Camarade Papa est un roman en français de Gauz publié par les éditions Le Nouvel Attila en 2018. Il a reçu le Prix Éthiophile 2019.
Trame narrative
Un jeune homme éduqué des années 1880 se décide à quitter sa demeure, Châtellerault, et la France pour l'Afrique, la Côte d'Ivoire. Là, il observe, part en mission et en caravane, rejoint son poste à Assikasso.
Dans les années 1980, un petit enfant noir, de 8 à 10 ans, à Amsterdam, reçoit une éducation francophone particulière (lutte de classes). Ses parents finissent par l'envoyer la compléter en Côte d'Ivoire.
Pris en charge par un oncle et une tante, il y rencontre d'autres élèves, sa grand-mère (Bonjour camarade Alloua-Treissy (p. 250)), et y découvre la tombe de son arrière-grand-père, Maxime Dabilly - 1936 (p. 251).
Chapitre orphelin : La maison seule sur la colline
Contexte géographique et historique
Années 1880
Aucune date n'est donnée sur cette période, mais la majorité des personnages et des événements évoqués sont réels, et l'essentiel de l'action se concentre sur l'année 1888.
France : les années de formation de Maxime
Alsace, Strasbourg, guerre de 1870, Niederbronn, Sarreguemines, Diebling
Aniaba, prince d'Assinie, envoyé en France en 1688, formé, et revenu vers 1700, et qui serait le lointain parent de la famille Anno
Années 1980
Aucune date n'est fournie, mais l'adulation (par l'enfant et ses parents) des discours révolutionnaires et des régimes communistes correspond à ces années-là : le Grand Timonier Mao Tsé Toung, Lin Piao, Camarade Fidèle Cigare (p. 126), Enver Hodja (1908-1985), Kim Il-sung (1912-1994), ou Youri Gagarine, et Commune-de-Paris.
Personnages
Le lecteur accompagne, en 1888, Maxime Dabilly et Adjo Salgalss principalement, et en 1988 presque uniquement l'enfant anonyme, à Amsterdam comme en Côte d'Ivoire.
Années 1880
France : Maxime Dabilly, Pierre Munchène ou Peter München, et les Alsaciens de la Manufacture d'Armes
Treich, Marcel Treich-Laplène (1860-1890)[6], explorateur, administrateur colonial, qui part à la recherche de LG (disparu), à la rencontre de Binger, et pour contrôler le respect des accords signés avec les divers royaumes
Maxime Dabilly, narrateur, alias Dabii, employé, puis responsable du poste d'Assikasso
Eugène Cébon, chef cuisinier, alias Kouamé Kpli de Krinjabo
Louis Anno, interprète, fils d'un lettré formé en France
Boidy, hôte officiel de Maxime à Assikasso, et donc son parent responsable
Agny Tano
Sokhna, épouse du tirailleur-chasseur Coumba, et cuisinière-intendante de Maxime, et Petit Malamine, leur fils
trois tirailleurs, miliciens, djiminis : Coumba, Kouadio Angaman alias Capitaine-et-veinard, et Kassy Ntiman (p. 196)
Adjo Salglass, princesse Krinjabo, ou Adjo Blé,
sa mère Amlan Brôfouê Klaman (p. 228)
Sitafa, descendant de Wattara, Bambara de Bondoukou (p. 200), visiteur et négociateur
Années 1980
Les personnages contemporains sont fictifs, et évoqués surtout du point de vue du narrateur enfantin :
Amsterdam :
Capitaine Papa, les grands-soirs-Camarade-Papa,
Maman, les grands-soirs-Maman,
Yolanda, du Surinam, marchande de bisous, nounou
Marie-Anna, Marko-le-jaloux, Amédée-Pierre
Côte d'Ivoire
oncle Émile et tante Geneviève, sans enfant
grand-mère Nana Alloua-Treissy (p. 125) et (p. 250)
Yafoun Aléki, ma voisine de classe populaire télévisée
Éhima Jean, autre élève
directeur d'école, policier d'aéroport, etc
Style
Pour l'enfant moderne, le narrateur joue avec les mots et les sonorités : les maîtresses se follent (p. 17), Yolanda regarde ailleurs chaque fois que je la triste (p. 19), Yolanda me faucille du sol (p. 19), elle me marteau au sol (p. 19), le sourire au grand capital triste les masses (p. 21), je folle les maîtresses (p. 22), il me discourt (p. 24), il s'oublie et s'arrête au milieu d'un hareng révolutionnaire (p. 24), elle raconte des histoires à beaucoup de rires (p. 25), à cause de la pluie value (p. 58), Marx et son ange aussi (p. 58) , il vire-volts quand il en parle (p. 59), sous le mont Martre, le contrôleur de billets, authentique suppositoire du grand capital (p. 60), les vrais communards ont sûrement tous été mal sacrés face au mur dans le cimetière. Ne restent que des versailleurs et leur Thiers, un Adolphe ,comme l'autre et ses nausées gammées (p. 63), je me pleure de tout (p. 65), j'ai peur du poisonnement mais il y a du rouge dans la sauce (p. 121), un gros tube Hercule (p. 246), esclavengeurs (p. 246), un troupement (p. 246), on se laisse ami-distance (p. 247)...
