier, la science d'une autre culture (antérieure) afin de rendre ces connaissances scientifiques antérieures plus accessibles à la culture destinataire. D'autre part, Pingree s'intéressait également à la manière dont les textes scientifiques issus d'une culture ultérieure pourraient être utilisés pour reconstruire ou mettre en lumière nos archives fragmentaires de sciences antérieures. Dans cette quête, Pingree utilise avec la même facilité les œuvres grecques anciennes pour clarifier les textes babyloniens sur la divination, se tourner vers des traités arabes pour éclairer les premiers textes astronomiques et astrologiques grecs, rechercher des textes sanskrits pour expliquer l'astronomie arabe ou suivre l'apparition de l'astronomie indienne l'Europe médiévale[7].
En , la bibliothèque de l’Université Brown a acquis la collection personnelle de documents de recherche de Pingree. La collection se concentre sur l'étude des mathématiques et des sciences exactes dans le monde antique, en particulier en Inde, et sur la relation entre les mathématiques orientales et le développement des mathématiques et des disciplines connexes en Occident. La collection contient environ 22 000 volumes, 700 fascicules et plusieurs manuscrits. Le fonds contient des documents antiques et récents publiés en sanscrit, en arabe, en hindi, en persan et en langues occidentales[8].
David Pingree s'est intéressé aux apports de l'astrologue et astronome juif Masha'allah ibn Atharî (vers 740-815)[9], qui a écrit une vingtaine de livres en astrologie, traduits en latin au XIIe siècle et dont un seul reste dans son arabe original[10] ; on en dispose de nombreuses traductions dont une en grec byzantin[11].
Dans leur article « The Fragments of the Works of Al-Fazārī », David Pingree et ses co-auteurs Carlo Alfonso Nallino et Edward Stewart Kennedy s'intéressent aux travaux de Muhammad al-Fazari, astronome et astrologue ayant vécu à la cour du calife Al-Mansur. Ils pensent notamment qu'il pourrait s'agir de la même personne qu'un autre astronome, Ibrahim al-Fazari, que Heinrich Suter décrit comme étant son père, tant il est difficile de distinguer les œuvres de l'un de celles de l'autre[12].
David Pingree étudie le Yavanajataka, important texte d’astrologie antique indienne, et en propose une traduction du sanskrit vers l’anglais (publiée en 1978[13]) et une datation, toutes deux sujettes à controverse. Selon lui, il est indéniable que l’ouvrage est sous-tendu par la tradition grecque, notamment par le fait que les couleurs associées à chaque planète dans le Yavanajataka sont les mêmes que l’on retrouve régulièrement dans les représentations grecques[14].
David Pingree est connu pour avoir avancé sa théorie de la "non-originalité" de la science indienne en astronomie (Jyotisha(en)). La majeure partie de cette science repose, selon sa préférence, uniquement sur des concepts étrangers. Il a affirmé que, dans l'astronomie indienne ancienne, tout provenait de Babylone, même en l'absence de preuves de cette thèse. Cette théorie de l’originalité fait l’objet de vives controverses parmi les spécialistes et nombre de ses arguments ont été rejetés. K.S. Shukla, par exemple, signale les amendements gratuits et incorrects apportés par Pingree au manuscrit du Yavanajataka[23]. Selon l'historien de l'astronomie Bill Mak: "Les nouvelles lectures et preuves suggèrent toutefois que la datation par David Pingree de l'original de Yavaneśvara (149 / 150CE) et de la traduction par Sphujidhvaja (269 / 270CE) sont intenables. Il n’y a eu qu’un seul auteur, Sphujidhvaja, connu également sous le nom de Yavaneśvara. De plus, le colophon n’indiquait pas de date. Les dates étaient un amendement personnel de Pingree" [24],[25].
Dans son livre "Astronomie Indienne" (1975), l'historien français de l'astronomie Roger Billard a rejeté la théorie de Pingree selon laquelle les tables astronomiques indiennes étaient dérivées de Babylone en montrant que cette théorie était en conflit avec les preuves internes des textes indiens.