Pour le fonctionnement de l'implantation française, le langage est plus varié : français approximatif des indigènes (ma coumandan) ou des expatriés, français châtié voire diplomatique de quelques Français et Ivoiriens :
Je suis Maxime Dabilly, fils de Pierre Dabilly et Catherine Bernard. Mon aïeul est un soldat récompensé de son courage à la guerre par une terre qui porte son nom. Je viens vous saluer depuis mon petit village de France jusqu'où le nom de Krinjabo est arrivé. Les nouvelles sont bonnes, rien de grave ne m'amène. J'ai la bouche pleine de mots, mais la parole qui commande aux peuples est albinos. elle est blanche de vérité et ne supporte pas le soleil (p. 140),
Que la paix d'Allah le miséricordieux soit avec vous. Je suis Sitafa, descendant de Wattara, Bambara de Bondoukou depuis que les poules savent pondre des œufs, commerçant de père en fils depuis que les hommes savent manger les poules et les œufs. Au nom d'Allah le magnificent, mes hommes et moi nous vous saluons (p. 220).
L'utilisation de termes locaux s'avère parfois nécessaire, surtout pour un personnage qui se met à la langue agni : fourous (faux moustiques, vrais insectes genre moutmout ou simulie), woya (animaux vociférateurs nocturnes) (p. 230), coque à cola, je lui ai envoyé mon karamoko, mon féticheur personnel (p. 203). Quand Maxime tombe malade : Dja Kouadjo, l'accès palustre, Nzo Guier, la diarrhée, et Vié Ngo, la fièvre (p. 219).
L'analyse de la situation (en 1888) paraît objective, pour ce qui concerne les déplacements, les cours, les palabres, les comportements, les maladies, les motivations des uns et des autres : Sikasso, Kong, Bondoukou et Koomasee fonctionnent comme des villes hanséatiques. depuis des siècles, une entente tacite leur permet de capter tout le commerce en provenance du nord et du sud. Elles rêvent d'accès faciles aux articles européens. Les Anglais tiennent Koomasee, la plus grande, la plus ancienne, la plus importante ville de la hanse. Pourquoi s'allier aux Français ? (p. 220).
Les recensions sont favorables, surtout à la dénonciation du colonialisme, et aux missions inverses (Europe blanche vers l'Afrique noire, et retour des petits-enfants noirs passés par l'Europe)[7],[8],[9],[10],[11]. Le roman a reçu le Prix Éthiophile 2019, remis le au Café Procope, à Paris ainsi que le Grand prix littéraire d'Afrique noire 2018.
↑Atger, Paul, « Les comptoirs fortifiés de la Côte d'Ivoire (1843-1871) », Outre-Mers. Revue d'histoire, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 47, no 168, , p. 427–474 (DOI10.3406/outre.1960.1326, lire en ligne, consulté le ).
↑Chaput, J., « Treich-Laplène et la naissance de la Côte d'Ivoire française », Outre-Mers. Revue d'histoire, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 36, no 126, , p. 87–153 (DOI10.3406/outre.1949.1127, lire en ligne, consulté le ).