Astronomy and Astrology in India and Iran, , Isis 54 no 2, p. 229-246
(en) David Pingree, « The Fragments of the Works of Yaʿqūb ibn Ṭāriq(en) », Journal of Near Eastern Studies, vol. 26, , p. 97-125
(en) David Pingree, « The Fragments of the Works of al-Fazari », Journal of Near Eastern Studies, vol. 28, , p. 103-123
1970 : Census of the Exact Sciences in Sanskrit (Recension des sciences exactes en sanscrit, 5 volumes) Société américaine de philosophie, Philadelphie
1970–1971 : avec Otto Neugebauer : The Pañcasiddhāntikā of Varāhamihira. (Historisk-filosofiske skrifter. 6, 1, (1)–2, (ISSN0023-3307)). 2 vol. Munsgaard, Copenhague.
1993 : (en) « The Greek Influence on Early Islamic Mathematical Astronomy », dans Journal of the American Oriental Society 93 (1993) : 32–43.
1994 : (en) « The Teaching of the Almagest in Late Antiquity », dans Timothy D. Barnes (dir.), In The Sciences in Greco–Roman Society, Academic Print and Publishing, Edmonton, 1994, p. 73–98.
1997 : (édité avec Charles Burnett) Le Liber Aristotilis de Hugo de Santalla, Institut Warburg Surveys and Texts 26, Londres.
1999 : avec Hermann Hunger: Astral Sciences in Mesopotamia (Handbuch der Orientalistik(de). Abt. 1: Der Nahe und der Mittlere Osten. vol 44). Brill, Leiden et. a. (ISBN9004294139).
2001 : (en) « From Alexandria to Baghdād to Byzantium: The Transmission of Astrology », International Journal of the Classical Tradition, été 2001, p. 3-37.
2002 : (avec Takanori Kusuba) Astronomie arabe en sanscrit: Al-Birjandī sur Tadhkira II, chapitre 11 et sa traduction en sanscrit, Brill, Leiden
History of Mathematical Astronomy in India. In: Dictionary of Scientific Biography. vol 15 = Supplément 1: Roger Adams – Ludwik Zejszner. Topical Essays. Scribner, New York NY 1978, (ISBN0-684-14779-3), pp 533–633.
↑Jon McGinnis (University of Missouri, St. Louis), Remembering David E. Pingree. The International Society for the History of Arabic/Islamic Science and Philosophy website. Retrieved 26 October 2011.
↑David Pingree: "Māshā'allāh: Greek, Pahlavī, Arabic, and Latin Astrology", in '"Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque", Orientalia Lovaniensia Analecta 79, Louvain-Paris, 1997, p. 123-136.
↑David Pingree, "The Byzantine Translations of Māshā'allāh on Interrogational Astrology", in The Occult Sciences in Byzantium, éd. Paul Magdalino, Maria V. Mavroudi, Genève, 2006, p. 231-243. David Pingree, "From Alexandria to Baghdād to Byzantium: The Transmission of Astrology", International Journal of the Classical Tradition, Summer 2001, 3-37.
↑(en) David Pingree (dir.), The Astronomical Works of Gregory ChoniadesI, Corpus des Astronomes Byzantins, Amsterdam, 1985.
↑(en) David Edwin Pingree, Census of the Exact Sciences in Sanskrit, Philadelphie, American Philosophical Society, , p. 563, vol. V
↑(en) David Edwin Pingree, Jyotishastra, Astral and Mathematical Literature : A History of Indian Literature, Cambridge, Harrassowitz, , 149 p. (ISBN978-3447021654), p. 71 - 75
↑(en) D. Gold et D. Pingree, « A hitherto unknown Sanskrit work concerning Madhava's derivation of the power series for sine and cosine », Historia Scientiarum(en), vol. 42, , p. 49-65
↑(en) David Pingree, « Hellenophilia versus the History of Science », Isis, vol. 83, no 4, , p. 554-563 (DOI10.1086/356288, JSTOR234257)
↑K. S. Shukla, The Yuga of the Yavanajātaka - David Pingree’s Text and Translation Reviewed, Indian Journal of History of Science 24, 1989, no 4, p. 211-223
↑Dhavale, « The Yavanajataka of Sphujidhvaja by David Pingree », Annals of the Bhandarkar Oriental Research Institute, vol. 65, nos 1/4, , p. 266–267 (JSTOR41693124)
↑Rocher, « The Yavanajataka of Sphujidhvaja by David Pingree », Isis, vol. 71, no 1, , p. 173–174 (DOI10.1086/352443, JSTOR230349)